L'Europe vient de réaffirmer sa détermination à renforcer son assistance à l'économie tunisienne, insistant sur sa volonté "de soutenir la Tunisie dans ses efforts de transition démocratique".
Rappelons que l'UE est le partenaire principal de la Tunisie auquel la lie carrément une dépendance structurelle bien plus qu'un rapport de partenariat.
Malgré cela, nous la voyons abuser de sa domination, prenant le risque de voir la Tunisie sombrer dans le chaos sans oser faire le strict nécessaire de ce que commandent la raison et l'éthique, mais aussi son devoir et sa responsabilité.
N'oublions pas que l'Europe est prix Nobel de la paix; or, si la Tunisie tombe sous les coups terroristes, c'est la paix dans toute la Méditerranée qui est compromise et pour longtemps. On ne peut désormais nier le fait que Daech commence en Méditerranée.
Qu'il nous soit permis de rappeler ici aux esprits prompts à faire état de catégories juridiques éculées du monde ancien saturé, pour imposer un immobilisme devenu criminogène qu'il existe en droit un délit dit d'abus de position hégémonique et un autre de non-assistance à personne en péril. L'Europe est dans le tort sur ces deux niveaux.
Si elle veut vraiment aider la Tunisie et ménager ses propres intérêts dans le pays, l'Europe se doit d'en finir avec sa triple politique obsolète: de gribouille en matière migratoire, de Picsou en matière de dette et de sainte nitouche en matière des droits et libertés.
Une politique migratoire de gribouille
Jusqu'à quand doit-on continuer dans le non-sens de combattre la clandestinité en l'encourageant? Il n'est plus besoin de le démontrer: ce sont les frontières qui créent le clandestin. Ouvrir les frontières, c'est en finir définitivement avec les immigrés clandestins; d'autant plus qu'il y a moins immigration et émigration aujourd'hui qu'expatriation au mieux et circulation humaine plus généralement. Et le mouvement c'est la vie; c'est une constante anthropologique.
De plus, l'ouverture des frontières ne se ferait pas sans un outil sérieux, respectueux des réquisits sécuritaires qu'est le visa biométrique de circulation. Il maintient le visa actuel en lui rajoutant la durée minimale d'un an de libre circulation sécurisée, puisqu'on continuera à relever les empreintes digitales, ce qui est déjà dérogatoire au droit international et nécessite une compensation.
Le volume de la communauté tunisienne en Europe ainsi que les acquis de son peuple et d'une jeunesse mûre sont un atout dont les autorités européennes doivent user pour tester ce mécanisme incontournable pour l'avenir des relations internationales.
Car, quand on a affaire à des gens mûrs, on ne peut continuer à les traiter en mineurs; c'est la meilleure façon de les amener à se révolter, les poussant à revendiquer leurs droits par la force. C'est ce qui explique les rangs pourvus des jihadistes en jeunes Tunisiens.
Une politique financière de Picsou
Qui ne connaît Oncle Picsou, personnage de bandes dessinées que l'on doit à Carl Barks des studios Disney? Oncle de Donald Duck, il est le canard le plus riche du monde, réputé pour son avarice.
C'est sous la férule de Balthazar Picsou que se place la politique financière européenne qui n'a d'yeux que pour les intérêts énormes que lui rapporte la dette tunisienne pourtant scélérate, dont le service grève le budget de l'État empêchant la moindre relance.
L'exemple grec est là pour prouver l'aspect absurde du maintien d'une dette. Il y a aussi le cas des pays latino-américains des années 80 apportant la preuve que l'on ne peut sortir de la crise par une austérité entretenue et le maintien du service d'une dette envenimant les choses.
Le salut de la Tunisie passe par l'immolation de cette vache à lait des profiteurs nationaux et internationaux que représente sa dette datant de la dictature et aggravée par une troïka irresponsable soucieuse de bétonner sa présence au pouvoir.
Que représente donc la dette tunisienne pour ne pas être effacée d'un trait de plume? Estimée à 49,1 % du PIB, soit 41,7 milliards de dinars (20 milliards d'euros) dont 30 milliards de dinars (14 milliards d'euros) de dette extérieure, elle s'élèverait à 126,7% du PIB, soit 96, 7 millions de dinars (45 milliards d'euros) avec la dette des entreprises et des ménages.
C'est énorme pour la Tunisie et son peuple, mais ce n'est rien pour les financiers internationaux, à peine une goutte d'eau dans l'océan de leurs intérêts mondialisés et de leurs profits énormes en Tunisie, faisant de son effacement un devoir.
Il faut aussi ne pas se voiler la face en disant que si les créanciers européens de la Tunisie ne veulent rien faire de sérieux en la matière, c'est que les politiques tunisiens n'osent même pas demander un moratoire. Ce qui aide l'Europe à vouloir maintenir le statu quo actuel de dépendance acceptée sinon défendue par les Tunisiens eux-mêmes.
Une politique des droits et libertés de sainte nitouche
Un tel masochisme politique, cause et effet de la crise, arrange les intérêts des uns et des autres pour que continue la crise synonyme d'absence d'État de droit et donc de prolifération de petits malfrats - religieux comme profanes - empêchant la mise en place d'un véritable partenariat en Méditerranée.
Nous le vérifions aussi au niveau de l'arsenal juridique du pays qui devait être aboli en urgence ayant été parmi les premières exigences populaires. Or, les autorités successives se sont coulées dans ce moule répressif, encouragées directement ou indirectement par leurs alliées occidentales qui n'ont que pour la forme les slogans des droits de l'Homme.
Que l'Europe fasse vraiment du respect des droits de l'Homme une priorité et nos autorités ne continueraient plus à louvoyer, refusant de mettre en application les doits et libertés consacrées par la Constitution!
On se satisfait d'annonces, comptant sur son effet pour calmer les attentes, telle la promesse non suivie d'effet de dépénaliser la consommation du cannabis oul'abrogation de l'homophobie en Tunisie. On se suffit d'une décision incomplète et orpheline ici, comme la criminalisation de l'anathématisation, tout en fermant les yeux sur les exactions quotidiennes. Et cela satisfait une Europe se taisant sur tout le reste, essentiel pourtant, car violant ses propres valeurs.
Si l'Europe veut vraiment aider la Tunisie, qu'elle fasse le nécessaire pour que les engagements pris par les autorités tunisiennes pour un État de droit soient effectivement honorés.
Et qu'elle commence à demander à nos dirigeants de tenir leurs promesses en matière d'homophobie ou de cannabis, par exemple, matières ô combien symboliques, de nature à révolutionner non seulement le mental, mais aussi les pratiques quotidiennes et barrer la route au terrorisme qui est d'abord mental.
Cela ne serait nullement de l'ingérence dans les affaires intérieures tunisiennes, mais bel et bien le service de la paix et des des droits de l'Homme qui sont les causes les plus universelles, ne connaissant nulle frontière, surtout pas en Méditerranée.
Par Farhat Othman - Source de l'article Huffpostmaghreb
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