Villa Méditerranée : très riche apéro autour de l’eau avec l’IRD et l’IRSTEA

L’eau au menu d’un apéro, cela peut paraître peu attractif, et pourtant... Le public était bien présent pour suivre le débat, proposé par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) et la Villa Méditerranée dans le cadre du troisième Apéro science qui avait pour thème , « Si l’eau m’était comptée ».

(Photo Philippe Maillé)
Il est vrai que les modèles de services d’alimentation en eau potable et d’assainissement collectifs sont de plus en plus mis en cause : on leur demande d’inciter à l’économie d’eau suite à la raréfaction des ressources mais cela a des conséquences négatives sur leur équilibre budgétaire, on exige aussi de garantir un accès à l’eau (et à l’assainissement) pour tous. Dominique Roux, attaché au Directeur, délégué à la Coordination de l’eau chez EDF, Marielle Montginoul, économiste à l’IRSTEA au sein de l’unité de recherche G-Eau, Mourad Ben Mansour, directeur des statistiques et de la planification à la Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (Sonede), Tunisie, sont tour à tour intervenu. Le débat était animé par les étudiants du Master SET Médiation en environnement d’Aix-Marseille Université (AMU) accompagnés par Thierry Noir, journaliste et Radio Grenouille.

Le verrou de Serre-Ponçon a été remarqué dès le XIXe siècle

Dominique Roux rappelle que la Durance, avant d’être domestiquée, connaissait « de très grandes crues et peu d’eau l’été ce qui ne permettait pas un développement de l’agriculture. Et le verrou de Serre-Ponçon a été remarqué dès le XIXe siècle, époque à laquelle est envisagé la construction du barrage qui ne sera lancé qu’en 1955 ». Serre-Ponçon est ainsi devenu un site de référence en matière de gestion multi-usage de l’eau : production d’énergie ; « château d’eau » de la Provence avec 200 millions de m3 dédiés à l’agriculture, à l’alimentation en eau potable ; lieux d’activités nautiques, gestion du territoire et des crues… 
Sur le Verdon, se sont les barrages de Sainte-Croix, de Quinson et de Gréoux qui voient le jour. Puis d’en venir à la prospective en évoquant R2-D2, une vision prospective de la gestion de l’eau du bassin de la Durance et des territoires alimentés par ses eaux à l’horizon 2050. « Ce projet, piloté par l’IRSTEA, est la première étude menée à cette échelle en France qui travaille à la fois sur la demande et la ressource ». Ce document prend en compte le climat, la ressource naturelle, les demandes en eau pour l’agriculture et l’alimentation en eau potable ; le fonctionnement des grands ouvrages hydrauliques (barrages de Serre-Ponçon, de Castillon et de Sainte-Croix), sous contraintes de respect des débits réservés, de côtes touristiques dans les retenues et de restitution d’eau stockée pour des usages en aval. Cet ensemble, validé en temps présent, a été alimenté par des projections climatiques et paramétré pour intégrer les évolutions du territoire décrites par des scénarios de développement socio-économique avec une hypothèse de conservation des règles de gestion actuelles.

« Aujourd’hui la réserve est épuisée 1 année sur 10, si rien n’est fait elle le sera 1 année sur 4 à l’horizon 2050 »

Les résultats des simulations suggèrent à l’horizon 2050 : une augmentation de la température moyenne de l’air impactant l’hydrologie de montagne ; une évolution incertaine des précipitations ; une diminution des stocks de neige et une fonte avancée dans l’année qui introduisent des stocks de neige et qui induisent une réduction des débits de printemps ; une diminution de la ressource en eau en période estivale ; une diminution de la demande globale en eau à l’échelle du territoire. 
Cette demande est fortement conditionnée par les scénarios territoriaux suivants : la satisfaction des demandes en eau en aval des ouvrages considérées comme prioritaires au détriment de la production d’énergie en hiver (flexibilité moindre de l’hydroélectricité en période de pointe) et, du maintien de côtes touristiques en été ; une diminution de la production d’énergie due notamment à la réduction des apports en amont des ouvrages hydroélectriques. Dominique Roux précise : « Aujourd’hui la réserve est épuisée 1 année sur 10, si rien n’est fait elle le sera 1 année sur 4 à l’horizon 2050. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’eau mais, la distribution d’eau potable sera prioritaire, sans oublier la production hydroélectrique. Mais cette étude prouve que les acteurs régionaux se prennent en main, entendent trouver des solutions ».

« L’eau disponible est de 450 m3 par personne et par an en Tunisie quand elle est de 5 000 m3 en France »

Mourad Ben Mansour, présente la Sonede, un établissement public, placé sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture, qui a vu le jour en 1968 et dont la mission est la production et distribution de l’eau potable sur tout le territoire tunisien. La société a pour objet l’étude et la réalisation des installations de captage, le traitement et production de l’eau potable, la gestion technique des réseaux et la gestion commerciale des abonnés. « Ainsi, nous sommes arrivés à desservir 100% des usagers en milieu urbain et 95% dans le secteur rural. Nous sommes une entreprise publique, nous ne faisons pas de bénéfices, nous avons un objectif social : fournir de l’eau à tous ; économique, arriver à un équilibre financier ; écologique, économiser l’eau pour les générations futures. Notre politique tarifaire comprend 7 tranches, au plus on consomme au plus l’eau est chère, le rapport étant de 1 à 6 entre la moins et la plus chère ». Précisant : « L’eau disponible est de 450 m3 par personne et par an en Tunisie quand elle est de 5 000 m3 en France ». 
L’économiste Marielle Montginoul se voit demander à quoi correspond une facture d’eau. « Il y a trois éléments qui entrent en ligne de compte : le prix du service pour livrer l’eau, l’assainissement et la quantité d’eau consommée », explique-t-elle. Évoquant le fait que l’alimentation en eau potable et l’assainissement requièrent des infrastructures importantes dont la construction et l’entretien sont coûteux : captage, réseaux, station de production d’eau potable, station de traitement des eaux usées. Elle n’omet pas de signaler que ce coût, indépendant de la consommation d’eau, est lié aux contraintes locales mettant l’accent sur le contexte géographique et la dispersion des habitats.
Enfin, poursuit-elle, « il ne faut pas ignorer que la qualité de l’eau entre également en ligne de compte ». Le service rendu est d’autant plus cher que les procédés de traitements pour la rendre potable sont complexes. Il lui est alors posé la question de savoir si elle préfère le système de gestion publique ou privé de l’eau : « Chaque système présente des avantages et des inconvénients. La régie n’a pas d’objectif financier contrairement à la délégation. En revanche, le privé va avoir des compétences qui permettront des économies d’échelle. Aujourd’hui, de grandes métropoles passent en régie, mais, souvent, il s’agit de décisions politiques. Après, il y a énormément de choses a mettre en place et cela peut être très complexe. Il arrive que, derrière la régie on trouve de la délégation déguisée ».

Par Michel CAIRE - Source de l'article Destimed

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