Le numérique, secteur d’avenir pour la France et le continent africain


A l’image de Renault installant une usine à Oran, en Algérie, les entreprises françaises, et l’économie française dans son ensemble, ont tout à gagner à se projeter dans les pays francophones du sud de la Méditerranée. 


Comme en témoigne la présence, à l’ouverture de cette usine, le 10 novembre, du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, la France soutient fortement cette dynamique, et plus largement celle de la « colocalisation », c’est-à-dire des partenariats productifs entre entreprises françaises et entreprises sud-méditerranéennes.

Le numérique se prête particulièrement bien à ces « colocalisations » pour deux raisons essentielles. D’une part, le secteur contribue à près de 25 % de la croissance du produit intérieur brut français. D’autre part, la France dispose d’un savoir-faire mondialement reconnu, comme l’a souligné le récent classement de l’ONU sur l’e-administration qui situe l’Hexagone au 1er rang européen et au 4e mondial.

Il est temps d’envisager les pays de la rive sud de la Méditerranée, et singulièrement la Tunisie, comme des pays non plus seulement de sous-traitance, mais aussi et surtout de cotraitance. C’est en partageant la chaîne des valeurs que les entreprises françaises pourront conquérir de nouveaux débouchés au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient, dans les pays du Golfe et en Afrique.
Processus de partage

Les entreprises du sud de la Méditerranée offrent à leurs partenaires du nord des compétences métiers, des viviers d’ingénieurs et un accès à ces marchés d’avenir. Dans ce cadre, la Tunisie se démarque de ses voisins, comme en atteste le classement de l’ONU sur l’e-administration, selon lequel la Tunisie est leader dans ce domaine en Afrique. La France a tôt identifié la Tunisie comme un partenaire privilégié pour aller à la conquête des marchés du numérique. Depuis 2013, les deux pays ont structuré leur action de colocalisation autour de l’Alliance franco-tunisienne pour le numérique. Elle rassemble à ce jour quelque soixante-dix partenaires français et tunisiens. Ces entreprises en retirent un impact positif sur leur compétitivité-coût et hors coût, ce qui leur permet de gagner des parts de marché, d’investir, et donc de créer des emplois. Cette Alliance constitue un exemple à suivre en la matière.

Dans un contexte de crise et de croissance atone, il est aussi temps de prendre conscience que notre profondeur stratégique et nos nouvelles parts de marché se trouvent au Moyen-Orient, dans les pays du Golfe et surtout en Afrique. Car en dépit de la mondialisation, force est de constater que partager une culture, une langue, être géographiquement proche restent des avantages comparatifs de taille dans le commerce international.

Une étude réalisée par l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) sur l’industrie allemande dans les pays de l’Europe centrale et orientale a d’ailleurs mis en avant les bénéfices que l’Allemagne a retirés de l’implantation de greffons dans son voisinage oriental. D’une part, en réimportant jusqu’à 46 % de la valeur ajoutée des biens d’équipement produits dans son hinterland, elle a tiré les exportations de ces pays tout en bénéficiant de biens intermédiaires importés bon marché, ce qui a contribué à préserver sa compétitivité à la réexportation de produits finis ; d’autre part, ce processus de partage de la chaîne de valeur a créé, en Allemagne, des emplois industriels de qualification croissante, le pays gardant ainsi le contrôle sur l’ensemble de la chaîne.
2 milliards d’habitants en 2050

Or, la France partage une langue commune avec des centaines de millions d’Africains, une histoire commune, des valeurs communes. De nombreux binationaux sont attachés tant à la France qu’à leur pays d’origine. Les destins de la France et de l’Afrique sont sans doute étroitement liés. Autant d’atouts sur lesquels la France doit capitaliser pour prendre toute sa place dans la croissance et le développement de l’économie africaine. C’est aussi tout le sens de la francophonie économique, dont le premier sommet se déroulera à Dakar les 1er et 2 décembre. L’Afrique, forte de sa population jeune et dynamique, qui atteindra les 2 milliards d’habitants en 2050, constitue un potentiel immense, que nous aurions tort de négliger. Les Chinois l’ont compris, eux dont les produits représentent déjà 16 % des importations dans les pays d’Afrique. A l’inverse, l’Afrique ne demande qu’à se développer en partenariat avec nous.

Dans cette perspective, l’objectif affiché doit être de créer une véritable dynamique franco-africaine, un axe France-Méditerranée-Moyen-Orient-Afrique dans le numérique.

Ce nouveau modèle de coopération par la colocalisation mis en place avec la Tunisie est un premier pas vers la mise en œuvre d’une grande initiative Afrique numérique, dont le départ sera donné début 2015, sous les auspices de la French Tech, à l’occasion d’une rencontre entre chefs d’entreprise du numérique français, tunisiens et africains, qui se tiendra dans un grand pays d’Afrique de l’Ouest. Le rendez-vous est donc pris pour la construction de l’Afrique de demain grâce à la filière d’avenir qu’est le numérique.

Par Alexandre Zapolsky (PDG de Linagora, référent français de l’Alliance franco-tunisienne pour le numérique et président de la commission International du Syntec numérique)

Source de l'article Le Monde

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