Industrie culturelle - Sur la trace des districts italiens

  • Des dynamiques se mettent en place pour la création de clusters régionaux
  • Renforcer l’attractivité territoriale, créer des emplois, asseoir la notoriété d’une région 
  • Les expériences d’Essaouira et Chaouen à dupliquer dans le reste du pays
La culture peut-elle assurer des emplois stables? Est-elle en mesure de dynamiser des territoires? Peut-elle contribuer à la création de PME innovantes et transformer les ateliers d’arts et créations artistiques en clusters pour favoriser le développement de projets? 

Industrie culturelle Sur la trace des districts italiens
Les efforts pour faire de l’Oriental, à commencer par Oujda, une destination culturelle, sont mis en branle. Et il faut avouer qu’il y a fort à faire dans cette région qui regorge de potentialités, autant touristiques que culturelles et qui sont souvent boudées ou méconnues par manque de promotion. Il y a des sites préhistoriques, du tourisme de montagne, des festivals, de l’artisanat local labellisé, des infrastructures culturelles, des oeuvres d’art et des artistes... Les investisseurs sont tout autant servis grâce à une infrastructure dédiée à travers des ZI, agropole et clusters dédiés. Le tout est de mettre tout cela en musique et en faire un vecteur de promotion et d’attractivité territoriale. -
Des questions pertinentes sur lesquelles se sont penchés le Centre de ressources et de service euro-méditerranéen de l’Agence de l’Oriental, l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi) et la plateforme de coopération pour le développement économique en Méditerranée (Anima investment network) afin de sortir des recommandations positives à mettre en place pour encourager l’organisation du secteur. De nombreuses discussions font la part belle à ce secteur qui semble prometteur en tant que vecteur de développement. 

L’objectif est de déterminer de réels potentiels économiques pour une industrie culturelle et créative. Pour y parvenir, les professionnels souhaitent capitaliser sur les expériences menées à Chaouen et Essaouira qui ont fait fructifier leur patrimoine culturel et élargir le spectre à toutes les autres destinations culturelles du Maroc, essentiellement l’Oriental, en panne de reconnaissance à ce niveau. 
Les expériences menées à Chaouen et Essaouira ont permis à ces deux villes d’innover en matière d’attractivité territoriale. Oujda et l’Oriental dans son ensemble cherchent à leur emboîter le pas et lancer des pôles compétitifs en industries créatives et culturelles. Dans leur quête de créneaux porteurs, ils comptent sur l’appui de l’Onudi pour bénéficier des nouvelles opportunités de création d’emplois et de richesses. 

Industrie culturelle Sur la trace des districts italiens
Le cadre naturel d’une architecture typiquement locale 
fusionnée à des maisons blanchies à la chaux pour faire
de la médina une gigantesque galerie plein air. 
C’est le cachet de Chaouen qui est aujourd’hui une 
capitale de la gastronomie reconnue par l’Unesco 
(Ph. Azzemat) -
A l’image des districts en Italie, au Maroc, l’Onudi s’intéresse de plus en plus aux clusters dans les industries créatives et culturelles. Un travail précédé par un mapping pour lister les opportunités existantes comme la poterie à Safi, le textile de maison à Casablanca, la décoration et l’ameublement à Marrakech. 
 «Notre rôle est d’apporter des services de valorisation et de modernisation des produits artisanaux tout en apportant des compétences en marketing pour les mettre en relation avec des acheteurs internationaux», confie à L’Economiste Mohamed Bennani Hassan, coordinateur national du projet développement des clusters dans les industries créatives et culturelles au Maroc. 
Les clusters sont des pôles de compétitivité qui facilitent et organisent la collaboration entre le secteur privé, le public, les institutions de support et les organismes de mise à niveau pour améliorer la compétitivité régionale. «À Marrakech on travaille avec les artisans qui font du luminaire, textile de maison, l’art de la table, la céramique…etc. Dans l’Oriental, on balise le terrain pour une meilleure façon de valoriser des produits à fort contenu culturel», ajoute Bennani. 

Essaouira, un cas d’école

En matière de valorisation du produit culturel, Essaouira est un cas d’école. En misant sur le développement à travers la culture, Essaouira a réussi là où d’autres n’ont pas osé s’aventurer. Le pari était fort car l’objectif de l’expérience d’Essaouira doit faire boule de neige. Après une évaluation des potentialités et ressources existantes, il s’est avéré qu’Essaouira avait pour première richesse son patrimoine et son identité culturelle. «Nous avons, ensuite, réfléchi au moyen de protéger ce patrimoine, tout en restant fidèle à notre culture, notre identité et notre mémoire. Ce souci de préservation allait de pair avec la transformation de ce patrimoine en source de richesses», explique Kaoutar Chakir Benamara, secrétaire générale de l’Association Essaouira Mogador. Et d’enchaîner, «Chez nous la culture a trouvé une adresse légitime et assure des emplois aux jeunes. Nous n’avons pas un tourisme industriel ou un développement artificiel. La culture est notre atout économique pour générer des richesses aux populations locales».

Chefchaouen, la gastronome 

Essaouira a sa «jumelle» dans le Nord. L’expérience de Chefchaouen est typique car elle a su coupler tourisme de montagne et animation culturelle. Deux axes érigés en locomotive de croissance. La ville vient d’être classée patrimoine immatériel de l’Unesco grâce à la renommée de sa gastronomie. Un musée est en phase de construction réservé à la diète méditerranéenne.

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À elle seule, la dernière édition du festival des Andalousies Atlantiques a drainé plus de 100.000 visiteurs spectateurs. Dans ces deux destinations que sont Essaouira et Chaouen, le nombre d’hôtels a explosé. A Essaouira, il est passé de 6 à 200, à Chaouen de 6 à 56 avec en sus 120 maisons d’hôtes (Ph. Bouhali)
«Ce modèle nutritionnel est demeuré constant dans le temps et a donné naissance à un formidable corpus de savoirs, chants, maximes, récits et légendes. Une nutrition qui s’enracine dans le respect du territoire et de la biodiversité, et assure la conservation et le développement des activités traditionnelles et de l’artisanat liées à la pêche et à l’agriculture dans les communautés méditerranéennes dont Soria en Espagne, Coron en Grèce, Cilento en Italie et Chefchaouen au Maroc», est-il précisé auprès de l’Unesco. Cette renommée diététique et les multiples festivals culturels en poésie, chant, madih, caricature, photographie et le festival du printemps de Chefchaouen ont fait de la ville un fief pour les amateurs du tourisme culturel. 
Une renommée qui a impacté les recettes de la ville de manière conséquente. «Depuis 2009 le nombre des hôtels a été multiplié par dix. Il est passé de 6 à 56 en plus de 120 maisons d’hôtes. Une activité hôtelière qui assure des emplois stables à plus de 500 personnes», rapporte Abdelatif Benchabtite, secrétaire du conseil communal de Chefchaouen. Quant au nombre d’artisans, il avoisine les 1.500 dans une ville qui compte 42.000 habitants.
Des habitants qui, lors des «Laaoucher», couvrent leur ville d’un même bleu azur, lui conférant ce cachet unique. C’est cette embellie artistique qui attire les touristes nationaux et internationaux, conclut notre interlocuteur.

Une association pour la promotion culturelle

L’Association Essaouira Mogador organise plusieurs festivals de musique: Andalousies atlantiques, printemps musical des Alizés, Gnawa et musiques du monde et pour la première fois le festival du jazz sous l’arganier sera lancé en 2016. Toutes ces animations font appel aux jeunes de la ville. 
Aussi les techniciens, les ingénieurs du son, les régisseurs de plateaux, la logistique, la communication et impressions sont issus d’Essaouira. Ils sont devenus professionnels grâce aux festivals qui les ont façonnés. En parallèle, le nombre des hôtels est passé de 6 à 200 depuis le lancement du premier festival artistique de la ville.  
Grâce à ses festivals Essaouira est sortie de son enclavement (avant le festival il n’y avait ni aéroport ni double voie) et s’est hissée en une destination touristique incontournable. Elle a aussi réussi le pari de diversifier sa clientèle et de fidéliser les amateurs des genres musicaux qu’elle propose.

Par Ali KHARROUBI -Source de l'article l'Economiste





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