Après que le Maroc ait haussé le ton appelant l'Union européenne à mettre "pleinement" en œuvre l'accord agricole UE-Maroc, une rencontre a été organisée.
Gros producteur de fruits et légumes, le Maroc a toujours une relation privilégiée avec l'Union européenne. C'est cette relation qui semble mise à mal aujourd'hui. © FADEL SENNA / AFP |
L'Union européenne n'a pas mis beaucoup de temps à réagir à l'inquiétude manifestée par le Maroc quant à l'accord commercial entre les deux entités. Ce mardi, la Haute Représentante et Vice-Présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, et le Ministre délégué aux Affaires étrangères du Royaume de Maroc, Nasser Bourita, se sont rencontrés pour faire le point de sur l´évolution des relations entre le royaule chérifien et l'UE.
Calmer le jeu et repartir sur l'essentiel
Et les deux parties ne se sont pas gênées pour réaffirmer leur attachement à un meilleur climat et un maintien de leurs relations privilégiées. Lors de cette réunion qui fait suite à la Déclaration conjointe du 21 Décembre de la Haute Représentante et de Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, suite à la décision de la Cour de Justice européenne sur l'Accord Agricole entre l'Union européenne et le Maroc, un certain nombre de points essentiels ont été mis en avant. "Le Maroc est un partenaire clé de l'Union européenne et l'Union européenne est un partenaire clé pour le Maroc . Les deux parties demeurent attachées à ce partenariat et engagées à le défendre. Ce partenariat entre l'Union européenne et le Maroc est le fruit d'une construction patiente de près d'un demi-siècle. C'est un partenariat modèle, riche et multidimensionnel. L'Union européenne et le Maroc sont déterminés à le préserver et à le développer, dans ses différentes dimensions", ont convenu les deux parties qui ont reconnu l'importance de maintenir des relations commerciales stables. A cet effet, elles ont d'ailleurs convenu que les équipes techniques se réuniraient bientôt pour élaborer en détail la voie à suivre.
Ensemble, elles ont également convenu que "les discussions entre l'Union européenne et le Maroc se poursuivront dans un climat de sérénité et de confiance mutuelle, pour s'entendre sur les arrangements nécessaires à la poursuite et au développement des relations entre les deux parties, notamment dans le domaine agricole". Entretemps, "dans l'attente de la conclusion de ces discussions, des mesures appropriées seraient prises si nécessaire pour sécuriser la mise en œuvre de l'Accord de libre échange des produits agricoles transformés et produits de la pêche entre l'Union européenne et le Maroc en vigueur et préserver les acquis du partenariat dans ce domaine".
Rappelant l'importance stratégique de leurs relations, les deux parties ont exprimé leur "volonté de reprendre le travail et d'élargir la coopération dans tous les domaines d'intérêt commun". La Haute Représentante/Vice-Présidente a profité de cette occasion pour saluer et féliciter personnellement le Maroc pour son retour au sein de l'Union africaine. Les deux parties se sont mises d'accord de travailler de concert afin de renforcer les synergies mutuelles de leur partenariat sur des questions régionales et panafricaines.
Avec cette déclaration conjointe, on est loin du climat qui a prévalu un moment après que le ministre marocain de l'Agriculture et de la Pêche, Aziz Akhannouch, se soit confié à l'AFP en des termes diplomatiques plutôt fermes. « Il y a eu un jugement. Il faut maintenant que les choses soient claires, sincères, sur l'avenir que nous voulons développer entre le Maroc et l'UE », avait-il déclaré au lendemain de la victoire diplomatique qu'a été la réintégration du Maroc dans l'Union africaine. « Nous avons un contrat commercial de libre-échange, un partenariat gagnant-gagnant. [...] Malheureusement, il y a des zones d'incertitude sur tout ce qui se prépare à Bruxelles », avait-il déploré, ajoutant « moi-même qui suis ministre de l'Agriculture, je n'ai pas compris jusqu'à maintenant la position de la Commission par rapport aux zones du Sud »
Accord commercial : les raisons de la colère marocaine
Signé en 2012, l'accord de libre-échange réciproque sur des produits agricoles et de la pêche avait été invalidé en décembre 2015 par le Tribunal de l'Union européenne (UE) après un recours du Front Polisario contestant l'inclusion du Sahara occidental dans le traité. Ce recours a finalement été rejeté fin 2016 par la Cour de justice européenne (CJUE). Ainsi, l'arbitrage de la CJUE fin 2016 avait débouté le Polisario, mais affirmé en même temps que le Sahara occidental (ex-colonie espagnole contrôlée par Rabat et dont le Polisario veut l'indépendance) n'était pas concerné par l'accord agricole, son statut n'ayant pas été arrêté par la communauté internationale.
Depuis lors, des associations pro-Polisario avaient contesté des opérations commerciales entre le Maroc et des pays européens, concernant des produits venus du Sahara. Dans la foulée, des eurodéputés avaient interpellé la Commission sur le sujet, pointant du doigt une possible « violation » de la décision de la CJUE. Parallèlement, le Polisario a également tenté de remettre en question la coopération Maroc-UE sur les énergies renouvelables, au moment où le royaume se positionnait comme un acteur important du secteur, avec le lancement de projets de centrales solaires en partie au Sahara occidental. « Nous n'avons pas de temps à perdre à aller devant les tribunaux. On ne veut pas entrer dans la cuisine interne des institutions européennes », avait souligné Aziz Akhannouch, qui a indiqué par ailleurs avoir « beaucoup de pression » des agriculteurs et des pêcheurs marocains. « J'ai signé un contrat avec l'UE, je veux simplement savoir si cet accord est toujours d'actualité », avait-t-il martelé.
Le ministre marocain de l'Agriculture et de la Pêche, Aziz Akhannouch © DR |
Ne pas mettre en péril une coopération construite sur plusieurs années
Dans un communiqué publié lundi, le ministère marocain avait rappelé que « la Commission européenne ainsi que le Conseil européen ont la responsabilité de neutraliser les entraves et tentatives de perturbation », qui « mettent en péril un édifice de coopération construit sur de nombreuses années » et nécessitent désormais « un engagement franc de la part de l'UE ». Pour bien faire passer le message, le ministère avait prévenu que l'Europe s'exposait à un « véritable risque de reprise des flux migratoires que le Maroc, au gré d'un effort soutenu, a réussi à gérer et à contenir ».
Cette déclaration augurait de nouvelles tensions entre l'UE et le royaume, qui bénéficie pourtant depuis 2008 d'un « statut avancé » de voisinage avec l'Union. « Il y a un malaise dans la relation entre le Maroc et l'Union européenne, c'est une grande déception pour nous », avait expliqué une source diplomatique marocaine haut placée à l'AFP. « Du fait notamment de la proximité géographique, nous avions fait le choix d'un partenariat privilégié. Nous n'en subissons aujourd'hui que des conséquences négatives. Sous prétexte de cette relation privilégiée, l'Europe agit désormais comme si nous étions dans son giron, ou même son sujet. Elle agit avec une vision moralisatrice et s'arroge le droit de juger », avait déploré cette source. « L'UE n'a plus aucune vision stratégique », avait-elle critiqué : « Nous avons désormais affaire à une machine, avec une multiplication des interlocuteurs et une dangereuse technicisation de la relation ». Pour ce diplomate, le Maroc n'avait "rien à gagner à une telle relation". « Nous préférons dès lors nous concentrer sur les relations bilatérales. La Russie, la Chine, les États-Unis ou encore l'Afrique ont bien plus à nous offrir », avait-il conclu mettant en exergue le retour du royaume dans l'Union africaine (UA) la semaine dernière après une absence de 33 ans. Mais après la déclaration commune, plus que jamais, tout semble bien qui finit bien
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