L’Allemagne joue un rôle très important dans la nouvelle politique énergétique de la Tunisie et ce rôle dépasse parfois les objectifs déclarés des acteurs tunisiens et allemands à d’autres finalités géopolitiques, a constaté l’Observatoire Tunisien de l’Economie (OTE), dans une note d’analyse dont une copie est parvenue à l’agence TAP.
« Dans quelle mesure l’Allemagne influence-t-elle les politiques énergétiques tunisiennes et dans quel but ? et en quoi ce phénomène est-il révélateur d’une tendance plus large, celle d’une rivalité intra-européenne pour l’approvisionnement en ressources énergétiques renouvelables et la vente de sa technologie de pointe?, s’interroge l’Observatoire, dans cette étude réalisée par l’analyste politique junior, Ophélie Julien-Laferrière,
Selon le document, « la transition énergétique en Tunisie ne saurait être comprise sans analyser la coopération allemande dans le domaine, acteur clé de la nouvelle politique énergétique tunisienne « .
L’Observatoire affirme que l’objectif affiché par l’Allemagne en ce qui concerne sa coopération avec la Tunisie dans ce domaine en l’occurrence « appuyer la Tunisie dans sa stabilisation post-révolutionnaire, créer des emplois conformément aux objectifs européens et endiguer les flux de migrations » ne reflète pas tout à fait, la réalité d’autant que le secteur des énergies renouvelables n’absorbe que très peu la main d’œuvre.
Pour cette association, » l’assistance et la vente de pièces techniques à forte valeur ajoutée pourrait être une autre piste » pour cette coopération. L’observatoire avance un chiffre édifiant, notant que » près de 60% de l’aide allemande accordée à l’Etat tunisien concerne le secteur de l’énergie « .
Dans la note, l’Observatoire met également, en relief la forte présence des institutions allemande dans ce secteur y compris dans les dédales de l’administration tunisienne chargée de l’énergie. A cet égard, le partenariat énergétique germano-tunisien, qui remonte à l’année 2012, est mandaté par le Ministère fédéral allemand de l’Economie et de l’Energie (BMWi) et est basé au Ministère tunisien de l’Energie ou il dispose d’un secrétariat permanent, depuis 2013. D’après l’OTE, les acteurs fondamentaux qui sont à l’origine d’une nouvelle politique énergétique en Tunisie, sont les fondations allemandes.
Ainsi, la Fondation Heinrich B?ll installée en Tunisie depuis 2012, encourage l’écologie auprès des partis politiques tunisiens. En partenariat avec l’association tunisienne Mourakiboun, elle a développé « Policies of the Futures », un projet qui depuis octobre 2016, vise à influencer les politiques énergétiques tunisiennes. La fondation Henrich B?ll, affilié au parti vert allemand, entend promouvoir dans une soixantaine de pays du monde, dont quatre dans la région MENA, les droits de l’homme mais aussi la transition énergétique et le développement durable. « Policies of the Futures » (Politiques du future) cible directement, les partis politiques « afin de les encourager à adopter une législation en faveur d’une gestion sur le long terme des ressources naturelles. Le projet a été financé par la banque allemande pour le développement KfW, avec l’idée de faire de Tunis une « smart city ».
GIZ : Un acteur très influent en Tunisie
D’autres acteurs allemands interviennent plus directement, en Tunisie telle que la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbait), présente en Tunisie depuis 1975. Cet acteur « très influent en Tunisie », où il y déploie « 150 personnes, dont 40 experts allemands, est le bras gouvernemental de l’Allemagne ». Selon Arne Schweinfurth, chef de la coopération de la GIZ dans le secteur Energie en Tunisie, cité par l’OET, la GIZ déploie une force d’action considérable en Tunisie. L ‘Agence qui possède un bureau à l’ANME(Agence nationale de maitrise de l’énergie), travaille en collaboration étroite avec des institutions tunisiennes tels que la STEG, le Ministère de l’Energie des Mines et des Energies Renouvelables qui a depuis peu la charge de mettre en œuvre le Plan Solaire Tunisien (PST).
L’initiative industrielle Désertec (DII), une société allemande bien informée sur le secteur énergétique tunisien, comme la GIZ, pour qui l’enjeu énergétique est primordial, ont toutes les deux « un réel impact dans l’élaboration de la législation du marché des énergies renouvelables en Tunisie et ses nouvelles réformes ». Elles semblent œuvrer pour promouvoir un cadre législatif moins contraignant qui limite le rôle de la STEG au profit des investisseurs privés, incitant à l’ouverture du marché aux capitaux étrangers et offrant des avantages fiscaux outre l’application des droits de douane minimum et la suspension de la TVA sur les équipements et produits utilisés pour la maîtrise de l’énergie, précise la note.
D’après le coordinateur du programme, Simon Isle, l’orientation stratégique du projet est d’accompagner d’autres acteurs (outre les ONG) : » les partis politiques, notamment, qui sont en train de se stabiliser et le Parlement qui est très important « .
l’Allemagne contribue à hauteur de 112 millions d’euros (environ 271,64 millions de dinars) dans le projet du Plan solaire tunisien (PST), lequel prévoit une part de 30% des énergies renouvelables dans le mix énergétique, d’ici 2030, selon le site de l’ambassade d’Allemagne à Tunis auquel se réfère l’analyse de l’OTE.
La Tunisie, rappelle encore la note, a une durée d’ensoleillement annuelle de 3000 heures, « une donnée qui n’a pas échappé à l’Allemagne, pays qui depuis 2012 soutient, dans le cadre du partenariat, sa stratégie de développement des énergies renouvelables ».
Pour l’Observatoire « la Tunisie dans cette période postrévolutionnaire fait l’objet de fortes convoitises dans le potentiel qu’elle représente au Maghreb ». Divers objectifs motivent les bailleurs de fonds et spécifiquement ceux allemands, note-t-il, citant la vente la technologie et le développement de l’influence allemand.
Par ailleurs, la concurrence et les démarches parallèles de la France et de l’Allemagne en Tunisie dans ce domaine sont aussi l’expression d’une » tension amicale » entre ces deux pays ainsi que de l’incapacité de l’Europe à développer unepolitique commune, conclut-il.
L’OTE se présente comme étant une association indépendante dont l’objectif est d' »éclairer les citoyens au travers d’une information indépendante, rigoureuse, documentée et critique sur les politiques économiques et leur impact sur le développement. » Il a été crée par un groupe de jeunes chercheurs multidisciplinaires (juristes, ingénieurs, économistes) dont des franco-tunisiens s’intéressant aux politiques publiques tunisiennes, à la suite du déclenchement du processus révolutionnaire en Tunisie » en 2011. Il a publié plusieurs note sur des questions économiques et énergétiques d’actualité, dont celles sur les thèmes de « l’indépendance de la Banque Centrale Tunisienne : enjeux et impacts sur le système financier tunisien » et « La réforme douanière sous ajustement structurel : lutte ou promotion du commerce informel ?
Source de l'article Africanmanager
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