Projet : Autoroutes maritimes et terrestres en Méditerranée
1. Une croissance des trafics très supérieure à la croissance démographique
En Méditerranée, la croissance des trafics a été très supérieure à la croissance démographique et économique entre 1970 et 2000: 4,9 % par an pour les passagers et 3,8 % pour les marchandises (hors maritime).
L'accroissement des trafics a été essentiellement celui des déplacements routiers, qui, en 1999, représentaient 88 % des déplacements terrestres de voyageurs et 82 % des transports de marchandises. Le rail (9 % du trafic interne voyageurs) joue un rôle notable en Égypte (47 % du total) et dans les pays de l’Est Adriatique (23 %).
La forte croissance du transport aérien (7,3 % par an) est à relier au développement du tourisme. Le trafic fret maritime a aussi connu une forte croissance (4 % par an) bien que l’on note une sous compétitivité des chaînes de transports euro-méditerranéennes Nord/Sud.
La flotte méditerranéenne est majoritairement soumise à un contrôle réduit et transporte des matières dangereuses. Les flux maritimes de transit représentent près de 40 % du trafic méditerranéen.
A l’horizon 2025, une très forte croissance des pressions est à prévoir: multiplication par 2,6 des trafics de fret terrestres, par 3,7 des trafics fret maritimes, quasi doublement du trafic voyageurs. La motorisation de masse(automobiles) devrait se généraliser au Sud avant 2025.
Cette évolution exponentielle aura de lourds impacts en termes de congestion, de nuisances sonores, d’émissions de gaz à effet de serre, de pollutions locales. Avec la forte croissance des trafics, la mer Méditerranée n’est pas non plus à l’abri d’une catastrophe écologique dont les coûts pourraient être beaucoup plus élevés que ceux enregistrés en Atlantique.
Le trafic maritime en Méditerranée est également vulnérable. Le flux croissant de navires multiplie les risques d'accidents, de piraterie, de terrorisme ou encore d'utilisation frauduleuse, voire de pratiques criminelles, comme le trafic de stupéfiants ou d’être humains, susceptibles de porter atteinte à des intérêts majeurs et de rendre inopérantes certaines infrastructures portuaires.
Aussi, pourraient être retenus des projets contribuant à l’intégration de l’espace méditerranéen, facilitant les échanges tout en préservant l’environnement, et permettant de sécuriser les échanges, tout en répondant aux besoins immédiats de sécurité des populations, ayant les caractéristiques suivantes :
- caractère transnational du projet, nécessitant la coopération de plusieurs pays pour les mener à bien,
- nombre important d’usagers directement touchés et concernés dans leur quotidien ;
- estimation des retombées économiques et sociales,
- logiques de mobilité et de développement durable.
Plusieurs projets ont été répertoriés et présentés en 2005 par le Groupe de Haut niveau (GHN), ou listés dans le Plan d’action régional de transport pour la région Méditerranée (PART, 2007 – 2013), réalisé au sein du Forum Euromed.
Parmi ceux-ci :
2. Le développement des autoroutes de la mer
Le concept d'autoroutes de la mer a émergé au début des années 2000 comme une combinaison de services intégrés de transport de marchandises sur des grands axes de transport comprenant un parcours maritime. Cet ensemble de services modernisés se matérialise tout au long de la chaîne des transports, à la fois sur le parcours terrestre, durant les transits portuaires, aux passages frontières et sur le segment maritime; il vise à assurer une plus grande fluidité du commerce transméditerranéen.
L'Espagne et la France ont relancé courant 2007 un projet de liaisons entre leurs 2 pays, susceptible d’aboutir très prochainement. Au sein de l'Union européenne, des réflexions sont aussi engagées entre l’Italie, la France et l’Espagne, entre la France et le Portugal, pour proposer des initiatives sur le corridor ouest Méditerranée.
Ces autoroutes de la mer répondent à plusieurs objectifs, notamment la réduction des congestions routières engendrées par la croissance très rapide du trafic du fret routier et le renforcement de l'efficacité du système d'exportation. Les intérêts des opérateurs convergent de part et d'autre de la Méditerranée pour fluidifier les acheminements maritimes combinés et accroître la part maritime des échanges commerciaux.
Pour les deux grandes solutions de transport de marchandises générales, en containers ou en remorques, les autoroutes de la mer en Méditerranée doivent pouvoir s'appuyer sur des services maritimes existants, combinés avec des avancées dans les domaines du transit portuaire, du passage frontalier et du transport terrestre. Elles nécessitent de revoir les infrastructures portuaires et de renforcer et d’améliorer la qualité des services existants et l’intégration du parcours maritime dans des schémas de transport combinant mieux le mode maritime et les modes terrestres. Ce projet se place ainsi dans un double objectif de développement durable et de viabilité économique.
Du point de vue opérationnel, les autoroutes maritimes doivent bénéficier de soutiens publics afin de parvenir à :
- opérer dans les ports sur des terminaux spécialisés "autoroutes maritimes" ;
- assurer les interfaces des conteneurs et des remorques routières entre le mode maritime et tous les modes terrestres disponibles (rail, route, voie navigable selon le cas) ;
- mettre en place des structures de partenariats réunissant les transporteurs, les ports et les autres intervenants de la chaîne de transport, afin d'offrir aux marchés des services "autoroutes maritimes" intégrés ;
- disposer de procédures de passage aux ports et aux frontières privilégiées, afin de faire bénéficier les marchandises des meilleures conditions de passages entre la mer, les ports et la terre ;
- engager pour cela les administrations douanières et autres institutions responsables de formalités et de contrôle dans une démarche d'adoption de standards "autoroutes maritimes" ;
- toujours en matière de standards, retenir les normes de sécurité, de sûreté et de protection de l'environnement les plus avancées afin d'aboutir à un label autoroutes maritimes méditerranéennes.
L'idée est de dresser, dans le cadre d'un très large partenariat, la liste des ports intéressés, d'identifier les flux potentiels et d'établir à la fois les bons modes de gouvernance et de partage des tâches pour finir par la réalisation de plans d'affaires. A terme, une conférence des bailleurs pourra être convoquée.
Le PART 2007 – 2013 retient aussi les autoroutes et routes de la mer. Un appel à projets est en cours dans le but de faire émerger des projets pilotes dont les résultats seront connus dans le courant du mois de juillet. L'objectif est de renforcer les dynamiques d'identification de projets réalisables concernant la Méditerranée du sud et de l'est et de favoriser leur mise en place. Les procédures adoptées seront compatibles avec celles définies au plan communautaire en cas de segment maritime européen. L’objectif est désormais d’accélérer le processus initié à Barcelone, en encourageant la multiplication des initiatives dans les différentes parties du bassin méditerranéen et en facilitant la mobilisation des acteurs et des financements afin de consolider les réalisations déjà en cours sur des axes pertinents du point de vue commercial et logistique et de lancer le développement d'autres axes/liaisons/ports/marchés.
Ces nouveaux projets concrets sur les corridors est et ouest méditerranéen nécessiteront de lourds investissements dans les composantes terrestres, portuaires, maritimes et de modernisation administrative aux niveaux nationaux ettransfrontaliers. Au-delà du financement par les acteurs économiques et de la mobilisation de l'ensemble des agences d'aide au développement et, le cas échéant, des fonds communautaires pertinents, notamment en cas de segment maritime européen, il pourra être nécessaire de construire des logiques nouvelles dans lesquelles les apporteurs de capitaux sont associés à l'ensemble de la chaîne de lavaleur.
3. La modernisation du train "transMaghreb" Dans le cadre de la promotion des échanges, mais aussi dans une perspective de réduction des émissions des gaz à effet de serre, le transport de voyageurs et de marchandises par fer entre les pays de la rive Sud pourrait être développé. La plupart des pays de la zone Sud ont, à des stades plus ou moins avancés, des projets ferroviaires en cours d’étude et souvent en attente de financement.
De manière ambitieuse, pourrait être affiché comme objectif la réalisation d’une authentique « ceinture ferroviaire » du bassin méditerranéen, avec une liaison allant de Casablanca jusqu’à Istanbul. A plus court terme, une approche plus pragmatique pourrait conduire à retenir des sections transfrontalières jugées comme prioritaires, parmi lesquelles certaines sont bien identifiées dans le cadre du PART comme les liaisons Istanbul –Cerkezköy - Frontière Bulgare, Oujda – Tlemcen ainsi que Port Saïd -Haïfa.
Des projets plus précis sont d’ores et déjà à l’étude : ainsi la modernisation du train trans-maghrébin reliant Tunis-Alger-Casablanca et l'amélioration de ses services, ou l'étude de faisabilité du train maghrébin à grande vitesse TGVM, reliant Tripoli à Casablanca via Tunis et Alger.
4. La sécurisation de l'espace maritime méditerranéen
Le développement des autoroutes de la mer est directement lié à la sécurisation de l'ensemble de l'espace maritime. Son amélioration constitue un levier fondamental du développement économique qui ne peut être efficace et durable dans cette zone partagée que si les partenaires ont l'assurance de bénéficier d’une sécurité suffisante, qui soit vécue par tous comme un bien commun et comme un vecteur de coopération prioritaire.
En effet, les risques sont globaux. Ils impliquent donc un devoir de solidarité entre les deux rives de la Méditerranée.
Dans un premier temps, trois actions concrètes sont proposées :
La lutte contre le trafic de stupéfiants
Le bassin méditerranéen constitue le point de rencontre de toutes les filières d’acheminement des stupéfiants et de leurs précurseurs chimiques. L'activité de ces trafiquants est vécue comme une agression caractérisée par les Etats méditerranéens concernés, comme pour l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Depuis deux années, le trafic de cocaïne à destination de l’Afrique a pris une nouvelle ampleur, tant au niveau des quantités déplacées (plusieurs tonnes par opération), qu'au niveau des implantations de trafiquants colombiens dans certains pays d'Afrique de l'Ouest. Certaines ripostes ont déjà été mises en place : plate-forme Caraïbe de lutte contre les stupéfiants (MAOC-N) à Lisbonne, projet de plate-forme en Afrique de l’Ouest. Les actions de certaines marines nationales sont, efficaces mais encore trop dispersées et trop limitées dans le temps pour atteindre de façon déterminante les organisations de trafiquants.
Il paraît urgent de s'unir pour apporter une réponse opérationnelle plus efficace et mieux adaptée, en mutualisant les moyens humains et matériels et les technologies appropriées, dans le cadre d'une structure de coordination, opérationnelle sans négliger celui de l'intervention en mer.
La France propose donc de renforcer très efficacement la coopération opérationnelle en Méditerranée dans ce domaine, par la création d'un centre de coordination de la lutte anti-drogue en Mer Méditerranée (CECLAD-Med). Ce projet pilote, à vocation européenne et méditerranéenne, a d'ores et déjà reçu l’approbation de plusieurs pays du pourtour méditerranéen et un accueil favorable de l’UE.
Afin de renforcer la sécurisation de l’espace maritime méditerranéen, un tel centre, devrait nécessairement être complété par la mise en synergie des principaux capteurs d’information existant en Méditerranée.
Le renforcement des capacités de surveillance et le développement de la coopération entre les acteurs maritimes et portuaires méditerranéens
Les ports constituent, depuis toujours, des lieux stratégiques d’échanges et de transit, tant pour les personnes que pour les marchandises. Ils sont devenus des enceintes sensibles dans un espace internationalisé de plus en plus ouvert à toutes sortes de flux.
Les zones portuaires ne sont pas seulement des vecteurs de l’immigration clandestine, mais aussi le théâtre de trafics en tous genres (véhicules volés, stupéfiants, contrefaçons, armes, personnes recherchées…). L’amélioration de la sécurité et de la sûreté maritimes en Méditerranée requiert de la part de tous les partenaires européens et méditerranéens, une volonté commune de mettre en synergie tous les moyens disponibles pour :
- assurer et coordonner le secours aux personnes en mer;
- sécuriser les routes de transit;
- prévenir les accidents de mer et les atteintes à l’environnement;
- lutter contre les menaces et les trafics illicites (drogue, immigration irrégulière…);
- préserver les ressources halieutiques;
- améliorer la protection des ports d’intérêt majeur.
Cette volonté commune devrait se caractériser par le renforcement des capacités de surveillance et le développement de la coopération entre les acteurs maritimes et portuaires méditerranéens, tant civils que militaires.
Dans ce contexte, il pourrait être suggéré de:
- constituer un réseau de contacts opérationnels nationaux, dans chaque pays partenaire, pour améliorer la synergie entre les systèmes de surveillance;
- créer ou renforcer un réseau de surveillance (Vessel Traffic System, radars côtiers, sémaphores…) relié à des centres opérationnels nationaux interconnectés, pour obtenir un meilleur partage d’informations sur les risques susceptibles d’affecter le trafic maritime sur l’ensemble du bassin méditerranéen;
- organiser l’échange d’informations et valoriser les expériences et expertises mutuelles, pour renforcer les capacités d'anticipation, d'identification et de prise en compte des risques;
- favoriser la prise en compte, dans chaque pays, de la norme de sûreté reconnue au plan international et adoptée par l'OMI le 12 décembre 2002 (code ISPS), et rechercher l’élaboration des plans de sûreté portuaire ;
- optimiser l'exploitation des systèmes de détection et d'identification des navires, et promouvoir les procédures et moyens de contrôle techniques, mis en œuvre par les services concourant à la sûreté maritime.
Ces mesures offriraient une réponse aux besoins des populations riveraines et valoriseraient la dimension économique et environnementale pour chacun des partenaires. En outre, elles accentuent la dynamique de coopération entre les acteurs du monde maritime. Ce projet devrait reposer sur des systèmes d’information et des procédures compatibles avec les engagements internationaux de chacun.
Les coopérations existantes dans ce domaine, en Méditerranée occidentale, ont d'ores et déjà ouvert la voie d’une meilleure connaissance et d'une plus grande confiance mutuelles, permettant d’initier des échanges d’informations.
Ces échanges permettraient de déboucher sur une harmonisation progressive des dispositifs maritimes et portuaires, et favoriseront l'adoption de technologies modernes, pour contribuer à élever les standards de sécurité et de sûreté maritimes, en particulier dans les zones de compétence des ports.
La création d'un fonds méditerranéen pour un financement public-privé de la sécurité de l'espace maritimeLe transport et les activités économiques maritimes génèrent en Méditerranée une richesse considérable. 40 % du volume mondial de marchandises et 30% du trafic pétrolier empruntent les routes maritimes du bassin méditerranéen, classé 3ème zone maritime mondiale après l'Asie et l'Europe du Nord. 13 000 navires de haute mer y effectuent annuellement 250 000 escales commerciales dans 500 ports de commerce, alors que 10 000 navires transitent sans s’arrêter à travers la Méditerranée. Par ailleurs, 250 millions de tonnes de produits dangereux transportés par la mer sont traités chaque année par les industries portuaires, alors que 200millions supplémentaires transitent le long des côtes.
La mer Méditerranée est donc exposée à la totalité des risques et ne bénéficie pas, notamment faute de moyens financiers, d’un dispositif coordonné de surveillance et de prévention à la hauteur des besoins du trafic.
Il est donc proposé la création d'une contribution financière, nouvelle pour Gibraltar, le Bosphore et additionnelle pour Suez, dédiée à la sécurité de l'espace maritime méditerranéen. Elle serait perçue en fonction du poids de marchandises transportées sur l'espace maritime délimité par les détroits. Ces derniers matérialisent les accès de cette mer fermée et facilitent le recensement des activités maritimes, ainsi que l'évaluation statistique des volumes d'échange et de transit.
Ainsi, à titre d’exemple, un prélèvement de l’ordre de 1 euro par tonne de marchandise transitant par Suez génèrerait une contribution de 1 million € par jour. Compte tenu de la valeur de la marchandise transportée et du coût induit par le détour de la Méditerranée, ce prélèvement est considéré comme indolore par les transporteurs. Ce projet ouvre ainsi une perspective pionnière, équitable et durable de financement de l'effort partagé de sécurisation de l'espace maritime, impliquant l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée.