Enfin une approche à la mesure des défis de la mondialisation ! Les régions qui gagnent sont celles qui savent unir leur Nord et leur Sud : l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) en Amérique comme l'Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) + 3 en Asie orientale associent des pays du Nord, qui disposent de la technologie et des méthodes, à des pays émergents dont les marchés sont en pleine croissance.
En retard dans ce mouvement de régionalisation, la Méditerranée est à un tournant de son histoire. Elle fait face à quatre transitions : énergétique, climatique, démographique (vieillissement au Nord et fin de transition démographique au Sud) et politique (mise sur pied d'un nouveau contrat social au Nord, progrès de la démocratie au Sud). Nous avons trente ans pour, ensemble, réussir ce tournant. L'alternative est claire : nous unir ou nous marginaliser. L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare et se construit. Commençons. Maintenant.
Pour le moment, le bassin méditerranéen souffre de l'absence d'une perspective politique. En 1995 à Barcelone, les pays de l'UE et de la rive sud ont lancé un projet de partenariat euroméditerranéen ambitieux pour la coopération économique, la stabilisation politique et l'échange culturel. Ce partenariat existe. On peut construire sur les bases qu'il a jetées. Mais les réalisations sont insuffisantes, on piétine.
Or, sans vision de l'avenir qui ancre les deux rives de la Méditerranée, les investisseurs renâclent, les politiques publiques communes tardent, les risques s'amoncellent. Le retard s'accroît : celui de l'Europe sur les autres pôles leaders du globe ; celui des pays de la rive sud sur les pays émergents d'Asie ou d'Amérique. La stratégie méditerranéenne se brouille : l'Europe peut être tentée d'accorder ses priorités à d'autres horizons ; les pays du Sud peuvent lier leur sort à d'autres partenaires. Dans la compétition mondiale qui s'exacerbe, l'Europe et les pays du Sud de la Méditerranée ont un puissant intérêt commun : définir ensemble une stratégie de développement durable et se donner les moyens politiques de la réaliser.
Seule une forte impulsion politique permettra le succès durable de l'UPM. Un nouvel élan dans le rapprochement des deux rives ne saurait se résumer au simple voisinage ; l'UPM peut tracer un destin commun, bien au-delà d'une zone de libre-échange. Il s'agit d'une union, assumons cette ambition. L'UPM ne doit pas signifier la mort du processus de Barcelone mais au contraire son enrichissement. L'acquis d'Euromed est réel : la stabilisation macroéconomique, les réformes structurelles et la convergence institutionnelle entre les deux rives sont engagées. Il convient de faire passer ce processus à un nouveau stade.
Ce nouveau stade porte un nom : la parité entre le Nord et le Sud. Parité dans la vision, parité dans la préparation des projets, parité dans la prise de décisions, parité dans la gouvernance. Il est indispensable de rompre avec la perception des pays sud- méditerranéens selon laquelle l'Europe impose toujours ses vues.
Il sera nécessaire de rappeler aux populations européennes que leurs homologues du Sud ne revendiquent, dans le cadre de cette union, ni aide financière massive ni ouverture totale et immédiate des frontières. Rappeler aussi que ce qui menace l'Europe ce ne sont pas les pauvres, ce sont les humiliés, les exclus du droit et du développement.
L'UPM n'est pas destinée à préparer l'adhésion des pays sud-méditerranéens à l'Union européenne. Elle n'est pas plus destinée à se substituer aux négociations d'adhésion entre la Commission européenne et la Turquie, ni aux négociations avec le Maroc et Israël pour un statut avancé.
L'UPM doit se faire entendre des populations du Sud. Au lieu d'apparaître comme une énième organisation multilatérale, elle doit prouver aux peuples qu'ils ont toute leur place dans le monde qui vient. Centrons l'UPM sur des projets concrets et utiles aux populations, mobilisant les acteurs de la société civile et notamment les entreprises. Pour être considérée comme un partenaire crédible par les populations et gouvernements du Sud, l'Europe doit rétablir sa crédibilité politique par une politique extérieure commune qui fasse entendre une voix distincte de celle des autres puissances mondiales.
Pour être considérés comme des partenaires crédibles par le Nord, les pays de la rive sud doivent se rapprocher et cesser de croire qu'ils peuvent faire cavalier seul. Pourquoi ont-ils tant peur de leur propre union ? L'UPM n'aura de sens que si les pays du Sud oeuvrent à intégrer leurs économies et abolir les restrictions en matière de circulation des biens et des personnes. Les pays du Sud ne devront plus regarder vers le Nord en ignorant leurs propres voisins. Les gouvernements des pays de la rive sud doivent avoir conscience des attentes du Nord et de leurs populations en matière de pérennité de leurs institutions, d'Etat de droit, de gouvernance et de prédictibilité.
Enfin, nous appelons les membres de l'UPM à dépasser les questions douloureuses du passé, qui doivent rester du domaine des relations bilatérales. L'UPM ne doit pas être un lieu de complaintes et de reproches réciproques mais un cadre de rencontre, de dialogue et surtout de projets pour l'avenir. Seule l'obsession des lendemains doit guider la marche des dirigeants de cette Union. Le temps nous est compté.
L'UPM doit lancer des chantiers assez ambitieux pour rompre le cercle vicieux de l'approche sécuritaire, de l'autoritarisme et de la restriction des libertés au motif de lutte contre les fondamentalismes. Rompre aussi le cercle vicieux de la rente (pétrolière, touristique, immobilière...), qui a jusqu'à présent scellé le partenariat économique Nord-Sud en Méditerranée. Rompre enfin l'insécurité protéiforme qui mine le développement au Sud : celle des biens, celle des personnes, celle de l'avenir de ces pays et de leurs élites.
Le premier chantier est celui de la restauration de la crédibilité politique. Celle de l'Europe : sortir du mouvement de balancier entre l'antiaméricanisme et l'alignement pur et simple, pour définir une politique extérieure commune notamment en Méditerranée. Le plus urgent reste le Proche-Orient. L'Europe doit rappeler avec force son attachement au droit international et aux valeurs universelles en exigeant l'application des résolutions du Conseil de sécurité et la levée du bouclage des populations civiles palestiniennes. L'Europe peut et se doit de réunir une conférence internationale de la paix autour de l'initiative de paix arabe présentée par le roi Abdallah d'Arabie saoudite, adoptée par le sommet arabe de Beyrouth de 2002 et récemment réactivée par le sommet de Riyad de la Ligue arabe. Le calendrier s'y prête, la communauté internationale l'espère, le partenariat euroméditerranéen y gagnera en légitimité et en profondeur. L'Europe devrait aussi prendre l'initiative d'engager le processus d'adhésion de l'ensemble de Chypre
Pour le moment, le bassin méditerranéen souffre de l'absence d'une perspective politique. En 1995 à Barcelone, les pays de l'UE et de la rive sud ont lancé un projet de partenariat euroméditerranéen ambitieux pour la coopération économique, la stabilisation politique et l'échange culturel. Ce partenariat existe. On peut construire sur les bases qu'il a jetées. Mais les réalisations sont insuffisantes, on piétine.
Or, sans vision de l'avenir qui ancre les deux rives de la Méditerranée, les investisseurs renâclent, les politiques publiques communes tardent, les risques s'amoncellent. Le retard s'accroît : celui de l'Europe sur les autres pôles leaders du globe ; celui des pays de la rive sud sur les pays émergents d'Asie ou d'Amérique. La stratégie méditerranéenne se brouille : l'Europe peut être tentée d'accorder ses priorités à d'autres horizons ; les pays du Sud peuvent lier leur sort à d'autres partenaires. Dans la compétition mondiale qui s'exacerbe, l'Europe et les pays du Sud de la Méditerranée ont un puissant intérêt commun : définir ensemble une stratégie de développement durable et se donner les moyens politiques de la réaliser.
Seule une forte impulsion politique permettra le succès durable de l'UPM. Un nouvel élan dans le rapprochement des deux rives ne saurait se résumer au simple voisinage ; l'UPM peut tracer un destin commun, bien au-delà d'une zone de libre-échange. Il s'agit d'une union, assumons cette ambition. L'UPM ne doit pas signifier la mort du processus de Barcelone mais au contraire son enrichissement. L'acquis d'Euromed est réel : la stabilisation macroéconomique, les réformes structurelles et la convergence institutionnelle entre les deux rives sont engagées. Il convient de faire passer ce processus à un nouveau stade.
Ce nouveau stade porte un nom : la parité entre le Nord et le Sud. Parité dans la vision, parité dans la préparation des projets, parité dans la prise de décisions, parité dans la gouvernance. Il est indispensable de rompre avec la perception des pays sud- méditerranéens selon laquelle l'Europe impose toujours ses vues.
Il sera nécessaire de rappeler aux populations européennes que leurs homologues du Sud ne revendiquent, dans le cadre de cette union, ni aide financière massive ni ouverture totale et immédiate des frontières. Rappeler aussi que ce qui menace l'Europe ce ne sont pas les pauvres, ce sont les humiliés, les exclus du droit et du développement.
L'UPM doit se faire entendre des populations du Sud. Au lieu d'apparaître comme une énième organisation multilatérale, elle doit prouver aux peuples qu'ils ont toute leur place dans le monde qui vient. Centrons l'UPM sur des projets concrets et utiles aux populations, mobilisant les acteurs de la société civile et notamment les entreprises.
Pour être considérés comme des partenaires crédibles par le Nord, les pays de la rive sud doivent se rapprocher et cesser de croire qu'ils peuvent faire cavalier seul. Pourquoi ont-ils tant peur de leur propre union ? L'UPM n'aura de sens que si les pays du Sud oeuvrent à intégrer leurs économies et abolir les restrictions en matière de circulation des biens et des personnes. Les pays du Sud ne devront plus regarder vers le Nord en ignorant leurs propres voisins. Les gouvernements des pays de la rive sud doivent avoir conscience des attentes du Nord et de leurs populations en matière de pérennité de leurs institutions, d'Etat de droit, de gouvernance et de prédictibilité.
Enfin, nous appelons les membres de l'UPM à dépasser les questions douloureuses du passé, qui doivent rester du domaine des relations bilatérales. L'UPM ne doit pas être un lieu de complaintes et de reproches réciproques mais un cadre de rencontre, de dialogue et surtout de projets pour l'avenir.
Le premier chantier est celui de la restauration de la crédibilité politique. Celle de l'Europe : sortir du mouvement de balancier entre l'antiaméricanisme et l'alignement pur et simple, pour définir une politique extérieure commune notamment en Méditerranée. Le plus urgent reste le Proche-Orient.
Le développement humain au Sud appelle par ailleurs un partenariat d'ampleur dans la santé (coopération médicale et pharmaceutique), et surtout dans le domaine de la formation. Il n'est pas envisageable d'entrer dans la société de la connaissance avec les taux d'analphabétisme, notamment féminins, que connaissent plusieurs des pays de la rive sud. Il faut à la région une grande politique commune pour rattraper l'immense retard pris sur les pays émergents d'Amérique et d'Asie orientale.
Le troisième chantier est celui des projets de codéveloppement durable. Les pays du Nord et du Sud doivent s'entendre pour lancer sans tarder quelques grands projets structurants : une politique méditerranéenne d'accès à l'eau et à l'assainissement, pour faire face ensemble à la menace commune du réchauffement climatique et à la pollution de la Méditerranée ; un programme de sécurité énergétique pour le Nord comme pour le Sud, associant fourniture de ressources énergétiques et partenariats industriels ; un pacte agroalimentaire et rural, pour valoriser les complémentarités agroclimatiques entre l'Europe et la rive sud et faire face aux crises alimentaires qui risquent de s'installer.
Les entreprises sont au coeur de ce codéveloppement. Celles de la rive sud doivent accepter d'ouvrir leur capital à des partenariats internationaux, ce qui implique le risque d'une ouverture de leurs marchés domestiques à des intérêts privés étrangers. Celles de l'Europe doivent faire de même, et modifier leur comportement : considérer les pays de la rive sud ni comme des lieux d'extraction de matières premières, ni comme de simples marchés de consommation, ni encore comme des opportunités de délocalisation d'industries de bas de gamme.
Mesdames et messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement, vous allez vous rencontrer le 13 juillet à Paris. Il dépend de vous que, ce jour-là, les deux rives de notre mer commune commencent, enfin, à se rapprocher et à envisager un destin confiant.
Ce texte, rédigé par Akram Belkaïd et Erik Orsenna, a été signé par les membres du comité de parrainage politique d'IPEMed :
Yassir Abdrabou, ancien ministre, Palestine ;
Kemal Dervis, administrateur du Programme des nations unies pour le développement, Turquie ;
Elisabeth Guigou, ancienne ministre, vice-présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, France ;
Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale, Algérie ;
Mouloud Hamrouche, ancien premier ministre, Algérie ;
Alain Juppé, ancien premier ministre, France ;
Robert Malley, ancien conseiller du président pour le Proche-Orient, Etats-Unis ;
Fathallah Oualalou, ancien ministre, Maroc ;
Ely Ould-Mohamed Vall, ancien président de Mauritanie ;
Chris Patten, ancien commissaire européen, Royaume-Uni ;
Josep Piqué, ancien ministre, Espagne ;
Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne, ancien président du conseil, Italie ;
Carmen Romero, présidente du Círculo Mediterráneo, Espagne ;
Panagiotis Roumeliotis, ancien ministre et député européen, Grèce ;
Ismaïl Serageldin, directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie, Egypte ;
Hubert Védrine, ancien ministre, France.
Journal le Monde - le 11 juillet 2008
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