Le roi du Maroc, devant lequel Nicolas Sarkozy avait formulé, à Tanger, sa vision d'une civilisation méditerranéenne revivifiée, s'apprête à participer de bonne grâce, dimanche à Paris, à la relance du partenariat Euromed.
Le flamboyant discours prononcé par le chef de l'État français, le 23 octobre 2007, demeure dans nombre d'esprits marocains, et, certes, des espoirs ont été déçus depuis que les relations entre l'Europe et ses voisins du Sud ont regagné leur plus morne cours. Toutefois, les responsables investis dans le partenariat avec l'Union européenne s'en tiennent à leur ligne de conduite habituelle, ainsi résumée par un diplomate : «Le Maroc est pour tout ce que lui propose l'Europe, ce qui le différencie de ses voisins.»
La diplomatie marocaine avait une inquiétude, exprimée dès le 23 octobre 2007 par Mohammed VI, dans sa réponse au discours de Tanger : que «ce projet visionnaire et ambitieux, celui de l'Union pour la Méditerranée» ne contrecarre son objectif primordial, qui est l'obtention d'un «statut avancé» avec l'Union européenne.
Aujourd'hui, le roi peut d'autant plus sereinement s'en venir le 15 juillet à Paris qu'est programmé, le 13 octobre suivant, le Conseil d'association qui devrait accorder au Maroc une place privilégiée auprès de l'UE, juste en dessous des pays candidats à l'adhésion.
«Ce discours de Tanger était un très beau discours, du point de vue formel», note Bruno Dethomas, le chef de la délégation de la Commission européenne au Maroc. Dans son bureau de Rabat, les documents venus de Bruxelles dictent la réalité : «Le processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée.»
Dans le jargon communautaire, l'UPM est ainsi devenue le prolongement de l'Euromed décidée à Barcelone en 1995. Il n'en demeure pas moins, précise Bruno Dethomas, que ce discours de Tanger a eu un effet d'«entraînement» et a «affirmé une volonté politique» pour un partenariat euroméditerranéen qui était à bout de souffle.
Un monde à part
«Le mérite du discours de Tanger, dit-on en écho au ministère des Affaires étrangères marocain, est d'avoir placé la Méditerranée au centre du débat européen.» Directeur général des affaires politiques de ce ministère, sherpa du Maroc pour l'UPM et négociateur principal sur le «statut avancé», Youssef Amrani personnalise la cohérence de l'engagement proeuropéen du Maroc.
Bloqué dans ses relations avec le Maghreb, sa frontière demeurant fermée avec l'Algérie, ce pays a décidé de se tourner vers le nord.
Tanger, d'où l'on voit le rocher de Gibraltar par temps clair, est aujourd'hui l'objet de bien des attentions. L'ouverture d'une première zone franche a coïncidé avec la montée sur le trône de Mohammed VI, en 1999.
À 15 km à l'est de la ville, TFZ (Tanger Free Zone) est un monde à part. Derrière un poste de douane, 353 sociétés y profitent de la main-d'œuvre bon marché, de relations avec l'administration réduites au strict minimum et d'exonérations fiscales pour produire des biens exportés sans avoir été taxés sur le sol marocain. Le doigt sur la liste des sociétés françaises, espagnoles, hollandaises ou allemandes implantées à TFZ, son directeur général, Jamal Mikou, s'excuse presque d'avoir devancé l'appel de Nicolas Sarkozy. «L'Union pour la Méditerranée est déjà une réalité pour nous», dit-il.
Le nouveau port de Tanger est, avec TFZ, l'autre maillon de la chaîne économico-commerciale qui relie le Maroc à l'Europe. Initialement prévu sur la côte atlantique le projet s'appelait Tanger-Atlantique , ce port, baptisé Tanger Med, a été implanté, en 2003, sur le cap marocain le plus proche de l'Espagne (14 km).
«Sur l'Atlantique, on faisait perdre 4 heures à tout navire venant charger ou décharger en Europe», explique Anouar Alasri, le directeur marketing et commercial de Tanger Med.
Ce port sert de plate-forme logistique : les conteneurs arrivant de Chine par le canal de Suez sont reroutés sur d'autres navires vers les différents ports européens, Gènes ou Rotterdam, sans entrer sur le marché marocain. Les produits fabriqués à TFZ profitent évidemment du même circuit, sans douane ni taxe. S
ur cet énorme couloir maritime entre les détroits de Suez et Gibraltar, l'idée est de brancher des «autoroutes de la mer» pour relier en continu les différents ports de la Méditerranée.
C'est l'un des projets concrets de l'UPM. Le port de Tanger, qui est idéalement positionné pour redistribuer les conteneurs de marchandises sur des plus petits navires, a déjà signé en juin dernier un accord avec Barcelone. Mais pour que d'autres autoroutes soient ouvertes, «il faut une volonté politique, explique Anouar Alasri, car il faut libérer de la place sur les ports et subventionner des bateaux qui, au début, ne seront pas pleins».
«On est pour le maximum d'échanges.» Voilà la réponse d'Anouar Alasri à la question du commerce avec Israël. Le processus de Barcelone, ce qui a d'ailleurs contribué à son essoufflement, comme demain l'UPM demeurent les seules enceintes où Arabes et Israéliens se retrouvent.
Mais, plus que la question du commerce avec l'Algérie, c'est celui avec Israël qui demeure un tabou pour l'opinion arabe. Les diplomates et les chefs d'entreprises marocains conviennent, en privé, qu'on frise le ridicule, d'autant que les routes commerciales avec Israël existent. Le dialogue méditerranéen permettra peut-être un jour de les officialiser.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire