Le projet d'Union pour la Méditerranée lancé par le président de la République au lendemain de son élection relève de la même vision. L'idée est évidente : réconcilier enfin les deux rives de cette mer, unies et déchirées par mille soubresauts de l'histoire, aujourd'hui confrontées aux mêmes espérances et aux mêmes dangers. L'idée est évidente et c'est là sa grandeur.
La Méditerranée est au coeur de toutes les grandes problématiques de ce début de siècle. Développement, migrations, paix, dialogue des civilisations, accès à l'eau et à l'énergie, environnement, changement climatique : c'est au sud de l'Europe que notre avenir se joue.
L'idée est évidente, mais elle fut longue à mettre en place. Dès 1995, le processus lancé à Barcelone apportait une première réponse. Ses acquis sont loin d'être négligeables, mais il ne répondait plus aux attentes et donnait l'impression d'avoir été confisqué par les Européens. Près de quinze ans plus tard, l'Europe n'a pas encore pris la mesure de sa rive sud. C'est pourquoi nous avons, depuis un an, multiplié les initiatives auprès de tous nos partenaires, au Nord comme à l'Est et au Sud de cette mer commune.
Toute la diplomatie française a été mobilisée. Les obstacles furent légion. Il fallut convaincre nos partenaires espagnol et italien que la France ne faisait pas table rase du Processus de Barcelone mais souhaitait au contraire le relancer ; nous nous y sommes employés dès les premiers jours, à Rome comme à Portoroz lors de la rencontre des dix Européens de la Méditerranée. Convaincre l'Allemagne que ce projet n'était pas tourné contre l'Europe ; ce fut l'accord d'Hanovre entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy reconnaissant une évidence : le Sud, comme la France, a besoin d'Europe. Convaincre la Turquie que cette ambition ne se substituait pas au souhait d'Ankara d'adhérer un jour à l'Union européenne. Convaincre les pays du sud que nous n'allions pas imposer un modèle exclusif, mais proposer un partenariat équilibré. Il fallut rappeler que la présence d'Israël était naturelle. Il fallut enfin faire partager à tous un projet de paix ; c'est ce que je me suis efforcé de faire jour après jour et lors de la réunion du Forum méditerranéen d'Alger en juin. Parce qu'elles sont les plus simples, les plus grandes idées sont souvent les plus difficiles à faire accepter. Ce fut tout le mérite de notre diplomatie.
Cette année de concertation a enrichi le projet d'Union pour la Méditerranée des suggestions de chacun. Il est aujourd'hui plus fort, mieux partagé. Pour la première fois de l'histoire de la Méditerranée, une quarantaine de pays de l'Union européenne et de la Méditerranée se rassemblent le 13 juillet à Paris au plus haut niveau, représentés par leur chef d'Etat ou de gouvernement. Pour qui connaît les ressentiments de ces peuples enchevêtrés, cette rencontre est déjà un succès historique.
L'histoire à nouveau s'élance. Elle est portée par le nouvel et encore fragile espoir de paix qui se dessine. L'accord de Doha sur le Liban obtenu grâce à la médiation du Qatar et de la Ligue arabe, sur la base du plan en trois points présenté par la France, après mes nombreuses missions à Beyrouth, en constitue le meilleur exemple. Il faudrait aussi citer la trêve à Gaza sous l'égide de l'Egypte, les pourparlers israélo-syriens grâce à la médiation turque, ou les échanges humanitaires entre Israël et le Hezbollah. Il faut que cet élan se poursuive, que la vie quotidienne des Palestiniens change enfin - leur détresse n'est plus supportable - et que la négociation lancée à Annapolis entre Ehud Olmert et Abou Mazen aboutisse pour faire taire le scepticisme grandissant. La conférence de Paris sur l'Etat palestinien fut un succès mais l'essai doit être transformé. La France entend s'y employer activement lors du sommet et en faire une des priorités de sa présidence européenne car le processus de paix est menacé. L'Union Européenne doit jouer sans complexe tout le rôle qui lui revient au Proche-Orient. Ce sommet se veut celui de la paix entre tous les Méditerranéens.
L'histoire demandera du temps. Rien ne sera fini le 13 juillet au soir. Mais l'UpM sera déjà lancée autour de trois principes : une impulsion au plus haut niveau avec des sommets tous les deux ans ; un partenariat, avec un secrétariat et une présidence paritaires entre le nord et le sud ; une priorité aux projets concrets, qu'ils soient écologiques ou éducatifs, qu'ils s'attachent aux entreprises ou à la sécurité, qu'ils visent le dialogue des cultures ou une meilleure gestion des migrations. C'est sans doute l'originalité la plus forte de cette Union : la priorité accordée à l'action, aux projets, dont chacun pourra mesurer l'effet réel. Je suis confiant, de très belles initiatives privées ont déjà vu le jour.
Quelle ambition plus noble que de faire de la Méditerranée une des mers les plus propres du monde ? Quelle ambition plus haute que de nous rassembler autour de notre histoire, de partager nos cultures en favorisant les échanges d'étudiants dans le cadre d'un Erasmus méditerranéen, de multiplier les échanges d'universitaires et de scientifiques ? De travailler à un plan solaire méditerranéen pour améliorer l'accès à l'énergie des populations du Sud ? D'aider les PME du Nord et du Sud à investir en Méditerranée et à y créer des emplois ? De mieux mutualiser nos moyens de protection civile face aux catastrophes naturelles ? De développer des autoroutes maritimes pour mieux relier Méditerranée orientale et occidentale ? Cent autres projets sont possibles et réalisables.
Avec eux, avec l'ensemble des Etats partenaires, avec les organisations internationales concernées, Union européenne et Union africaine notamment, et avec l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, il nous faudra continuer à innover, trouver des idées et des financements, inventer des projets. Il nous faudra penser en grand, associer toutes les bonnes volontés des pays du Golfe jusqu'à l'Afrique. Il nous faudra surtout agir sur le terrain, au niveau le plus local, avec des projets adaptés aux besoins des populations. Soyons à la hauteur de cette ambition historique, soyons généreux, solidaires, inventifs. Nous sommes tous des Méditerranéens de coeur et de paix
La Méditerranée est au coeur de toutes les grandes problématiques de ce début de siècle. Développement, migrations, paix, dialogue des civilisations, accès à l'eau et à l'énergie, environnement, changement climatique : c'est au sud de l'Europe que notre avenir se joue.
L'idée est évidente, mais elle fut longue à mettre en place. Dès 1995, le processus lancé à Barcelone apportait une première réponse. Ses acquis sont loin d'être négligeables, mais il ne répondait plus aux attentes et donnait l'impression d'avoir été confisqué par les Européens. Près de quinze ans plus tard, l'Europe n'a pas encore pris la mesure de sa rive sud. C'est pourquoi nous avons, depuis un an, multiplié les initiatives auprès de tous nos partenaires, au Nord comme à l'Est et au Sud de cette mer commune.
Toute la diplomatie française a été mobilisée. Les obstacles furent légion. Il fallut convaincre nos partenaires espagnol et italien que la France ne faisait pas table rase du Processus de Barcelone mais souhaitait au contraire le relancer ; nous nous y sommes employés dès les premiers jours, à Rome comme à Portoroz lors de la rencontre des dix Européens de la Méditerranée. Convaincre l'Allemagne que ce projet n'était pas tourné contre l'Europe ; ce fut l'accord d'Hanovre entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy reconnaissant une évidence : le Sud, comme la France, a besoin d'Europe. Convaincre la Turquie que cette ambition ne se substituait pas au souhait d'Ankara d'adhérer un jour à l'Union européenne. Convaincre les pays du sud que nous n'allions pas imposer un modèle exclusif, mais proposer un partenariat équilibré. Il fallut rappeler que la présence d'Israël était naturelle. Il fallut enfin faire partager à tous un projet de paix ; c'est ce que je me suis efforcé de faire jour après jour et lors de la réunion du Forum méditerranéen d'Alger en juin. Parce qu'elles sont les plus simples, les plus grandes idées sont souvent les plus difficiles à faire accepter. Ce fut tout le mérite de notre diplomatie.
Cette année de concertation a enrichi le projet d'Union pour la Méditerranée des suggestions de chacun. Il est aujourd'hui plus fort, mieux partagé. Pour la première fois de l'histoire de la Méditerranée, une quarantaine de pays de l'Union européenne et de la Méditerranée se rassemblent le 13 juillet à Paris au plus haut niveau, représentés par leur chef d'Etat ou de gouvernement. Pour qui connaît les ressentiments de ces peuples enchevêtrés, cette rencontre est déjà un succès historique.
L'histoire à nouveau s'élance. Elle est portée par le nouvel et encore fragile espoir de paix qui se dessine. L'accord de Doha sur le Liban obtenu grâce à la médiation du Qatar et de la Ligue arabe, sur la base du plan en trois points présenté par la France, après mes nombreuses missions à Beyrouth, en constitue le meilleur exemple. Il faudrait aussi citer la trêve à Gaza sous l'égide de l'Egypte, les pourparlers israélo-syriens grâce à la médiation turque, ou les échanges humanitaires entre Israël et le Hezbollah. Il faut que cet élan se poursuive, que la vie quotidienne des Palestiniens change enfin - leur détresse n'est plus supportable - et que la négociation lancée à Annapolis entre Ehud Olmert et Abou Mazen aboutisse pour faire taire le scepticisme grandissant. La conférence de Paris sur l'Etat palestinien fut un succès mais l'essai doit être transformé. La France entend s'y employer activement lors du sommet et en faire une des priorités de sa présidence européenne car le processus de paix est menacé. L'Union Européenne doit jouer sans complexe tout le rôle qui lui revient au Proche-Orient. Ce sommet se veut celui de la paix entre tous les Méditerranéens.
L'histoire demandera du temps. Rien ne sera fini le 13 juillet au soir. Mais l'UpM sera déjà lancée autour de trois principes : une impulsion au plus haut niveau avec des sommets tous les deux ans ; un partenariat, avec un secrétariat et une présidence paritaires entre le nord et le sud ; une priorité aux projets concrets, qu'ils soient écologiques ou éducatifs, qu'ils s'attachent aux entreprises ou à la sécurité, qu'ils visent le dialogue des cultures ou une meilleure gestion des migrations. C'est sans doute l'originalité la plus forte de cette Union : la priorité accordée à l'action, aux projets, dont chacun pourra mesurer l'effet réel. Je suis confiant, de très belles initiatives privées ont déjà vu le jour.
Quelle ambition plus noble que de faire de la Méditerranée une des mers les plus propres du monde ? Quelle ambition plus haute que de nous rassembler autour de notre histoire, de partager nos cultures en favorisant les échanges d'étudiants dans le cadre d'un Erasmus méditerranéen, de multiplier les échanges d'universitaires et de scientifiques ? De travailler à un plan solaire méditerranéen pour améliorer l'accès à l'énergie des populations du Sud ? D'aider les PME du Nord et du Sud à investir en Méditerranée et à y créer des emplois ? De mieux mutualiser nos moyens de protection civile face aux catastrophes naturelles ? De développer des autoroutes maritimes pour mieux relier Méditerranée orientale et occidentale ? Cent autres projets sont possibles et réalisables.
Avec eux, avec l'ensemble des Etats partenaires, avec les organisations internationales concernées, Union européenne et Union africaine notamment, et avec l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, il nous faudra continuer à innover, trouver des idées et des financements, inventer des projets. Il nous faudra penser en grand, associer toutes les bonnes volontés des pays du Golfe jusqu'à l'Afrique. Il nous faudra surtout agir sur le terrain, au niveau le plus local, avec des projets adaptés aux besoins des populations. Soyons à la hauteur de cette ambition historique, soyons généreux, solidaires, inventifs. Nous sommes tous des Méditerranéens de coeur et de paix
Bernard Kouchner est Ministre des affaires étrangères et européennes. Journal le Monde - le 11 juillet 2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire