Le Sommet de Paris vient de lancer, dimanche 13 juillet, l’Union pour la Méditerranée. Le sommet est une réussite incontestable. Au plan symbolique: réunir la quasi-totalité des chefs d’Etat et de gouvernement euro-méditerranéens est un tour de force. Mais aussi au plan diplomatique, avec des avancées sur le Moyen Orient en marge du sommet.
Pourtant, lorsque la poussière médiatique du sommet sera retombée, il restera la réalité concrète de l’Union pour la Méditerranée: et dans ce domaine, le projet est mort-né.
L’Union pour la Méditerranée ne bénéficie d’aucun soutien politique réel au-delà de l’hexagone: s’il a été difficile de réunir les leaders euro-méditerranéens dimanche, il sera impossible de les engager plus avant. La faute à la France: la méthode qu’elle a déployée a été proprement calamiteuse.
La France a lancé l’initiative sans aucune concertation, entraînant la critique des Européens mais aussi la surprise des Méditerranéens. Il est assez contre-intuitif de lancer en solitaire un projet qui prétend réunir 44 pays autour d’objectifs ambitieux. Pire, elle a donné l’impression d’un projet hostile à l’Union.
Piloté par Henri Guaino, le conseiller spécial de l’Elysée dont les préventions eurosceptiques provoquent de vives tensions au sein même du gouvernement, le projet initial écartait la Commission européenne et les Etats-membres non-riverains, au premier rang desquels l’Allemagne: il ne pouvait que susciter un rejet massif de leur part. C’est une tâche indélébile pour l’Union pour la Méditerranée.
Conséquence de cette absence de soutien politique au projet: les résultats du sommet sont squelettiques. L’Union pour la Méditerranée n’est qu’un toilettage du processus de Barcelone. Ce dernier structure le dialogue euro-méditerranéen depuis 1995: exercice largement technocratique, faiblement financé, il ne produit plus rien de concret. Or l’Union pour la Méditerranée, c’est le processus de Barcelone, plus une co-présidence Nord/Sud et un secrétariat partenarial à créer. Un titre et quelques fonctionnaires internationaux. Rien de plus.
L’absence d’engagements financiers est le garant de l’échec annoncé de l’Union pour la Méditerranée. Cette absence n’a même pas pu être masquée, elle est reconnue par le communiqué final du sommet. Il est indiqué que les projets ont vocation à être financés par tous les acteurs, collectivités locales et régionales, entreprises, ONG, fondations… Aucune enveloppe financière nouvelle ne sera dégagée par l’Union.
Réussite du sommet, échec du projet: ce paradoxe est finalement la marque de fabrique du sarkozysme.
Pour Nicolas Sarkozy, l’Union pour la Méditerranée est un plein succès. C’est qu’il n’a qu’un seul objectif, et le sommet de Paris l’a pleinement atteint: cet objectif est médiatique, exclusivement médiatique. Toute son action est annexée à un but de guerre unique: faire le premier titre du journal télévisé.
Pour y arriver, la méthode Sarkozy repose sur trois piliers. Le volontarisme: c’est le point très positif du sarkozysme. Le « cavalier seul »: pour enchaîner les succès médiatiques, il faut tirer la couverture à soi. Au risque d’indisposer ses partenaires. C’est le cas pour l’Union pour la Méditerranée comme sur bien d’autres dossiers - la libération des infirmières bulgares, l’accord sur le traité de Lisbonne… C’est naturellement contre-productif, sur le fond, quand on a besoin de ses partenaires pour avancer.
Enfin, l’excès emphatique. Pour faire la Une, il faut travestir la réalité, lui donner plus d’importance qu’elle n’en a. Tout ce que fait Nicolas Sarkozy est « historique », « unique », « sans précédent ». Cela prête souvent à sourire, parfois même un peu plus. C’est en général sans conséquence – sauf en matière diplomatique, où il s’agit d’un exercice dangereux. La diplomatie demande des équilibres millimétriques, incompatibles avec le principe d’emphase qui gouverne le sarkozysme.
L’attitude de Nicolas Sarkozy pour le Liban est typique. Un grand coup de barre d’un côté, en opérant un transport de la quasi-totalité de la représentation politique française au pays du Cèdre. Suivi d’un grand coup de barre de l’autre côté, en invitant Bachar el-Assad à la tribune officielle du 14 juillet. Au plan diplomatique, deux déséquilibres en sens opposés ne recréent pas un équilibre diplomatique. Mais au plan médiatique, il s’agit de deux évènements « réussis », inatteignables par une diplomatie « classique », discrète et équilibrée.
Réussite médiatique mais échec sur le fond. Telle est la réalité de l’Union pour la Méditerranée. Tel est, aussi, le bilan probable du sarkozysme.
Par Olivier FERRANS - TerraNova - Rue89.com - le 16 juillet 2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire