Le troisième sommet de la compétitivité euro-méditerranéenne couplé à la septième conférence Euromed Commerce marquent la rupture. Les 41 ministres du Commerce, réunis à Marseille le 2 juillet, à l’exception de celui du Maroc pour des raisons… personnelles, ont dit leur souhait de donner un nouvel élan économique à la coopération euro-méditerranéenne. Pour la première fois, le secteur privé des deux rives y est associé. Lequel, mis à contribution depuis quelques mois déjà, a produit une sorte de feuille de route sous forme de déclaration commune des patronats des pays du pourtour de la Méditerranée. Celle-ci a été dévoilée lors des rencontres Med Busines Days qui s’en sont suivies, les 3 et 4 juillet au Palais du Pharo à Marseille, la plus ancienne Chambre de commerce de France, voire du monde. Cette déclaration sera soumise à l’appréciation des chefs d’Etat de l’Union européenne et des pays au sud de la Méditerranée, qui se réuniront à Paris les 13 et 14 juillet.Cette démarche commune procède d’un objectif clair. Lancer un agenda de Marseille pour doter, affirme-t-on des deux côtés de la rive, d’une stratégie concrète le processus de Barcelone et plus particulièrement l’Union pour la Méditerranée, destinée à renforcer la compétitivité et la coopération entre les entreprises des pays des rives nord et sud de la Méditerranée. C’est dire que l’idée des présidents de la CGEM et du Medef (le patronat français) a pris date. ·
Faciliter la tâche aux investisseurs
Moulay Hafid Elalamy et Laurence Parisot avaient en effet lancé, en marge de la visite officielle en décembre 2007 au Maroc du président français, l’idée d’une plateforme d’affaires dédiée aux acteurs économiques de ces pays. Pour ne pas passer pour des révolutionnaires, les deux supers patrons avaient fait noter que certains aspects de l’Agenda de Marseille seraient similaires à ceux du Programme de Lisbonne lancé en mars 2000 (cf. www.leconomiste.com). Pour le président de la CGEM, présent à Marseille avec plus de 80 chefs d’entreprise, il s’agit de tirer profit de cette nouvelle vision, en partant des enseignements de Barcelone. Autrement dit, «nous, acteurs économiques des deux rives, devons veiller à ce que l’Union pour la Méditerranée ne soit pas que politique, en lui donnant un contenu économique et social», souligne Elalamy. A terme, «il s’agira de créer une zone de libre-échange autour du bassin méditerranéen mais surtout mettre en place des outils à même de faciliter la tâche aux investisseurs». Visionnaires ou heureux hasard? En tout cas, les ministres du Commerce présents à Marseille ont dressé un état des lieux du processus de Barcelone, en conservant l’objectif de création d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010. Dans la foulée, cinq chefs d’entreprise impliqués dans l’économie de la sous-région ont apporté leur vision d’une intégration économique et commerciale. Après Jacques Saadé, président de CMA - CGM, n°3 mondial du transport conteneurisé qui veut que la Méditerranée soit jugée à sa juste valeur et non sous-estimée, car «elle génère 25% d’un trafic mondial, évalué à 3 milliards de dollars»; ou encore, Issad Rebrad, président du groupe algérien Cevital qui abonde dans le même sens; au tour de Mustapha Bakkoury, patron du groupe CDG, de plaider pour «un partenariat économique et d’affaires débarrassé des contingences de l’histoire». Ces témoignages constituent une démarche inédite, voulue par la secrétaire d’Etat au Commerce française. Anne-Marie Idrac, soucieuse de s’inscrire dans une présidence française de l’UE, est pragmatique. «Il faut que les accords commerciaux répondent directement aux attentes des entrepreneurs». Parlant de leur présence à Marseille, elle dira que «le but est d’institutionnaliser cette démarche».
Sécuriser un cadre réglementaire pour les investisseurs
Les patrons de la Méditerranée n’espéraient pas mieux. Pour donner plus d’élan à cette nouvelle dynamique, une forte symbolique, la patronne des patrons français préfère parler de l’appel de Marseille. «Nous, patrons des pays riverains de la Méditerranée, appelons à la mise en œuvre d’une stratégie économique forte, cohérente dont l’objectif est la liberté des échanges, la prospérité des peuples et la durabilité du patrimoine méditerranéen». Et pour tenir ce challenge, Laurence Parisot, en s’adressant à ses homologues patrons, dit: «Nous demandons aux chefs d’Etat des pays de la Méditerranée et de l’Union européenne de fixer un agenda, qui déterminerait les moyens de réussir nos objectifs». Le tout, pour Parisot, sera d’accroître les échanges entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée de 10% par an; tripler les investissements étrangers directs d’ici 2020 et sécuriser un cadre réglementaire pour les investisseurs. L’on parle de la création d’un centre de médiation et d’arbitrage Euromed. Les premiers outils identifiés de cette stratégie ont pour nom la consolidation de partenariats en matière d’innovation, de formation et d’éducation; de création d’instruments financiers communs, une politique de grands projets, notamment sur les énergies et l’environnement ou encore la création dès 2009, sous l’égide de la BEI (Banque européenne d’investissement), d’une agence privée-publique pour soutenir le développement des PME.Fidèle à sa philosophie des affaires, Elalamy s’est investi dans un travail souterrain auprès de ces collègues de la Méditerranée pour les amener à revoir leur offre vis-à-vis des investisseurs, «qui devraient désormais s’intéresser à nos marchés en ce qu’ils offrent des opportunités de business». Il est convaincu que nos pays sont une sorte de messie pour les entreprises européennes en difficulté. «On ne compte plus celles qui ont sauvé leur tête en externalisant dans nos pays». Message reçu cinq sur cinq. Enfin, lors du point de presse, les patrons des deux rives de la Méditerranée étaient incapables de commenter la manifestation des opposants au Med Business Days. Répondant à l’appel d’une dizaine de syndicats et d’association des Droits de l’Homme sur le Vieux Port, quartier mythique de Marseille, ils ont dit «oui à la Méditerranée des peuples, non à la Méditerranée du business». Pour Parisot, comme pour les autres, l’un n’exclut pas l’autre. Le débat ne fait que commencer.
Bachir THIAM - L'Economiste du Maroc - le 4 juillet 2008
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