Les couronnes de laurier tressées à l'Union pour la Méditerranée (UPM) lancée dimanche n'empêchent pas certains Etats membres de l'Union européenne (UE) de préférer tourner leur regard vers l'Est, qui pourrait remplacer le Sud dans les priorités européennes dès 2009.
"Un rêve est en passe de se réaliser, celui d'un projet collectif de développement économique, de paix, de droit et de solidarité", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, dimanche matin. "Je pense que cela sera un grand succès aujourd'hui.
Nous allons travailler pour construire une relation plus profonde avec les pays de la Méditerranée", a ajouté le diplomate en chef de l'UE, Javier Solana. Mais si officiellement l'UE dans son ensemble soutient l'initiative du président français Nicolas Sarkozy, certains dirigeants sceptiques restent plus prudents dans leur appréciation. Le processus de Barcelone, lancé en 1995 par l'UE et qui visait déjà à créer un partenariat euro-méditerranéen, "a besoin d'une nouvelle dynamique", a ainsi simplement commenté samedi la chancelière allemande Angela Merkel, qui a déjà réussi à imposer une version de l'UPM remaniée par rapport au projet initial français.
"Le monde ne va pas être changé par cette réunion aujourd'hui", a déclaré de son côté dimanche le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, même s'il a espéré que la région entière serait "changée avec le temps par cette approche particulière". La Suède a d'ailleurs proposé en mai avec la Pologne un projet de partenariat européen vers l'Est pour tenter d'équilibrer l'initiative française.
Ce projet polono-suédois, qui a fait immédiatement l'unanimité des 27 contrairement au projet français, vise à renforcer les liens de l'UE avec l'Ukraine, la Moldavie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie, voire le Bélarus s'il se démocratise.
La Commission européenne a été chargée de présenter des propositions pour le lancer concrètement au printemps 2009, moment où la République tchèque, qui préfère ouvertement regarder vers l'Est que vers le Sud, assurera la présidence tournante de l'UE et probablement aussi de fait celle de l'UPM.
"Cette année est une année méditerranéenne, alors l'année prochaine sera une année orientale", avait prévenu il y a quelques semaines le vice-Premier ministre tchèque et ministre des Affaires européennes, Alexandr Vondra. "Peut-être que les Tchèques ne feront pas tous les efforts pour promouvoir l'Union pour la Méditerranée", a estimé dimanche une source européenne.
Mais "il est possible de faire avancer les deux processus en parallèle", a-t-elle tempéré. A condition que les sommes nécessaires à la réalisation des projets puissent être rassemblées, ce qui est loin d'être gagné. Bruxelles, qui a fini par se rallier au projet, a en effet prévenu que très peu des fonds communautaires seraient détournés pour l'UPM.
La plus grande partie des 9 milliards d'euros prévus pour les pays méditerranéens sur la période 2007-2013 sont des aides "nationales" et seuls environ "350 millions d'euros" seront disponibles pour de nouveaux projets "régionaux", uniquement pour la période 2010-2013, a ainsi confirmé dimanche la commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner.
Même l'Espagne, traditionnel soutien de la politique méditerranéenne de l'UE, a mis des bâtons dans les roues de Nicolas Sarkozy, en défendant bec et ongle le maintien du nom "processus de Barcelone" qui reste accolé à la nouvelle "Union pour la Méditerranée". Madrid réclame aussi que le secrétariat de l'UPM revienne à Barcelone, qui se trouve en compétition avec la Tunisie, le Maroc et Malte.
Paru dans 7sur7.be - le 14 juillet 2008
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