L’Italie a officiellement confirmé, vendredi 31 octobre, la fin de l’opération Mare Nostrum en Méditerranée.
Lancée en octobre 2013, après les catastrophes de Lampedusa et de Malte au cours desquelles ont péri près de quatre cents migrants, ce dispositif de sauvetage des migrants en mer sera remplacé, dès samedi 1er novembre, par l’opération Triton, coordonnée par Frontex, l’organisme de surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne. Triton sera centrée sur les routes migratoires partant de Libye et d’Égypte.
L’Italie, qui affirme avoir sauvé quelque 150 000 personnes en Méditerranée grâce aux patrouilles de ses navires dans les eaux internationales, à la frontière de la Libye, dit avoir dépensé 114 millions d’euros et déplore le peu d’aide qu’elle a reçue des autres États de l’UE. En retour, ceux-ci lui reprochent, plus ou moins discrètement d’avoir créé un « effet d’aspiration » : estimant que les passagers de leurs embarcations seraient de toute façon récupérés, les passeurs ont multiplié les voyages dans les conditions les plus risquées. Selon des estimations du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le risque de mourir dans l’une de ces traversées a d’ailleurs doublé en l’espace de deux ans. Rome a finalement choisi, en forçant un peu la main aux autres pays, d’en appeler à une mission de Frontex.
Budget très limité
Dotée d’un budget très limité (90 millions d’euros), l’agence comptera sur les moyens humains et les ressources des États-membres. À ce stade, 21 d’entre eux ont proposé leur coopération, d’une ampleur très variable. Triton sera donc lancée avec 4 avions, 1 hélicoptère, 7 navires et 65 officiers chargés d’apporter leur aide à l’Italie. Celle-ci reste, en effet, le « pays hôte » de l’opération, dotée d’un budget initial de 2,9 millions d’euros par mois. L’Italie, qui dépensait jusqu’à 9 millions mensuellement, engageait 900 soldats chaque jour.
Rome ne mentionnait toutefois que rarement l’aide de 1,8 milliard reçue de Bruxelles via des mesures d’urgence prises dans le cadre du Fonds pour les frontières extérieures. Frontex a, par ailleurs, déjà apporté son concours à deux autres missions, Hermes et Aeneas, destinées à contrôler d’autres flux migratoires en Méditerranée, au large de l’Italie notamment.
Une série d’organisations, dont Amnesty International, redoutent de nouvelles pertes humaines après la fin de Mare Nostrum. « Quel que soit son habillage, Triton n’est pas une opération de recherche et de sauvetage mais de surveillance », estime Nicolas Beger, directeur du Bureau européen d’Amnesty, à Bruxelles. Or, souligne-t-il, « la situation dans une série de pays du pourtour méditerranéen va faire en sorte que le flot de migrants ne fera qu’enfler ».
La Commission européenne ne nie pas les différences entre Mare Nostrum et Triton, mais assure que les missions d’assistance resteront bien assurées.« Frontex aidera l’Italie à remplir ses obligations au regard du droit maritime et de l’aide aux personnes en détresse, assure une source bruxelloise. « Les opérations de sauvetage continueront conformément aux lois de la mer », a assuré de son côté Angelino Alfano, le ministre italien de l’intérieur. L’Italie sera chargée de la gestion de l’équipement et des ressources mises à la disposition de Triton et assurera toujours l’accueil des demandeurs d’asile : « On ne peut bloquer des personnes à l’entrée sans enfreindre le principe du non-refoulement, inclus dans les conventions internationales », insiste la Commission de Bruxelles.
Certains ONG redoutent cependant que Rome réduise fortement son engagement, ce qui aboutirait à ce que certaines zones ne soient plus aussi étroitement surveillées. En réponse, la Commission promet une évaluation précise de Triton dès 2015 et dit ne pas exclure que les moyens mis à la disposition de Frontex soient augmentés.
Jean-Pierre Stroobants - source de l'article Le Monde
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