L'interview de Bruno Dumontet, fondateur d'Expédition Méditerranée en danger

MAG

Quel constat pouvez-vous faire de la situation actuelle ?

Voilà 60 ans que les déchets plastiques ont envahi la planète. Leur recyclage et leur valorisation ne sont que depuis peu au cœur de la problématique et nous en subissons aujourd’hui les conséquences. Les déchets plastiques retrouvés en mer représentent une catastrophe planétaire dont chacun doit prendre conscience. Beaucoup considère que cette pollution est de la responsabilité des populations côtières : c’est faux ! 80% des déchets retrouvés en mer viennent de la terre et même de très loin, véhiculés par les fleuves et les vents. Ce 7ème continent de déchets plastiques découvert en Pacifique est l’affaire de tous, de tous les pays du monde.


Qu’avez-vous découvert au cours de vos expéditions en Méditerranée ?

En Méditerranée, il n’y a pas de grosse zone comme ce 7ème Continent en Pacifique. Cela est moins spectaculaire mais non moins dramatique : les micro-plastiques sont présents partout. C’est une pollution sournoise, invisible qui a des effets catastrophiques sur la faune marine. En se désagrégeant, le plastique se confond avec le plancton. Conséquences ? Certains poissons peuvent être tués, d’autres contaminés. Car le plastique, telle une éponge, a la capacité de se charger de tous les polluants rencontrés. Nos études tendent à comprendre l’étendue des risques de l’ingestion de ces substances par les poissons, mettant la santé des océans et donc la nôtre en danger. Aujourd’hui, dans certaines zones, on trouve autant de plancton que de micro plastiques ! Et cette situation est aggravée par les courants qui trimballent les déchets d’une rive à l’autre avec des pays émergeants qui consomment de plus en plus sans véritables gestion des déchets. La conséquence : de plus en plus de déchets plastiques dans les mers… Il est donc urgent de tirer la sonnette d’alarme et d’agir, ensemble, populations des deux rives.

Comment voyez-vous l’avenir ?

C’est une pollution sournoise et invisible et les populations qui se baignent chaque été n’ont pas conscience que si rien n’est fait, il ne sera sans doute plus possible de se baigner d’ici quelques décennies. La mer Méditerranée risque de devenir une mer morte si on ne stoppe pas cette pollution. Mais je reste confiant en l’avenir car les solutions existent et l’on peut encore agir pour renverser la tendance.

Quelles sont ces solutions ?

La première est la sensibilisation des populations, des médias et des politiques. Nous avons été les premiers en Europe en 2010 à faire ce type d’initiatives, à solliciter les scientifiques. Il faut bien avouer qu’à l’époque, ça n’intéressait pas grand monde. Mais aujourd’hui, cela devient un véritable enjeu : il y a plus d’études sur le sujet, les scientifiques s’y attèlent, les entreprises et les industriels aussi. Si la plupart n’a pas encore conscience de la gravité de la situation, il y a néanmoins une vraie prise de conscience et une certaine mobilisation. Mais pour que les choses avancent vraiment, les politiques doivent poser un cadre juridique précis afin que les tous les pays agissent dans le même sens, que les entreprises et les industriels puissent développer et déployer des solutions de recyclage et de valorisation en réponse à cette problématique.

Expédition Med reprend la mer en juillet. Quels sont les enjeux de cette nouvelle expédition ?

Le premier enjeu est la sensibilisation des populations. Dans ce but, nous lançons une grande pétition d’initiative citoyenne Européenne « Stop plastic in the sea » avec l’objectif de récolter, en un an, 1 million de signatures, condition sine qua non pour que l’Assemblée parlementaire mette la pollution plastique à l’ordre du jour. Rien ne sera alors gagné mais ce sera déjà une victoire car on sait bien que la démocratie participative favorise l’émergence des lois. Dans cette volonté de sensibiliser les populations, nous initions par ailleurs la science participative embarquée : nous proposons à des personnes civiles à participer à l’expédition pour nous aider à réaliser les prélèvements. Nous lançons également un programme solidaire des rives Nord / Sud par la création et la formation d’un réseau d’acteurs scientifiques et associatifs dans chaque pays du littoral Méditerranéen. Sur le plan scientifique, nous réaliserons notamment des recherches sur les courants et les zones de distribution des déchets, les polluants absorbés par les microplastiques ou encore nous vérifierons si ces micro déchets servent de lieu de ponte aux insectes, favorisant leur transit, d’un pays à l’autre. Tous les résultats de ces recherches feront l’objet de publications scientifiques, gage de notre crédibilité et de notre transparence.

Quel est le rôle d’un partenariat comme celui que vous avez signé avec SUEZ environnement ?

Au-delà du soutien financier que ce partenariat nous apporte, cette association marque avant tout une volonté commune de travailler et de trouver des solutions ensemble. Nos résultats permettent d’améliorer les process, de trouver de nouvelles matières, de nouvelles solutions de recyclage. Nous avons d’ailleurs dernièrement collaboré avec une filiale de SUEZ environnement sur le sujet des microfibres. On s’est en effet aperçu que les fibres synthétiques après leur passage en machines, se retrouvaient en mer. Nous avons donc travaillé avec la station d’épuration de Nice Haliotis dans le cadre d’un projet ambitieux pour rechercher les meilleures technologies disponibles pour traiter ce type de pollution. Cet exemple souligne combien nous avons besoin des expertises des uns et des autres pour avancer. Il faut agir mais c’est ensemble que nous y parviendrons !

Source de l'article Huffingtonpost

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