La Maison Méditerranéenne des métiers de la mode a affiché dès l’origine cette volonté d’ouverture, d’une rive à l’autre de la Mare Nostrum. La création en 2010 du concours Mediteranean Fashion Prize va elle aussi dans ce sens… tout comme la première édition de l’événement Open My Med.
1986 : l'Institut Mode Méditerranée se crée... C'est très tôt, en effet, que la volonté de s'ouvrir vers la Mare Nostrum se manifeste par le prisme du textile et de la mode. Dès la genèse, Maryline Bellieud-Vigouroux sa fondatrice, (aujourd'hui conseillère du président Matthieu Gamet, père de la marque Kulte) a la conviction que la carte à jouer, pour se positionner vis-à-vis des autres villes de mode, est méditerranéenne. Histoire oblige : les apports migratoires ont façonné par touches successives la filière textile à Marseille. "
Ce sont des hommes et des femmes venus avec un savoir-faire, un métier, contribuant à créer ici tout un écosystème", conte la conseillère. Les générations suivantes prennent le relais et peu à peu le ton est donné : Marseille sera la Californie française de la mode. Les marques émergeant au fil des années, Sessun, Kulte, Pain de sucre et tant d'autres, contribueront à cette image de prêt-à-porter créatif, urbain. Elles formeront le socle du life style méditerranéen.
Des lauréats coachés pour l'export
La preuve notamment avec la création, en 2010, du Mediteranean Fashion Prize (MFP), concours primant et accompagnant pendant un an une dizaine de jeunes créateurs basés côté sud.
"Un investissement pour nous, puisqu'un candidat du MFP demande 20 à 25 000 € d'investissement sur un an, contre 15 000 pour un lauréat régional, issu de notre autre concours, le M Major. Car outre l'accompagnement, il y a aussi tout l'aspect logistique".
C'est Muriel Piaser, consultante en mode internationale, qui repère ces talents méditerranéens et les accompagne dans leur future démarche à l'export. Ses critères ? "Il faut qu'il y ait un vrai travail créatif. Ce qui va particulièrement retenir mon attention, c'est leur capacité à traiter le vêtement traditionnel version moderne, et à en détourner ses codes culturels. Par ailleurs, les candidats doivent aussi répondre à nos attentes et savoir se structurer pour être vendus". Condition sine qua non à une exportation réussie... et objet de l'accompagnement prodigué pendant un an : "pour pouvoir s'internationaliser, leur société doivent être établies, structurée en termes de prix et d'outils marketing. Elles doivent être capables de produire, de livrer... Nous les coachons en ce sens", explique la consultante.
Emulation entre jeunes créateurs des deux rives
Et lorsque les lauréats du MFP rencontrent ceux du M Major, l'émulation se crée. "Les créateurs locaux tirent souvent leçon du travail de ceux de l'autre rive, qui peuvent œuvrer dans des conditions d'instabilité et réussissent malgré tout à proposer un véritable univers créatif, à finaliser leur collection", observe Maryline Bellieud-Vigouroux. C'est lors du Meet'in que cette alchimie s'opère... Cette année, plus de 600 modèles des futures collections automne-hiver des 20 lauréats issus des deux concours se sont dévoilés à la Villa Méditerranée, sous l'œil de prescripteurs. "Quinze acheteurs de Paris et d'Italie avaient fait le déplacement. C'est une chance pour les lauréats de pouvoir échanger avec ces professionnels, et d'entendre de leur bouche quelles sont leurs attentes", poursuit de son côté Muriel Piaser.
Autre avantage du MFP, il permet à la MMMM, en professionnalisant les créateurs de la rive sud, de contribuer à structurer la filière mode outre Méditerranée. Les lauréats de retour dans leur pays étant la meilleure carte de visite de la maison de la mode... "Par leur biais, nous créons des liens avec les institutions locales. C'est en ce moment le cas en Israël, avec le Shenkar College. Même chose au Maroc, où nous avons été partenaires de la création d'une école de mode et de design, la Casa Moda Academy", reprend Maryline Bellieud-Vigouroux.
Hub de la mode de l'Europe du Sud ?
Autre initiative inédite, la première édition d'Open My Med, du 21 mai au 29 août, vise à faire de la région le hub de la mode de l'Europe du Sud. Grand public, l'événement se veut également à résonnance professionnelle, puisqu'au mois de mai, les rendez-vous propices à la coopération entre entreprises des deux rives n'ont pas manqué. Ainsi, le 19 mai dernier a vu toute une journée networking se dérouler à la Villa Méditerranée, avec le concours de la CCIFM (Chambre de commerce italienne pour la France de Marseille), cheville ouvrière de ce projet. "La mode est un secteur de poids dans les accords bilatéraux entre la France et l'Italie", avance Antonella Donadio, secrétaire générale de la chambre. D'où l'importance de capitaliser sur ces liens à la faveur du B to B. En quelques chiffres, 180 rendez-vous ont rythmé la journée pour "les 58 entreprises françaises, 7 italiennes, 5 libanaises, 5 marocaines, 7 tunisiennes et la portugaise" sélectionnées par la CCIFM à cette occasion.
Avec quels résultats ? "Les retours étaient positifs. 48 heures après le roadshow, l'une des entreprises avait déjà reçu une demande de listing pour démarrer une opération commerciale... deux autres nous ont contacté afin qu'on les aide à traduire leur catalogue en français, suite aux premiers contacts établis. Nous allons tous les suivre sur le moyen terme, et les recontacter dans six mois pour savoir où elles en sont. L'idée étant de préparer une 2ème édition de ce rendez-vous en 2017", annonce la secrétaire générale.
Retour à la proximité ?
Des coopérations bienvenues à l'heure où l'industrie de la mode se cherche un nouveau modèle économique, éprouvant l'ère des mutations : salons professionnels où l'on vend plus que difficilement, nécessité d'injecter davantage de collections au fil de l'année en boutiques... Face à cet état de fait, l'externalisation vers le Maroc, la Tunisie, l'Israël et la Turquie retrouve de l'attrait. Avec, à la clé, une meilleure flexibilité en termes de production grâce à ce sourcing rapproché. "Nous sommes revenus à une culture de proximité, à une culture partagée", conclut Maryline Bellieud-Vigouroux.
Par Carole Payrau - Source de l'article La Tribune
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