Au-delà de la recherche de bénéfices et de la conquête de nouveaux marchés, comment impliquer les entreprises dans la construction d’une région intégrée économiquement en Méditerranée ?
Xavier Beulin |
La question est d’autant plus d’actualité que les pays de la rive sud de la Méditerranée se doivent de stabiliser leurs économies et que les pays de la rive nord n’arrivent pas à se sortir d’un déficit de croissance depuis 2008.
Par leurs choix en matière de répartition de la chaîne de valeur et leur anticipation des tendances lourdes de l’avenir, les entreprises peuvent jouer un rôle pour favoriser la construction d’une nouvelle région mondiale Europe-Méditerranée-Afrique avec pour principes fondateurs : la complémentarité, la solidarité et la croissance partagée.
L’agriculture, un secteur prioritaire dans le cadre duquel peuvent être développées des stratégies de coproduction menées par des entreprises du Nord et du Sud de la Méditerranée.
Le secteur agricole et agroalimentaire permet tout particulièrement de mettre à profit les complémentarités qui existent entre pays du Nord et du Sud de la Méditerranée. En effet, le déficit de la balance agricole des PSEM (Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, hors Turquie), s’est creusé de 60 % depuis 1995, atteignant 26 milliards de dollars pour l’ensemble des PSEM en 2011. Dans la liste des douze catégories de produits agricoles établis par les Nations unies, seuls les fruits et légumes affichent un excédent commercial dans les PSEM alors que neuf produits alimentaires enregistrent un déficit supérieur à un milliard de dollars. Le déficit des PSEM est principalement lié aux importations de produits de base au premier rang desquels on trouve les céréales (26 %), les oléagineux et les huiles (14 %), les fruits et légumes (8 %), les produits laitiers (5,6 %) et le sucre (5,4%). Dans la filière élevage, on constate depuis quelques années une demande croissante dans les pays du pourtour méditerranéen, en particulier au Liban et, plus récemment, en Turquie et en Algérie. Entre 2003 et 2050, les besoins en produits agricoles et alimentaires exprimés en équivalents énergétiques vont croître de 80 %, ce qui représentera un doublement voire un triplement des marchés correspondants en valeur.
Les entreprises européennes gagneraient à construire des alliances stratégiques, tant commerciales que productives avec les PSEM
L’autosuffisance alimentaire n’étant pas envisageable à moyen terme dans les PSEM, le recours au marché international s’avère indispensable. De plus en plus, les pays riverains de la mer Noire, l’Australie, le Canada, le Brésil, l’Argentine deviennent les fournisseurs des PSEM. L’Union européenne et le continent américain (Sud et Nord réunis) assurent plus des deux tiers de l’approvisionnement et se disputent le leadership en Méditerranée.
La mondialisation tend de plus en plus à se structurer autour de sous-ensembles macro-régionaux : Alena, Asean, Mercosur etc.
La région Europe –Méditerranée, à laquelle il faudrait ajouter l’Afrique, constitue potentiellement une région géostratégique avec les arguments essentiels de la proximité, de la complémentarité et de la solidarité. Profiter de la proximité géographique et des complémentarités des productions est une opportunité pour les entreprises agricoles et agroalimentaires européennes, en particulier françaises.
Les entreprises pourraient jouer un rôle pionner dans la construction de cette grande région Europe-Méditerranée-Afrique en multipliant la conclusion d’alliances stratégiques inter-entreprises pour permettre la mutualisation des risques et le partage de la chaîne de valeur, notamment mais non exclusivement, dans le secteur agricole.
Enfin, une action politique commune des entreprises du Nord et du Sud dans le cadre d’un mouvement transméditerranéen tel que celui d’EMCC lancé par IPEMED, pourrait permettre l’avènement d’un partenariat agricole et agroalimentaire euro-méditerranéen structuré autour de l’organisation de filières agricoles territorialisées pour le développement des zones rurales. Les entreprises tunisiennes et françaises pourraient jouer un rôle déterminant dans cette nouvelle dynamique.
A propos d’EMCC, la voix des entreprises en Méditerranée
Le mouvement EMCC ambitionne de réunir les principaux acteurs économiques de la région. Réseau d’influence, engagé pour faire émerger une région économiquement intégrée, il cherche à promouvoir une économie productive, durable, régulée et inclusive dont la coproduction est le vecteur privilégié. Sa présidence est assurée par Xavier Beulin, PDG de Sofiprotéol. Chaque année il organise, au Nord ou au Sud de la Méditerranée, un grand forum réunissant les dirigeants des entreprises actives en Méditerranée, des investisseurs, des experts et des personnalités politiques de haut niveau. La prochaine édition est programmée à Sousse, en Tunisie, le 4 décembre 2014.
Par Xavier Beulin, Président de Sofiprotéol, Président d’EMCC - Source de l'article l'Ecocomiste maghrébin
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