Le business du bien-être ne s'est jamais aussi bien porté dans le monde. Nutrition ou régime alimentaire, soins anti-âge ou fitness, massage, spas, yoga, et pourquoi pas retraite holistique...
L'offre est presque infinie. « L'évolution est récente, avance Sonia Rahbani, fondatrice du centre anti-âge Dermapro (Saïfi). Elle est liée au vieillissement des baby-boomers auxquels des technologies comme le laser permettent d'envisager un " bien vieillir". » Une tendance qui a ses détracteurs, à l'instar de Carl Cederströmet, AndreSpicer, auteurs de l'essai intitulé The Wellness Syndrome, selon qui ce culte du bonheur cache mal le narcissisme éhonté des sociétés actuelles, et la montée en puissance de ces valeurs d'accomplissement personnel dissimule un manque de compassion pour les autres, puisque « se sentir bien » reste une démarche fondamentalement égoïste.
Mais du strict point du vue économique, le culte du bien-être se révèle juteux : toutes activités confondues, le secteur représente 3 400 milliards de dollars en 2013 dans le monde, en croissance de plus de 20 % par rapport à 2012, selon l'institut américain SRI (Stanford Research Institute). Une activité émerge en particulier : le tourisme du bien-être. Ce créneau a littéralement explosé en 2013, pour afficher une croissance mondiale à deux chiffres (+ 12 %) avec près de 500 milliards de dollars de chiffres d'affaires en 2013. Le secteur, qui allie santé et voyage, représente 15 % du volume des dépenses touristiques globales. Les perspectives prévoient même un chiffre d'affaires de 679 milliards de dollars d'ici à 2017, avec une croissance annuelle de 10 %. Et quand l'on sait qu'un touriste de la catégorie bien-être dépense 65 % de plus qu'un touriste lambda en produits dérivés, on comprend qu'ils soient plus d'un à vouloir l'attirer dans leurs filets...
Le Liban dans le top 12 régional
Au Liban, l'intérêt pour l'industrie du bien-être reste encore timide, mais il va grandissant, aux dires de Michel Chaaya, responsable du spa de l'hôtel Le Gray, au centre-ville, « Les gens deviennent plus conscients des habitudes de vie saine. Ils veulent naturellement les appliquer quand ils voyagent », explique ce manager qui poursuit : « Pour un hôtel de luxe, il s'agit d'un service indispensable : le professionnalisme de ses intervenants, la diversité des soins proposés peuvent faire la différence dans le choix final du consommateur entre deux destinations distinctes, voire entre deux hôtels d'une même destination. » L'investissement n'est pas à fonds perdus : le spa du Gray est un centre de profit, avec un bénéfice de 30 % environ.
Preuve de cet intérêt naissant, l'institut SRI international a classé en 2012 le Liban dans le top 12 de la région (Moyen-Orient et Afrique), en 11e position. L'institut estime le marché libanais à 132,6 millions de dollars, ce qui représente un peu moins de 3 870 emplois directs. « Le Liban a un énorme potentiel, mais l'instabilité politique joue en sa défaveur : il est quasiment impossible d'imaginer investir aujourd'hui dans ce secteur. Pour nous développer comme " destination bien-être ", nous avons d'abord besoin de nous positionner comme une destination touristique d'envergure. Ce qui, au regard de la crise régionale actuelle et des problèmes de structures, est loin d'être acquis », fait valoir Roula Ghanem, responsable du G Spa (Achrafieh). Même son de cloche chez Eddé Sands, dont la clientèle demeure principalement locale.
« Notre client type est une femme d'une quarantaine d'années, beyrouthine souvent, et plutôt CSP+ », explique Alice Eddé qui dirige Eddé Sands (Byblos). « Pour cibler une clientèle étrangère, il faudrait proposer des offres tout compris : voyage, séjour, cures ou spa. Mais, pour l'heure, le prix des billets reste un vrai frein », ajoute-t-elle. De ce point de vue, le Maroc (824 millions de dollars de chiffres d'affaires en 2012), Israël (973 millions de dollars) ou les Émirats arabes unis (1,4 milliard de dollars) ont une évidente longueur d'avance sur le pays du Cèdre, avec une prévision de croissance sur ce créneau du tourisme du bien-être de 13,1 % entre 2012 et 2017 (contre 6,1 % pour le secteur du tourisme dans ces mêmes pays). « L'un des points faibles du Liban, c'est qu'il ignore comment valoriser son patrimoine. Le Maroc, par exemple, s'appuie sur la tradition des hammams ainsi que sur une industrie touristique forte pour gagner la reconnaissance des voyageurs, en particulier des Européens qui constituent toujours la cible principale », explique Ludmila Bitar, fondatrice du parfumeur Idéo Parfum (Gemmayzé), qui développe une gamme de soins du corps. « Le Liban pourrait parfaitement s'inspirer de la grande tradition de la médecine arabe pour se différencier et valoriser son héritage », précise Alice Eddé d'Eddé Sands.
S'il veut réellement se donner les moyens de devenir une « destination bien-être », en misant sur son climat exceptionnel et sa proximité culturelle avec des clientèles aussi bien arabes qu'européennes, le Liban doit pouvoir s'appuyer sur un effort gouvernemental indispensable pour fédérer l'ensemble des énergies et des initiatives, selon tous les acteurs interrogés. La Tunisie par exemple regroupe l'ensemble de ses cures thermales dans un Office du thermalisme, inauguré en 1975 ; le Maroc mène en ce moment des investissements majeurs pour développer des cures thermales et des spas d'envergure.
Par Muriel Rozelier - Source de l'article l'Orient le Jour
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