Une énorme ceinture de chasteté par la
Libanaise Lara Baladi, un corps de femme caché par un voile blanc, des
portraits d’immigrés: les thèmes de l’émigration, de la mondialisation et de
l’identité, mais aussi les espoirs et désillusions du printemps arabe
traversent les œuvres exposées à Marseille d’une quarantaine d’artistes
originaires du pourtour méditerranéen.
Une ceinture de chasteté de l’artiste libanaise Lara Baladi présentée lors de l’exposition « Ici, Ailleurs », à Marseille. |
Pour
cette exposition «Ici, Ailleurs», proposée jusqu’au 31 mars, la Tunisienne
Mouna Karray, 42 ans, a photographié son corps couvert d’un drap blanc. «Je
voulais parler d’enfermement, social, politique, intellectuel», dit-elle à
l’AFP, de ce travail initié peu avant la révolution du Jasmin.
Cette
série «est un acte d’existence: j’existe, même si on ne me voit pas»,
commente-t-elle, interrogée au lendemain du meurtre de l’opposant au pouvoir
islamiste Chokri Belaïd: «J’en suis malade», dit-elle.
«Depuis
la révolution, un mouvement artistique underground est en train de naître.
L’artiste a compris qu’il a le droit d’occuper la rue, de sortir. Le seul moyen
de lutter contre l’obscurité, c’est la culture et l’esprit critique», dit-elle
encore.
L’exposition
a été organisée dans le cadre de «Marseille, capitale européenne de la
culture», dans une ancienne manufacture de tabac, la Belle de mai.
Au
dernier étage, montée dans une «tour-panorama» tout juste inaugurée, la
Libanaise Lara Baladi a pendu au plafond une énorme ceinture de chasteté de
cuir et fer.
La
sculpture «renvoie aux événements en Égypte depuis janvier 2011», dit-elle, et
«s’élève contre l’interdit, particulièrement la menace pesant sur les libertés
des femmes».
Certains
artistes sont venus en résidence dans des entreprises de la région. C’est le
cas du Palestinien Taysir Batniji, accueilli dans une savonnerie de
Salon-de-Provence, et qui rappelle sur 349 savons de Marseille gravés que
«toute personne a le droit de circuler librement».
«Le
thème du déplacement est récurrent dans mon travail», relève ce natif de Gaza
installé à Paris, qui souligne aussi «la fragilité » des choses: il avait déjà
inscrit ce message à Genève dans du chocolat, finalement dévoré par le public.
Souvent
grave, l’exposition offre un large spectre d’œuvres, mais les points communs
sont là : attachement à la mémoire, aux libertés, questions d’identité
(culturelle, sexuelle...), ombre de l’actualité...
Et
le résultat peut être saisissant: le travail de Hrair Sarkissian, né à Damas et
basé à Londres, immortalise, visages dans la pénombre, des descendants
d’Arméniens de Turquie convertis à l’islam en 1915. Des tirages grand format
impressionnants, portraits sans visage de ces reconvertis dans le secret au
christianisme.
Plus
loin, Zineb Sedira, née en région parisienne dans une famille algérienne, s’est
plongée dans les archives de Marcel Baudelaire qui photographia le port de
Marseille, port d’arrivée en France de nombreux étrangers maghrébins et
africains, pour en retranscrire la mémoire en vidéo.
Là,
la Française Annette Messager montre un bateau ballotté sur un tapis de cheveux
(La mer échevelée), démonté par des ventilateurs: une «métaphore de la vie et
des incertitudes de la traversée».
Tous
sont «des artistes nomades», explique la commissaire, Juliette Laffon, qui a
souhaité «favoriser les projets les plus abordables» pour le public.
La
plasticienne Orlan a pour sa part assisté à des cérémonies de remise de titres
de citoyenneté à Marseille. «Un moment émouvant», raconte à l’AFP la Française
qui photographie ici 24 de ces visages, sur fond de drapeaux mouvants colorant
les peaux.
Source
de l’article l’Orient le Jour
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire