La ville de Barcelone a accueilli en
novembre 1995 une conférence, d’une importance géopolitique indéniable,
regroupant les membres de l’Union européenne ainsi que douze pays du sud de la
Méditerranée : l’Algérie, Chypre, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban,
Malte, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité palestinienne.
Cette conférence s’est clôturée par la publication de ce qui sera connu,
depuis, sous le nom de « Déclaration de Barcelone ».
Ce
document a jeté les bases d’un partenariat euro-méditerranéen appelé à aborder,
pour la première fois, les aspects, non pas uniquement politiques, mais
également économiques, sociaux, humains, culturels ainsi que les problèmes de
sécurité commune au niveau des relations entre les deux rives de la
Méditerranée. L’objectif fixé était de stimuler l’émergence d’un « espace de
paix et de stabilité » dans le bassin méditerranéen.
En
clair, l’idée sous-jacente à ce partenariat euro-méditerranéen était
ambitieuse, mais simple : le développement socio-économique dans les pays du
sud est vital, d’un point de vue stratégique, pour la sécurité de l’UE, car
tout climat d’instabilité chronique sur la rive méridionale se répercute
négativement sur les pays de la rive nord et entraîne, de surcroît, un
accroissement du flux d’émigrés, souvent clandestins, ce qui ne peut
qu’accentuer les causes d’insécurité, et donc d’instabilité, au cœur de l’UE.
Le sous-développement est en effet le vivier des courants extrémistes et une
source d’obscurantisme qui ne peuvent que déborder, largement, sur le nord.
Il
s’agit là d’une logique évidente et élémentaire... Mais qui paraît reléguée aux
oubliettes ou occultée par certains grands décideurs internationaux. Telle est,
du moins, l’impression qui se dégage de l’attitude adoptée par plus d’une
puissance étrangère à l’égard des développements en cours dans certains pays
touchés par le printemps arabe. C’est le cas, plus particulièrement, de la
Syrie.
Jusqu’à
preuve du contraire – et dans l’espoir que le second mandat Obama marque un
changement de cap sur ce plan –, l’administration américaine a adopté, pour
l’essentiel, une politique de « laisser-faire – laisser-aller » concernant le
soulèvement syrien.
Sous
prétexte d’éviter qu’un arsenal militaire sophistiqué ne tombe entre les mains
de miliciens fondamentalistes, Washington a systématiquement fait obstruction à
la livraison d’armes de défense qualitative, en l’occurrence des missiles
antiaériens et antichars, à la rébellion syrienne, assurant ainsi une
supériorité implacable au régime de Bachar el-Assad. Un régime qui ne cesse de
tendre, de manière asymptotique, vers les hauts sommets de la sauvagerie
sanguinaire et qui ne lésine sur absolument aucun moyen meurtrier pour écraser
la population sous les bombes de son aviation, les obus de son artillerie
lourde et (invention baassiste) les tonneaux piégés bourrés d’explosifs largués
par avion au-dessus des villages.
Et
cerise sur le gâteau, dans le cadre de cette stratégie cynique de «
laisser-faire – laisser-aller », l’administration Obama a fait la sourde
oreille en décembre dernier face à un récent rapport du consul américain à
Istanbul faisant état de l’utilisation d’armes chimiques par l’armée d’Assad.
Sous
prétexte de ne pas vouloir avantager les courants islamistes radicaux,
Washington ne fait en définitive qu’aboutir au résultat contraire, du fait de
sa politique d’attentisme, à savoir renforcer de plus en plus non pas les
Frères musulmans syriens, mais carrément les jihadistes extrémistes qui gagnent
du terrain et tirent profit du lâchage de la rébellion par certains des
adversaires publics et « officiels » du pouvoir syrien. Cela est devenu une
lapalissade, reconnue par tous les milieux et observateurs avertis : plus le
conflit syrien se prolonge, et plus les courants radicaux s’enracinent
profondément sur le terrain au détriment des factions libérales de
l’opposition.
Dans
un tel contexte, et si la ligne de conduite occidentale, plus précisément
américaine, n’évolue pas, Bachar el-Assad aura tout le loisir de jouer, une
fois de plus, sur le facteur temps, dans l’espoir d’un retournement de la
conjoncture régionale et/ou internationale, ce qui lui permettrait – du moins,
tel est son désir le plus fou – de redresser la situation à son profit au plan
politique et sur le terrain. Le pouvoir baassiste (père et fils) n’est-il pas
passé maître dans l’art de gagner du temps et d’attendre que la tempête qui
risque de l’emporter s’estompe, dans l’espoir de jours meilleurs ?
Jusqu’au
soulèvement enclenché en mars 2011, le régime Assad réussissait à gagner son
pari sur ce plan. Parviendra-t-il à réitérer, une fois de plus, sa manœuvre
dans le contexte présent? Rien n’est moins sûr, surtout si, comme l’affirment
nombre d’analystes depuis quelques jours, l’administration Obama se décide
enfin, à la faveur du second mandat qui a débuté hier, à traduire par des actes
concrets ses prises de position théoriques appelant à la chute du régime de
Bachar el-Assad. Dans le cas contraire, c’est toute la région, et notamment les
voisins limitrophes de la Syrie, qui sera plongée dans une situation
d’instabilité chronique et de troubles persistants. Car si le tyran de Damas
parvient à se maintenir, uniquement, contre vents et marées, ne fût-ce que dans
une partie de la capitale et dans le pays alaouite, sans même gouverner
réellement la Syrie ou étendre à nouveau son autorité à l’ensemble du
territoire, il aura pratiquement remporté la partie et il conservera ainsi sa
capacité de nuisance, fort de l’appui inconditionnel du président Poutine et
des mollahs de Téhéran.
Si
la nouvelle administration Obama permet qu’un tel scénario catastrophe se
réalise réellement, en continuant d’épargner Bachar el-Assad, elle aura joué
alors la carte de l’instabilité sur la rive sud de la Méditerranée, ce que l’UE
a cherché précisément à combattre en mettant sur les rails le partenariat
euro-méditerranéen de Barcelone. Et du même coup, elle aura maintenu un
catalyseur, ou un abcès de fixation, irano-syrien, entraînant inéluctablement
le printemps arabe sur la voie d’autocraties d’un genre nouveau... Au détriment
des alliés régionaux de l’Occident, et, surtout, de la sécurité sur la rive
nord de la Méditerranée.
Source
de l’article l’Orient le Jour
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