L’évolution critique de la situation
politique en Égypte ne semble pas remettre en cause l’intérêt que lui portent
les investisseurs aussi bien locaux qu’étrangers.
Les
événements politico-économiques et la mauvaise gestion des affaires du pays
depuis l’arrivée, il y a quelques mois, du président Mohamed Morsi,
représentant des Frères musulmans, n’ont pas empêché les investisseurs
étrangers, aussi bien arabes qu’occidentaux et même locaux, de s’intéresser au
marché égyptien et à ses opportunités.
Pour
preuve, des délégations des patrons des grands groupes et leurs représentants
déferlent sur le Caire pour négocier, avec les institutionnels et les grands du
secteur privé, les modalités de prise des parts ou la création de joint
venture. L’importance des potentialités de l’économie égyptienne incite les
investisseurs à anticiper, sans tenir compte de ce qui se passe sur la Place
Tahrir ou devant le palais présidentiel où des manifestations ont lieu quasi
quotidiennement contre le pouvoir en place.
Les
investisseurs misent sur l’avenir économique de l’Égypte qui ne serait guère,
selon les analystes financiers (notamment des banques d’affaires occidentales),
dépendant du système politique, mais plutôt des occasions offertes et des lois
régissant la garantie de leurs capitaux.
Dans
ce contexte, rappelons que l’Égypte a toujours respecté ce volet depuis
l’application de l’ouverture de son économie dès les années 1980, et que le
pays commençait alors à attirer les flux d’investissement de toutes origines.
Les
Investissements directs étrangers (IDE) ont refait leur apparition très
rapidement après la révolution qui a fini par destituer le régime de l’ancien
président Hosni Moubarak. La chute de la Bourse du Caire et de la livre
égyptienne n’a pas dissuadé les investisseurs. La réticence provisoire
enregistrée sur « l’annonce constitutionnelle » n’a pas eu de répercussion
directe sur la concrétisation de certains projets mixtes dans différents
domaines.
Ce
qui prouve bien que les investisseurs sont confiants dans l’avenir de leurs
placements en Égypte. Dans ce cadre, il y a lieu de noter que les agences de
notation internationales n’ont pas baissé la note de la finance et de l’économie
égyptienne. En effet, depuis le début de septembre dernier, et malgré les
confrontations de rue entre le pouvoir et l’opposition, ces agences, notamment
Standard & Poor’s et Moody’s, affirment que l’Égypte n’est plus sous
contrôle. Elles se basent dans leur analyse sur le fait qu’un compromis devrait
être trouvé finalement pour éviter au pays de tomber dans le chaos.
Les
agences sont conscientes que l’armée interviendra afin d’instaurer l’équilibre
indispensable pour sauver le pays et son économie. Ce que confirment les
patrons des grands groupes américains – qui augmentent graduellement leurs
investissements depuis juin dernier –, ainsi que la visite d’une forte
délégation de plus de quarante d’entre eux et leurs discussions avec les
représentants de l’establishment égyptien, militaires et banquiers inclus.
Ce
qui intéresse toujours les investisseurs étrangers dans l’économie égyptienne,
ce sont les points forts qui la caractérisent, selon le programme Invest in Med
de l’Observatoire Anima-Mipo, spécialisé dans les investissements et
partenariats en Méditerranée. Les experts de cet organisme estiment que la
baisse des IDE – de 8,1 milliards de dollars en 2010 à 6,8 milliards en 2011 –
ne peut pas être prise comme référence.
Car
les investisseurs sont toujours présents alors qu’une nouvelle vague vient se
positionner. Cette dernière provient notamment des pays du Golfe qui, d’une
part, évitent les marchés européens frappés de plein fouet par les effets de la
récession qui a tendance à perdurer ; et qui, d’autre part, anticipent sur les
opportunités offertes par les secteurs prometteurs de l’économie égyptienne,
laquelle ouvre ses portes aux IDE.
Dans
ce contexte, rappelons la déclaration récente du ministre turc du Commerce
extérieur qui avait accompagné en Égypte son Premier ministre, Recep Tayyip
Erdogan, et sa rencontre avec le président Morsi. Ce responsable turc a tenu,
lors d’une conférence de presse tenue au Caire, à préciser que les
investissements turcs en Égypte, à travers 205 entreprises, s’élèvent à 2
milliards de dollars, et créent environ 50 000 emplois.
En
dépit du flou politique régnant, les économistes égyptiens estiment que la
conjoncture demeure propice à la poursuite de ces investissements. De
nombreuses voix en Égypte ont exprimé leur volonté d’accompagner le changement
de société en mettant en place une croissance soutenue et partagée.
Toutes
les parties s’engagent, chacune de son côté et à sa manière, à participer à
l’attrait des IDE. Car, malgré leurs fortes divergences politiques et même au
niveau de la gestion de l’économie, ils sont presque tous d’accord sur la
nécessité de déployer les efforts adéquats pour multiplier les investissements
étrangers et locaux afin de surmonter les difficultés socio-économiques et
financières qui constituent le véritable danger pour le pays.
En
effet, depuis son arrivée aux commandes, le président Morsi a effectué neuf
déplacements à l’étranger. Il a été accompagné d’un nombre significatif
d’hommes d’affaires, de banquiers, de présidents des groupes représentant les
différents secteurs clés de l’économie égyptienne, du gouverneur de la Banque
centrale et du président de la Bourse du Caire.
Mohamed
Morsi avait dans ses valises des dizaines de projets à proposer à ses
interlocuteurs dans les pays visités. Le chef d’État égyptien a, dans sa
tournée, visité l’Arabie Saoudite, la Chine, l’Italie, la France, le Qatar, les
Émirats arabes unis (EAU) et d’autres.
Le
7 octobre dernier, il a déclaré que le Caire avait conclu 17 accords
internationaux pour un montant de 20 milliards de dollars au cours des trois
mois qui ont suivi son arrivée au pouvoir. Au cours de ces déplacements à
l’étranger, il a indiqué : « nous avons attiré cette somme d’IDE en vue du
développement de certaines entreprises égyptiennes ». Déclaration faite à
l’occasion des commémorations du 39e anniversaire de la guerre
arabo-israélienne de 1973.
Les
investisseurs arabes montrent davantage d’intérêt, ces derniers temps, pour «
envahir » le marché égyptien. À titre d’exemple, le ministre émirien de
l’Agriculture a fait état d’une poussée considérable des investissements
agricoles de son pays pendant la phase à venir. Il a évoqué les investissements
injectés en Égypte, notamment en matière de bonification des terrains et de
production animale.
Les
EAU sont jusqu’à présent le plus grand investisseur arabe et international dans
le domaine agricole en Égypte, le volume de ces investissements ayant dépassé 4
milliards de dirhams. De son côté, son homologue égyptien souligne que son
pays, après la révolution, invite les investisseurs des EAU en particulier, et
des pays arabes en général, à investir massivement dans le secteur agricole,
industriel, touristique et immobilier.
Le
Qatar accorde également une importance particulière au marché égyptien. Le
rapprochement de cet émirat du Golfe avec le pouvoir des Frères musulmans en
Égypte renforce cette coopération économique et financière. Les visites de l’émir,
Cheikh Khalifa ben Hamad al-Thani, et de son Premier ministre, patron de Qatar
Investment Authority (QIA), bras séculier de l’investissement de l’émirat à
l’étranger au Caire, sont l’indice tangible de cette réalité. À titre
d’exemple, la banque d’investissement du Qatar, QInvest, a signé, au début de
novembre dernier, avec Citadel Capital, le fonds d’investissement égyptien, une
coentreprise (respectivement 51 % et 49 %). Le projet prévoit notamment la
construction d’une usine de stockage et de regazéfication. Une nouvelle joint
venture qui possède déjà une licence économique d’importation devrait être
opérationnelle à l’été prochain, avec le feu vert des autorités.
Pour
sa part, Ahmed Heikal, le président de Citadel Capital, a indiqué à Arabies que
la nouvelle structure aura la capacité de fournir 10 % de la consommation
égyptienne. Ce nouvel investissement qatari dans le domaine de l’énergie
intervient après que Qatar Petroleum International a acquis, pour 862 millions
de dollars, 27,9 % d’un projet de raffinerie de Citadel (d’un montant de 3,7
milliards de dollars).
Dans
la banque, depuis mai 2012, QInvest est déjà actionnaire à 60 % d’une joint
venture à destination d’investissements bancaires, et a déjà montré son intérêt
pour acquérir 77,17 % de NSBG, la filiale égyptienne de la banque Société
générale. Le Qatar va également investir 18 milliards de dollars au cours des
cinq prochaines années. Ce montant devrait financer des projets touristiques et
un complexe industriel à l’embouchure méditerranéenne du Canal de Suez. Le
Qatar s’était engagé à verser encore 2 milliards de dollars d’IDE à la Banque
centrale égyptienne avant la fin de l’année 2012.
Quant
à l’Arabie Saoudite, les investissements réalisés par le royaume atteignent
déjà plus de 7,2 milliards de dollars, et les échanges commerciaux ont atteint
4,75 milliards de dollars. D’autres investissements sont programmés au cours de
l’année 2013.
Par
Pierre Fauchart – Source de l’article Arabies
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