Elle avait raté le train du printemps
arabe et elle a multiplié ensuite des efforts diplomatiques considérables pour
rester un acteur de premier plan dans cette région. Aujourd'hui, l'Union
européenne s'inquiète de l'évolution de l'Egypte et s'interroge sur celle de la
Tunisie et de la Libye.
Le ministre suédois des affaires étrangères, Carl Bildt, le commissaire européen Stefan Füle et Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne |
Comment
affronter les suites des révolutions arabes, faut-il continuer à aider ces pays
? A cette question, les Vingt-Sept n'apportent pas une réponse unanime,
constatant surtout l'influence persistante des islamistes.
Lundi
11 mars, alors qu'ils se divisaient par ailleurs sur l'éventuelle livraison
d'armes aux rebelles syriens, les ministres des affaires étrangères de l'Union
ont examiné, sans aucun enthousiasme, le dossier. Oublié le "plan
Marshall" pour la région, un moment évoqué.
"Nous
devons convaincre nos Parlements nationaux et nos opinions publiques qu'il faut
maintenir les liens politiques et économiques avec cette région en
difficulté", commentait, lundi, le ministre luxembourgeois des affaires
étrangères, Jean Asselborn. Certains de ses collègues prônaient surtout
"la prudence".
"La
crise politique que connaît l'Egypte devient de plus en plus complexe. La
polarisation s'accentue et la situation préoccupante du pays exige des réponses
de l'Union", estime quant à lui Bernardino Leon, ancien secrétaire d'Etat
espagnol aux affaires étrangères et envoyé spécial de la diplomatie européenne
dans la région.
Un plan d’urgence accordé à l’Egypte
Dans
l'immédiat, l'Union est sollicitée financièrement par les dirigeants égyptiens,
confrontés à des difficultés budgétaires considérables et à une crise
économique de grande ampleur. Ils demandent, à bref délai, 190 millions d'euros
pour appuyer les négociations qu'ils mènent avec le Fonds monétaire
international (FMI) en vue de l'obtention d'un plan d'aide. Le FMI se dit prêt
à examiner un prêt d'urgence, en attendant des réformes et la négociation d'un
projet plus vaste. Un accord conclu en novembre 2012 pour un prêt de 4,8
milliards d'euros avait été suspendu en raison des troubles politiques. Dans ce
cadre, l'Union apportait 500 millions d'euros.
Les
Vingt-Sept se voient également demandés 60 millions d'euros pour différents
projets de coopération et les dirigeants du Caire réclament l'accélération du
versement de 200 millions d'aide budgétaire promis par la Commission de
Bruxelles.
"En
aidant ce pays et le président Mohamed Morsi, contribuerons-nous à reconstruire
le nécessaire consensus ou à soutenir des gens qui ne veulent pas du dialogue
?", interroge un diplomate de haut rang. "Tout le monde veut
continuer à aider ce pays en transition et personne ne veut qu'il
s'effondre", nuance M. Leon.
L'envoyé
spécial de Catherine Ashton, la Haute Représentante pour la diplomatie, juge,
en tout cas, "crucial" de ramener tous les acteurs égyptiens à la
table des négociations et, si possible, dans le processus électoral. Il est
actuellement le seul à entretenir des contacts avec tous les courants, y
compris les salafistes. L'armée ? "Elle suit évidemment la situation de
très près, mais reste calme et refuse de jouer les arbitres, y compris si
certains acteurs de la révolution réclament désormais son retour... Elle refuse
également d'agir en force de police", relève M. Leon.
Les modérés d’Ennahda, interlocuteurs
privilégiés de Bruxelles
En
Tunisie, l'Union a perdu son principal allié après le retrait du premier
ministre Hamadi Jebali et la mise en place d'un nouveau gouvernement dirigé par
Ali Larayedh. Les islamistes d'Ennahda sont en recul mais, paradoxalement, les
Européens s'inquiètent davantage : M. Jebali, dirigeant de ce parti, était un
interlocuteur rassurant. "Il avait mis son pays en avant, préalablement à
toute considération idéologique, et se comportait en démocrate", juge un
expert.
Les
incidents créés par les salafistes et l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd
sont interprétés par les Vingt-Sept comme une attaque directe contre les
modérés d'Ennahda, interlocuteurs privilégiés de Bruxelles. "C'est un coup
terrible contre la transition, juge un ministre. On aurait pu éviter cet assassinat
si le gouvernement avait pris des mesures fermes contre les extrémistes, ainsi
que nous l'y avions invité." Les services de Mme Ashton, quant à eux,
s'accrochent à l'espoir d'élections démocratiques après l'adoption d'une
nouvelle Loi fondamentale. Et à l'idée que le courant islamiste, par conviction
ou par pragmatisme, s'en tiendra à la ligne tracée par M. Jebali.
Reste
la Libye, d'une "importance énorme" pour l'Union, selon Mme Ashton.
La situation y semble plus calme, alors que l'incertitude quant à la mise en
place d'un véritable Etat de droit persiste à Bruxelles. "Nous ne voyons
pas clairement quelle est la source légale de certaines décisions, elles
s'appuient plutôt sur la tradition ou la religion. Toutefois, le nouveau
gouvernement semble affirmer son pouvoir", indique un expert.
Dans
l'immédiat, les Européens vont déployer une force censée aider les Libyens à
mieux contrôler leurs frontières. "La démocratie, c'est bien ; notre
sécurité, c'est mieux encore", ironisait lundi un haut responsable. Avant
de conclure : "Nous allons, là aussi, continuer de donner une chance aux
nouveaux dirigeants. Faute de mieux."
Par Jean-Pierre Stroobants - Source de l’article Le Monde
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