Affaiblie par une décennie de repli des
États, la montée des populismes et un axe franco-allemand peu opérant, l’Union
européenne peine à se mobiliser sur des enjeux autres qu’internes.
Les
révoltes arabes menées contre des pouvoirs autoritaires que rien ne semblait
remettre en cause ont inauguré une nouvelle et complexe étape historique dans
les pays arabes du sud et de l’est de la Méditerranée, dont l’évolution à venir
est loin d’être maîtrisée. Les soulèvements de 2011 ont suscité l’enthousiasme
et porté à croire que les partenaires internationaux de ces pays, notamment
l’Union européenne, allaient à leur tour entrer dans une nouvelle ère de
coopération. Près de deux ans après, nulle évolution du partenariat ne peut
être encore dressée, tant la situation demeure marquée par des incertitudes,
tant les évolutions restent fragilisées par les tensions qui traversent les
deux rives méditerranéennes.
Affaiblie
par une décennie de repli des États, la montée des populismes et un axe
franco-allemand peu opérant, l’Union européenne peine à se mobiliser sur des
enjeux autres qu’internes. Ainsi, face à la transition politique complexe dans
les pays méditerranéens, la rénovation de l’offre de coopération européenne
comme la définition de la vision de l’union dans cette région ont des
difficultés à se donner de la visibilité et de la lisibilité : pas de consensus
sur les priorités (entre le voisinage oriental et le voisinage méridional de
l’Europe), réaction toujours gouvernée par la peur, pas de marge de manœuvre budgétaire.
Donc, pas de perspective politique. L’offre européenne qui s’est déployée au
lendemain des révoltes, présentée dans des communications conjointes
d’institutions européennes était structurée autour de la thématique du
«partenariat pour la démocratie et la prospérité partagées». Une offre qui
était déjà en préparation dans les services de la commission et qui
s’inscrivait dans la perspective de révision de la Nouvelle politique de
voisinage. Les dispositifs et les mesures avancés dans les communications qui
ont suivi (le more for more, l’appui à la société civile…) n’ont pas de
profondeur et manquent de clarté sur les conditions de mise en œuvre.
L’Europe
ne s’est pas encore prononcée sur une vision mobilisatrice de long terme. Dans
le contexte actuel même le statut de «partenaire avancé» obtenu par le Maroc
fin 2008 (et souhaité pour la Tunisie et la Jordanie) est, à l’évidence,
insuffisamment mobilisateur pour les pays du Sud. Aujourd’hui, l’Union
européenne dispose de trois cadres différents qu’elle a, elle-même, proposés,
pour organiser la coopération en Méditerranée : le Processus de Barcelone (PB)
né en 1995, la Politique européenne de voisinage (PEV) née en 2003 et l’Union
pour la Méditerranée (UPM) née en 2008.
L’objectif final de ces initiatives est globalement le même, ne
serait-ce que par la filiation qui existe entre elles : «Transformer la
Méditerranée en un espace de paix, de démocratie, de coopération et de
prospérité». Chacune d’elles est cependant structurellement différente de
l’autre. On y trouve respectivement un partenariat de l’UE avec 14 pays
riverains de la Méditerranée, une politique unilatérale de l’UE à l’égard de
son voisinage, une organisation intergouvernementale à 43 pays. Au demeurant,
ces trois cadres n’ont pas été en mesure d’atteindre les objectifs fixés et
font aujourd’hui l’objet de défiance, au moins de la part des pays du Sud quand
ce n’est pas de tous, pour des raisons parfois contradictoires. Il est certain
que l’existence de ces trois cadres crée une certaine confusion, voire
l’impression d’une redondance contre-productive. Il importe donc aujourd’hui d’articuler ces
cadres les uns par rapport aux autres et d’harmoniser la coopération entre
l’Union européenne et ses partenaires méditerranéens.
L’Union
européenne, en proie à une grave crise économique, est traversée par une
tension qui reste irréconciliable entre politique d’austérité budgétaire et
politique de croissance. Les solutions à la crise restent à définir.
L’accouchement au forceps d’un mécanisme permanent de stabilisation a mis en
lumière les divergences internes de la zone euro et souligné ses fragilités.
Mais il a surtout montré le nouveau poids des Etats et du Conseil européen dans
le système de gouvernance de l’union et le recul de la méthode communautaire.
La
capacité de nuisance de la méthode de décision intergouvernementale s’exerce
d’abord au travers du budget. La longue et complexe négociation sur le cadre
financier pluriannuel, autrement dit le budget européen à partir de 2014,
montre la tendance. Ce budget -qui représente à peine plus de 1% du PIB des
Vingt-sept- est la clé de la solidarité européenne. Son montant et sa structure
reflètent les limites de la capacité de l’union à corriger ses déséquilibres
internes et à relancer la croissance. Les Etats
membres sont confrontés à une remise en cause du processus de cohésion
économique et sociale déjà insuffisant au sein de l’Union.
L’Europe
a des difficultés de se doter d’une gouvernance optimale et de renoncer à une
partie de leur souveraineté budgétaire. Malgré les avancées notables, notamment
l’adoption du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, les
modalités de cette gouvernance ne sont pas claires. Les citoyens européens
semblent de plus en plus se distancier de l’union, dont les décisions
apparaissent déconnectées des réalités. Cette distance se manifeste à travers
l’assurance nouvelle des partis populistes en Europe et l’impopularité
grandissante de l’UE. L’Union européenne semble incapable de sortir de sa crise
d’identité, bien plus profonde que la crise économique et sociale dans laquelle
elle s’est embourbée.
Prise
dans l’étau de ses divisions internes et du manque de volonté politique, tant
au niveau des institutions communes que des Etats qui la composent, cette
Europe inachevée est de plus en plus absente sur la scène internationale et de
moins en moins comprise par ses peuples et encore moins par ses partenaires. Or
c’est justement dans l’environnement actuel caractérisé, entre autres, par les
troubles dans la périphérie de l’union que la construction européenne paraît
pleinement justifiée.
Par
Larabi Jaïdi – Source de l’article La Vie éco
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