La consommation électrique va exploser au sud de la Méditerranée d’ici 2040, pendant qu’elle se réduira en Europe. Le Maroc devrait donc continuer à importer de l’électricité européenne, à rebours du mégaprojet Desertec qui avait fait rêver tout le Maghreb.
« La demande d’énergie entre 2013 et 2040 va augmenter de 98% dans les pays du sud de la Méditerranée, tandis qu’au nord, elle va baisser de 2% », a révélé Houda Allal, directrice générale de l’Observatoire Méditerranéen de l’Energie, ce matin, mercredi 15 juin 2016, invitée par la Fédération marocaine de l’Energie, au siège de la CGEM à Casablanca. Elle est venue présenter l’analyse prospective de la production et de la consommation d’énergie en Méditerranée : Mediterranean Energy Perspectives 2015 (MEP 2015).
En France, la consommation électrique stagne depuis 2011. Elle s’est même réduite de 0,4 à 6% entre 2013 et 2014, selon le Bilan électrique français. En Allemagne et en Espagne, la consommation électrique est également en baisse depuis 2010. Le 8 mai dernier, le prix de l’électricité est même devenu négatif l’espace de quelques heures en Allemagne à cause d’un pic de production lié aux énergies renouvelables. En février 2015, une nouvelle interconnexion entre la France et l’Espagne a été finalement inaugurée en dépit des réticences françaises. En 2014, l’Espagne accusait la France de vouloir protéger ses centrales nucléaires de la concurrence de l’électricité d’origine renouvelable espagnole.
Maroc : La demande électrique augmente de 6,1% par an
Alors que les grands pays européens ont ainsi atteint un stade de surcapacité électrique, la consommation électrique au sud de la Méditerranée augmente avec la croissance de la population et le développement économique de la région. Au Maroc, la demande en énergie électrique devrait croître de 6,1% à 6,2% par an entre 2014 et 2025, selon les estimations du ministère de l’Energie.
Dans un tel contexte, c’est donc l’Europe qui exportera son électricité vers le Maghreb et non l’inverse comme le proposait l’initiative scientifico-industrielle Desertec. Lancée en 2003, elle voyait déjà des champs infinis de panneaux solaires dans le Sahara qui répondraient aux besoins des pays européens, sinon du monde entier.
Desertec : « L’idée était bonne sur le papier »
Desertec avait fait rêver tout le Maghreb de méga-investissements étrangers dans les énergies renouvelables. « Nous espérons ensuite pouvoir exporter l’électricité vers l’Union européenne pour réduire le gap du KWh solaire [le coût entre le solaire et l’énergie conventionnelle, ndlr] », répétait encore Zohra Ettaik, directrice de la division Energies renouvelables et de l’efficacité énergétique au ministère de l’Energie, de l’Eau, des Mines et de l’Environnement, en octobre 2013, lors de la conférence du groupement industriel allemand Desertec Industrial Initiative (Dii), à Skhirat. En octobre 2014, Dii abandonnait ses opérations de lobbying pro-exportation, suivi un an plus tard par son équivalent français Medgrid.
« Desertec avait une logique économique simple : le potentiel des pays du sud de la Méditerranée en termes de production d’électricité sur la base d’énergies renouvelables est considérable et bien supérieur à celui des pays européens. Produire chez eux et exporter cette énergie par le biais d’interconnexions électriques serait donc moins cher. Les promoteurs de cette idée n’ont pas vu les difficultés liées à l’interconnexion et l’explosion de la demande à venir dans les pays du sud méditerranéen. L’idée était bonne sur le papier, mais elle n’avait pas de sens dans ce contexte », explique aujourd’hui Houda Allal. « Quand cette idée a émergée, ajoute-elle, la crise économique n’avait pas encore eu lieu et la consommation électrique européenne, portée par la croissance, ne cessait d’augmenter. »
Le Maroc importe 18% de son électricité d’Espagne et d’Algérie
Le Maroc devrait donc logiquement continuer à importer de l’électricité européenne grâce aux interconnexions existant. Selon les chiffres présentés par l’ONEE lors du meeting 2014 du think tank Medelec, le royaume importe déjà annuellement 5 551 GWh, soit 18% de sa consommation électrique totale. Depuis 1997 et 1998, il est interconnecté aux réseaux électriques de l’Algérie et de l’Espagne.
Le lancement, il y a quelques jours, d’une étude pour une nouvelle interconnexion -entre le Portugal et le Maroc, cette fois - s’inscrit dans cette même logique. « L’interconnexion entre le Maroc et le Portugal doit permettre en principe d’importer ou d’exporter en fonction des besoins de chaque pays », assure Houda Allal, mais le Portugal est déjà l’un des champions régionaux des énergies renouvelables. Elles représentent 60% de son mix électrique en 2013 et devraient atteindre près de 100% de ses besoins d’ici 2040, selon les MEP 2015. « Une interconnexion avec le Maroc peut lui permettre d’exporter son excédent, mais aussi de stabiliser son réseau électrique pour pallier la variabilité inhérente aux énergies renouvelables », assure la présidente de l’OME.
Au sud, le Maroc envisage de poursuivre son interconnexion vers la Mauritanie. « Pour obtenir une intégration efficace du réseau, nous prévoyons l’extension du réseau de 400kV qui va jusqu’à Dakhla en direction de la Mauritanie », a indiqué Ali Fassi-Fihri, directeur général de l’ONEE, lors de l’inauguration de Noor I en début d’année 2016.
Par Julie Chaudier - Source de l'article Yabiladi
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