Regards croisés sur l’Aleca et l’agriculture

Entre refus catégorique et acceptation partielle, le débat est alimenté sur l’Aleca en Tunisie. Malgré les divergences, les différents interlocuteurs demeurent bel et bien unanimes sur un seul point : à savoir la nécessité de se préparer au niveau de l’industrie et au niveau de l’agriculture pour mener les négociations.

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La table ronde réservée à la libéralisation du secteur agricole dans le cadre de la 4ème édition de Tunis Forum a permis de soulever plusieurs interrogations sur les problématiques de l’agriculture tunisienne face au projet d’accord Aleca. Le débat s’est déroulé en présence de Mme Nino Zambakhidze, présidente de la Georgian Farmers Associations de Géorgie et Victoria Campenau, ancienne négociatrice économique de Roumanie pour les accords de libre-échange avec l’Union Européenne. Nous présentons aux lecteurs de leconomistemaghrebi.com un résumé de quelques interventions de spécialistes dans le cadre de cette table ronde.

Agriculture : encore des problèmes en la demeure

Omar El Behi, vice-président de l’UTAP, a rappelé que tous les pays consacrent un pourcentage considérable de leur budget pour l’appui à l’agriculture, notamment les États-Unis, l’Union Européenne et d’autres pays et d’estimer que le soutien de l’Europe aux agriculteurs va se poursuivre étant donné les récents mouvements sociaux des agriculteurs.

Evoquant la problématique de l’eau en Tunisie, il a cité le cas de la région de Regueb (Sidi Bouzid), cas emblématique des régions du Sud où la sécheresse est endémique. Faut-il amener l’eau du Nord du pays, comme certains le suggèrent ?, s’est-il demandé. Comment faire face aux différents scénarios des changements climatiques et endiguer la menace rampante de la désertification ? Et d’ajouter : « On parle d’un taux de désertification de 3% dans les zones défavorables », s’alarme-t-il.

Le vice-président de l’UTAP a ensuite braqué la lumière sur l’huile d’olive tunisienne qui est un produit compétitif . Il a souligné le fait que 90% de notre huile d’olive sont exportés en vrac vers l’Union européenne qui se charge du conditionnement. A cet égard, il s’est interrogé sur la possibilité d’exporter l’huile d’olive en bouteilles vers le Canada et les Etats- Unis et d’adopter la même procédure pour les dattes. Ainsi, il a recommandé la mise en valeur des produits tunisiens et de penser, entre autres, au marché malaisien. 

De la nécessité de mettre des préalables avant d’engager les négociations. Telle est l’approche d’ Abdelatif Ghdira, Directeur Exécutif du Conseil oléicole international, qui s’est exprimé en ces termes :

« Si quelqu’un connaît un pays qui ne soutient pas son agriculture qu’il le cite ». Pour lui, avec ou sans Aleca, la promotion de l’agriculture tunisienne doit se faire. « Ceux qui ont fait du terrain savent que l’agriculture tunisienne fait face à plusieurs difficultés », regrette-t-il. Ainsi, avec toutes les difficultés que traverse le secteur de l’agriculture, il devient légitime de se demander s’il est logique d’engager les négociations.
ALECA

Cependant la réponse est déjà claire : « Il faut y aller mais il existe des préalables », affirme-t-il. Revenant sur l’investissement agricole, il n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude de constater que la Banque Nationale Agricole se désintéresse de l’investissement agricole.

De même, il a évoqué le problème de l’accès au financement pour les agriculteurs et la précarité de la main-d’œuvre dans le secteur. Concernant la politique d’importation, l’intervenant a estimé que l’importation doit être étudiée : « Surtout que nous sommes dans un contexte où tous les pays sont en train de soutenir leur agriculture, raison pour laquelle il faut soutenir les agriculteurs », conclut-il.

Commençons d’abord par la définition du statut d’agriculteur

Leith Ben Becher, président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri), a indiqué qu’il n’existe pas de capacité pour la stabilité du rendement de l’huile d’olive surtout qu’il s’agit d’une agriculture pluviale qui remonte à l’époque punique.

« Quand on voit le budget scandaleux de la recherche agricole en Tunisie, comment voulez-vous qu’on puisse réaliser un des aspects de la durabilité qui est celui de l’adaptation à la rareté de l’eau ? », lance-t-il. Et d’indiquer l’existence de distorsions au niveau de nos filières nationales : « J’ai des craintes quant à la capacité de nos gouvernants à négocier avec le plus grand pôle économique et agricole du monde. Vous êtes en face d’un marché composé de million de consommateurs, avec un niveau de vie très élevé, un taux d’intégration très important, une politique agricole volontariste et s’ajoute à cela une pression sociale », affirme-t-il. . Par ailleurs, il a souligné la nécessité de mettre en place une stratégie pour le secteur agricole : « Je n’ai pas l’impression que l’agriculture soit une priorité au niveau national. Pourtant c’est un enjeu de sécurité alimentaire et un enjeu de sécurité tout court. Comment voulez-vous que les jeunes des zones reculées du pays puissent renouer avec l’ espoir si l’agriculture est délaissée ? »

Évoquant la problématique de la subvention, il a déclaré : « Il est scandaleux qu’il y ait zéro subvention de l’huile d’olive tunisienne alors que nous subventionnons l’huile de soja » et de conclure en disant que depuis 2008, des revendications ont été faites et qu’il est nécessaire de définir ce qu’est un agriculteur tout en indiquant que 50% des agriculteurs n’exercent pas ce métier à temps plein et exercent d’autres professions.

Aleca : trois conditions pour mener la négociation

Boubaker Karray, Directeur, au sein du ministère de l’Agriculture, quant à lui, a affirmé que la partie tunisienne qui mène les négociations a demandé à la Délégation européenne de considérer trois paramètres autour desquels des demandes seront faites : il s’agit de l’asymétrie sur laquelle il faudrait exprimer un différentiel de compétitivité, le listing c’est à dire la possibilité de lister des produits et de préciser que des produits seront libéralisés avec un timing et les aides financières, préalables nécessaires autant de la part de l’Etat que de l’UE, aide financière qui doit être conséquente pour la mise à niveau « obligatoirement ce financement est un préalable nécessaire »

Par Hamza Marzouk - Source de l'article l'Economistemaghrébin

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