Le Maroc s’est résolument engagé dans la mise en œuvre effective d’une importante réforme de l’Etat faisant de la régionalisation avancée le cadre institutionnel futur de la gouvernance du territoire national.
Cette réforme donne de larges pouvoirs aux représentants des populations locales, tout en instaurant des rapports entre l’Etat central et les 12 nouvelles régions fondés sur la contractualisation.
De son côté, la France, tirant les leçons de son expérience, a opéré de nouveaux choix en matière de gouvernance territoriale couronnée par un nouveau découpage territorial consolidant la répartition des pouvoirs et des rôles entre l’Etat et les nouvelles régions.
Dans ce cadre, au Maroc comme en France le véritable défi des nouvelles régions est de réunir les conditions qui leur permettent de s’ériger en pôles de compétitivité et d’excellence capables de produire de la richesse, promouvoir de l’emploi, notamment en faveur des jeunes, renforcer l’inclusion, favoriser la mobilité et l’équité sociales, garantir la durabilité des écosystèmes naturels et promouvoir les bonnes pratiques de la démocratie participative et de la gouvernance responsable.
Face à ces défis deux questions fondamentales se posent:
- Comment le partenariat entre les nouvelles régions du Maroc et de France peut-il contribuer à la réalisation de ses objectifs?
- Et quelles formes de coopération régionale décentralisée pourront être en mesure de renforcer l’axe Maroc-France dans le cadre d’une grande zone Afrique-Europe-Monde arabe à construire?
Pour répondre à ces interrogations, la coopération entre les régions du Maroc et de France doit relever au moins plusieurs défis et à leur tête celui de l’effectivité des accords. En effet, de nombreuses conventions de partenariat et de jumelage ont été paraphées mais n’ont jamais vu le début de leur mise en œuvre. Le deuxième défi est celui de l’absence d’une vision globale concertée et de politique coordonnée de coopération décentralisée.
Grand chantier d’avenir
Au Maroc comme en France, le véritable défi des nouvelles régions est de réunir les conditions qui leur permettent de s’ériger en pôles de compétitivité et d’excellence capables de produire de la richesse, promouvoir de l’emploi, notamment en faveur des jeunes ou encore renforcer l’inclusion (Ph. L'Economiste)
Chaque région, au gré des simples rencontres entre élus ou d’initiatives spontanées, décide de s’engager dans des accords de coopération, même si ceux-ci passent par l’aval du ministère de tutelle. Ce qui donne à la coopération décentralisée actuelle une nature éclatée, non coordonnée, sans pilotage institutionnel unifié et corrélativement sans cohérence d’ensemble et de convergence, avec des déperditions des ressources sans résultats probants au bout de la chaîne des accords signés. Par ailleurs, ces accords ne sont pas soumis à des procédures de suivi, d’évaluation et de contrôle des projets et programmes engagés et réalisés.
Ce qui, compte tenu des faibles impacts et de l’insuffisance des retombées sur les régions partenaires, développe auprès des populations le sentiment de frustration avec comme conséquence le doute sur l’utilité et la perte de confiance en ce genre de coopération. Pourtant, il existe un potentiel extrêmement important en matière de coopération décentralisée. Mais ce potentiel est soit sous utilisé, soit mal valorisé et beaucoup d’opportunités demeurent non encore explorées. Particulièrement à un moment où le Maroc et la France se sont engagés dans une nouvelle réforme de l’Etat et où ils ont créé de nouvelles régions et à un moment où les sociétés marocaine et française connaissent des transformations profondes, connaissent de nombreux défis et ont besoin de leurs régions pour accompagner ces transformations et relever ces défis.
Aussi, les associations des régions du Maroc et de France doivent prendre la mesure de ce grand chantier d’avenir pour développer une nouvelle génération de coopération décentralisée. Celle-ci doit être triangulaire pour être en phase avec la grande zone Europe-Afrique-Monde arabe à construire, qui sera désormais le poumon futur des économies de toute la région. Cette coopération de nouvelle génération doit prendre appui sur un axe Maroc-France fort et innovant au service du développement mutuel des collectivités territoriales d’Afrique et du Monde arabe.
Cependant, pour mieux préparer cette nouvelle phase, il apparaît nécessaire que le Maroc et la France puissent élaborer de façon partagée une prospective de la coopération décentralisée fondée sur une vision géostratégique conforme aux nouvelles réalités du monde et de la zone à laquelle appartiennent les deux pays.
Par Driss Guerraoui (professeur à l’université Mohammed V de Rabat et secrétaire général du Conseil économique social et environnemental) -
Source de l'article l’Économiste
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(*) Ce texte reprend l’intervention de l’auteur lors de la table ronde organisée sous l’égide de l’ambassade du Maroc à Paris le 16 mai 2016.
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