En vue de la MedCop22, IPEMED est partenaire du programme « Initiatives pour une alimentation responsable et durable en Méditerranée ».
L’alimentation, l’agriculture et le développement rural sont au cœur des Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en septembre 2015 par les Etats membres des Nations Unies, notamment de l’ODD 1 (pas de pauvreté), de l’ODD 2 (faim « zéro »), mais aussi de l’ODD 12 (établir des modes de consommation et de production durables).
À l’occasion de la Med Cop22, qui se déroulera à Tanger du 18 au 19 juillet 2016, le Journal Résolis, de l’association du même nom sur la recherche et l’évaluation de solutions innovantes et sociales, publiera un ouvrage collectif sur les systèmes territorialisés en Méditerranée. Jean-Louis Rastoin, professeur émérite à Montpellier SupAgro, à la Chaire UNESCO en Alimentations du monde et expert associé à l’Ipemed, nous en présente les grandes lignes.
Pourquoi l’alimentation constitue-t-elle une problématique essentielle en Méditerranée ?
Jean-Louis Rastoin : Tout d’abord, nous sommes confrontés aujourd’hui à une réelle insécurité alimentaire, qui touche tous les pays méditerranéens qui, à l’exception de la France, de l’Espagne et de la Turquie, sont déficitaires en termes de production agricole. À l’est et au sud de la Méditerranée, la dépendance atteint entre 40 et 70 % selon les pays. La facture alimentaire extérieure des pays méditerranéens s’élève à 212 milliards de dollars au nord et 75 milliards au sud.
Par ailleurs, la malnutrition engendre une explosion des problèmes de santé, avec des maladies chroniques liées telles que le diabète, l’obésité, ou encore les maladies cardiovasculaires.
De plus, les modèles de production actuels ne sont pas durables. Le manque de ressources foncières, la raréfaction des ressources en eau et les impacts du changement climatique constituent autant de facteurs qui compromettent leur pérennité.
Quelles sont les solutions face à un constat aussi alarmant ?
Jean-Louis Rastoin : L’heure est venue de trouver des solutions concrètes, qui passent par le développement de Systèmes Alimentaires Territorialisés (SAT)[1]. Les SAT sont formés d’un ensemble de filières agroalimentaires qui répondent à des critères de développement durable. Ils sont localisés dans un espace géographique de dimension régionale et coordonnés par une gouvernance territoriale. La clef de succès des SAT réside dans la notion de proximité. Il convient en effet de favoriser les circuits courts et le rapprochement, à l’échelon territorial, entre l’agriculture, l’artisanat et les industries alimentaires. Les productions agricoles doivent se diversifier en reconnectant les filières végétales, animales et forestières, selon les préceptes de l’agroécologie. Ainsi, la combinaison de légumineuses, de céréales et de forêt engendre des effets positifs au niveau de tout l’écosystème. L’agriculture familiale, constituée en filières durables, est également une solution aux problèmes de chômage et représente l’un des grands défis de la zone Méditerranée actuelle.
Quels seraient les facteurs de réussite de ces nouveaux Systèmes Alimentaires Territorialisés ?
Jean-Louis Rastoin : La compétitivité suppose de mutualiser les ressources productives, aussi bien humaines que matérielles ou immatérielles, ce que favorise l’économie sociale et solidaire. Les labels et les Indications d’Origine Protégée (IGP) constituent également un atout parce qu’ils permettent une distinction positive. Il existe aujourd’hui près de 1 500 indications géographiques au niveau de l’Europe, mais celles-ci sont encore trop peu nombreuses dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée. Il serait intéressant de créer et de promouvoir une « marque ombrelle » à l’échelle méditerranéenne, assurant la promotion des terroirs de la Méditerranée.
Enfin, l’une des clefs essentielles de succès réside dans le rétablissement de la diète alimentaire méditerranéenne, dont les bienfaits sont connus depuis l’Antiquité. Cette diète permettrait à la fois de réduire les problèmes de santé publique et de favoriser les produits destinés à la consommation locale (reconquête du marché intérieur), mais aussi à l’exportation. Elle mérite un ambitieux programme euro-méditerranéen de mobilisation des savoirs et de construction de partenariats entre acteurs publics et privés.
Source de l'article OCEMO
[1] Rastoin J.-L., 2015, Les systèmes alimentaires territorialisés : considérations théoriques et justifications empiriques, Economies et Sociétés, Série « Systèmes agroalimentaires », AG, N° 37, Isméa Les Presses, Paris
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