Jardins de paradis à l’Institut du monde arabe de Paris

À l’Institut du monde arabe, à Paris, une foisonnante exposition propose une promenade dans les jardins d’Orient d’hier et d'aujourd’hui.

Résultat de recherche d'images pour "monde arabe et Brexit,"Dans l’une des anciennes langues de la Perse, on désigne les jardins sous le terme pairi-daeza (littéralement « espace clos »), qui donnera plus tard le mot « paradis ». C’est dans ce lieu chargé de mille et une promesses que nous invite cet été l’Institut du monde arabe.

Embrassant un large territoire géographique, de l’Andalousie jusqu’aux confins de l’Inde, une exposition brosse un panorama des créations paysagères qui y fleurissent depuis l’Antiquité, à travers une profusion de miniatures, de textiles brodés et de fontaines en marqueterie de marbre, prêtés par des collectionneurs privés, des musées européens (British Library, Victoria and Albert Museum, Asiatische Kunst de Berlin…) ou américains (Metropolitan Museum of Art).

Pour comprendre cette longue histoire, il faut remonter au souverain achéménide Cyrus le Grand (vers 600-530 avant J.-C.). Fondateur de la cité de Pasargades, première capitale de l’Empire perse, il pose les bases du plan en croix (chahâr-bâgh) dont le modèle va essaimer dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Inde moghole.

Les lignes rigoureuses

Ci-contre : Khamsa nameh de Nizami pour le Prince Awrangzeb, Inde moghole, 1640-1645.Protégé des regards par de hauts murs, le vaste parc rectangulaire s’organise autour de canaux et de larges bassins, qui dessinent des lignes rigoureuses (1). Ici, l’eau est presque plus importante que le végétal. D’un point de vue symbolique, notamment : en reflétant le ciel, le miroir d’eau rappelle le pouvoir divin du souverain, qui contemple sa création depuis un pavillon, comme en témoignent de somptueuses miniatures.

Dans ces contrées arides, le prince jardinier apparaît comme « un magicien qui fait fleurir le désert », explique l’historienne Agnès Carayon, commissaire de l’exposition. Il s’appuie en réalité sur une longue tradition d’irrigation agricole et des techniques éprouvées (norias, qanats, chadouf…) que rappelle, de manière un peu austère, le début du parcours.

Délicieuse luxuriance

La suite de l’exposition offre heureusement une délicieuse luxuriance : tapis chatoyants, carreaux de céramique ornés d’oiseaux et d’arabesques végétales, tentes et caftans en soie couverts de fleurs chamarrées – afin que le souverain emporte avec lui son jardin dans ses moindres déplacements, dialoguent harmonieusement avec des tableaux d’artistes contemporains.

Car les jardins d’Orient, dont les poètes ont si souvent célébré la beauté, ne sont pas uniquement les vestiges d’un glorieux passé. Ils peuvent nous apprendre beaucoup, tant dans leur maîtrise de l’eau et des sols pauvres que dans leur habile gestion de l’espace. Dans les plantations étagées, les palmiers dattiers préservent du soleil les agrumes, qui protègent fleurs et plantes aromatiques. Un judicieux jeu d’ombre et de lumière illustré, à l’extérieur de l’IMA, par un véritable « jardin arable ».

Radha et Krishna sur un bateau<br/>Rajasthan, vers 1860<br/>Nasser D. Khalili Collection of Islamic Art (MSS 989)<br/>Copyright Nour Foundation. Courtesy of the Khalili Family Trust

Un jardin éphémère sur le parvis

Prolongement original de l’exposition, le jardin imaginé par ­Michel Péna métamorphose la sinistre dalle de béton en havre de fraîcheur. Revisitant les codes du jardin oriental, le paysagiste a composé sur 2 500 m2 un verger fleuri de cent quarante arbres et dix mille plantes vivaces.


On déambule parmi les citronniers, les néfliers et les bougainvilliers, tandis que rosiers et jasmins exhalent un doux parfum estival. Une passerelle métallique (matériau recyclable, contrairement au bois qu’il aurait fallu jeter ensuite) conduit jusqu’au belvédère qui permet d’observer la spectaculaire anamorphose végétale conçue par l’architecte François Abélanet : une étoile à huit branches flottant comme un tapis volant au-dessus du sol. Parfois difficile à discerner à l’œil nu, il suffit de la prendre en photo pour la voir se dessiner miraculeusement. Devant le succès, on murmure déjà que le jardin, installé pour cinq mois, pourrait prendre racine… (photo : Thierry Rambaud)
Cécile Jaurès

(1) Dans les jardins arabo-musulmans, quatre canaux, symbolisant les fleuves du paradis, scindent les huit parties du Coran.

« Jardins d’Orient, de l’Alhambra au Taj Mahal », jusqu’au 25 septembre à l’Institut du monde arabe. Rens. : 01.40.51.38.38

par Cécile Jaurès - Source de l'article La Croix

Aucun commentaire: