- Avec la crise, certains
pays vont revenir sur des acquis selon le Ministre de l’Industrie
- Le démantèlement asymétrique
n’a pas été mis à profit par les entreprises
Dès l’entrée en vigueur des accords de
libre échange, les déficits ont commencé à se creuser. Avec l’Union européenne
il était à 29,1 milliards de dirhams en 2006 avant de passer à
47,8 milliards en 2007 et 76,9 milliards en 2008.
Avec
Les Etats-Unis, actuellement 3 ème
fournisseur du Maroc et son 4 éme client, les
exportations sont passées de 2,25 milliards de dirhams en 2006 à 7,5
milliards en 2011
«Nos
produits ne sont pas compétitifs et nos entreprises aussi ». C’est en ces
termes qu’un haut responsable résume les problèmes dont souffre l’offre
exportable marocaine. Sur les dix dernières années, les exportations ont évolué
à un rythme annuel moyen de 7,5% contre 10,2% pour les importations. Ce qui
s’est soldé par un déficit abyssal. Les accords de libre échange signés avec
les différents pays étaient censés booster les ventes du Maroc mais là les
déficits se creusent. Sur l’année 2011, le déficit commercial issu des accords
de libre échange s’élève à 59,1 milliards de dirhams, soit 32,3% du déficit
global. Une situation qui préoccupe le gouvernement. «Nous allons évaluer les
accords qui posent problème. Avec les Etats-Unis nous sommes en train de revoir
certains points. Nous allons également renégocier des clauses avec la Turquie»,
a souligné Abdelkader Aâmara, ministre de l’Industrie, du Commerce et des
Nouvelles technologies lors de la rencontre organisée jeudi 31 janvier par la
Chambre Française du Commerce et de l’Industrie au Maroc. Le ministre a
également précisé qu’avec la crise « certains pays pourraient revenir».
Le
reproche qui revient souvent est que les entreprises n’ont pas mis à profit le
démantèlement asymétrique dont le Maroc a bénéficié : les exportations marocaines
ont ainsi profité d’un accès aux marchés en franchise de droits de douanes
depuis l’entrée en vigueur des accords (Union européenne, Turquie et
Etats-Unis). En revanche, la partie adverse a accédé au marché selon un schéma
de démantèlement tarifaire précis. Les entreprises marocaines n’ont ainsi
démarré leur mise à niveau qu’a postériori. « Nous ne sommes pas arrivés à
développer une offre compétitive ni à
l’export ni à l’import. Nous devons analyser ce qui ne fonctionne pas»,
souligne Younes Zrikem, président de la Commission Commerce extérieur à la
CGEM. Il avance aussi que la composante investissements directs étrangers ne
doit pas être occultée de l’analyse. Dans le cas de l’accord avec les
Etats-Unis par exemple, «l’un des points clés est l’accroissement des
exportations vers ce pays mais surtout attirer les investissements directs
étrangers. Et pour cela, il faut une certaine taille de marché».
Aujourd’hui,
un travail est en cours pour améliorer les exportations. Le Maroc commence
aussi à déployer le dispositif de défense commerciale. Des dispositions
antidumping sont mises en place pour le contreplaqué et seraient en cours pour
le PVC, la tôle d’acier laminé à chaud et l’insuline. « Le plus important est d’optimiser et d’améliorer la gouvernance
de ces accords. Le déficit n’est pas toujours une mauvaise chose, il peut
traduire une certaine dynamique», soutient un responsable au Commerce
extérieur. Mohamed Chafiqui, directeur des Etudes et des prévisions économiques
estime «qu’il faut faire le bon diagnostic. Nous avons une période de
croissance importante qui s’est accompagnée par un accroissement des
importations en biens d’équipement».
Pour plusieurs responsables, un effort
important peut être fourni au niveau de la partie compressible de nos importations.
Ils préconisent l’amélioration de la production quitte à accorder des
subventions mais à conditions de les lier à des objectifs. De même, le
consommateur devrait être sensibilisé à consommer marocain».
Dans le cas de l’Union européenne, qui reste
le principal client et fournisseur du Maroc, les échanges ont atteint 270,5
milliards de dirhams en 2011. Ils sont à 50,8% du total des échanges extérieurs
contre 67% en 1999. Une diversification s’est opérée au profit d’autres pays
tel que les Etats-Unis, la Turquie, l’Afrique ou encore l’Asie. N’empêche, le
solde commercial reste déficitaire atteignant 70,4 milliards de dirhams. Une
analyse des statistiques de l’Office des Changes relève que dès 2007 le déficit
a commencé à se creuser: il était à 29,1 milliards de dirhams en 2006 avant
de passer à 47,8 milliards en 2007 et 76,9 milliards en
2008. Il a augmenté de près de 164%
entre 2006 et 2008.
L’essentiel
des importations en provenance de l’Union européenne porte sur les
demi-produits, les produits finis d’équipement industriel et les produits finis
de consommation. Quant aux exportations, elles restent concentrées sur les
produits finis de consommation en particulier les vêtements confectionnés, les
articles de bonneterie et les produits finis d’équipement industriel. Entre
2000 et 2011, le taux annuel moyen des exportations vers l’Union européenne a
connu un accroissement moyen de 5% seulement. Selon le département du Commerce,
les exportateurs marocains ne sont confrontés à «aucun problème» au sein du
marché européen. En tout cas aucun recours n’a été déposé.
Avec
les Etats-Unis, l’accord est conclu en 2006. Il s’agit d’un accord sur le libre
accès aux marchés des produits agricoles, industriels et les services. Les échanges entre les deux pays ont atteint
36,5 milliards de dirhams en 2011. Les Etats-Unis sont ainsi devenus le 3 ème
fournisseur du Maroc et son 4 éme client. Les exportations sont passées de 2,25
milliards de dirhams en 2006 à 7,5 milliards en 2011. Quant aux importations,
elles sont sur des niveaux plus importants: de 9,5 milliards de DH en 2006
elles sont passées à 28,9 milliards de dh en 2011. Avec ce pays le déficit
commercial atteint 21,4 milliards de dirhams alors que le taux de couverture est en baisse. Il
s’établit à 26,1% en 2011.
Le
déséquilibre des échanges avec les Etats-Unis est à mettre sur le compte de
l’offre marocaine peu diversifiée. De plus, le tissu industriel est constitué
en majorité par les PME. «Les entreprises marocaines ont-elles les moyens de
répondre à des commandes au niveau du marché américain ? L’idéal serait de se
constituer en consortium pour appréhender ce marché», soutient un responsable
au Commerce extérieur. Aux Etats-Unis, les mesures sanitaires et
phytosanitaires sont assez contraignantes.
Avec
la Turquie, le démantèlement tarifaire s’est également opéré de manière
asymétrique. Si les produits d’origine marocaine ont pu accéder librement au
marché turc, les droits de douanes et taxes sur l’importation de produits turcs
devrons disparaître progressivement sur une période de 10 ans. Avec ce pays, le
déficit s’est également creusé. A fin 2011, les importations de Turquie se sont
établies à 9,4 milliards de dirhams contre 6,4 milliards de dh en 2010. Elles
étaient à 5,5 milliards de dirhams en 2006, date d’entrée en vigueur de
l’accord de libre échange. Ces importations portent sur les demi-produits, des
produits finis de consommation ainsi que des appareils industriels.
Quant
aux exportations, elles n’ont pas encore dépassé la barre des 3 milliards de dirhams.
Plus précisément, elles étaient à 2,7 milliards de dirhams en 2011. L’essentiel
des exportations reste concentré sur des produits comme l’acide phosphorique ou
encore des lubrifiants et les fils et câbles.
L’accord
d’Agadir qui a créé une zone de libre échange avec la Jordanie, la Tunisie et
’Egypte a du mal à «décoller» comparativement aux autres pôles régionaux. En
tout cas, le Maroc n’arrive toujours pas à tirer profit de cet accord. Depuis
2007, date de son entrée en vigueur les échanges entre le Maroc et ces pays
sont sur une croissance annuelle moyenne de 14%. Mais leur part dans le total
du commerce marocain est à 1,6% seulement en 2011. Ceci étant les exportations
à destination des pays de l’accord d’Agadir sont à 1,9 milliard de dirhams en 2011
alors que les importations sont à 6,4 milliards de dirhams. Le déficit étant de
4,5 milliards de dirhams. Avec ces pays
aussi aucune requête des opérateurs sur les difficultés à accéder au marché n’a
été déposée auprès des services du Commerce extérieur.
Par
Khadija MASMOUDI – Source de l’article L’Economiste
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