L’ambition de la septième Edition de MEDays, tenue à Tanger la semaine écoulée, était grande. La multidimensionnalité des problèmes de la planète a façonné le programme et les différentes conférences et ateliers.
L’Afrique a été au centre des débats à travers les volets sécuritaires, sanitaires et éducationnels.
L’Europe a été analysée par ses connaisseurs dans la diversité et parfois dans la contradiction.
Les enjeux de l’énergie, conflits ukrainiens et syriens, la cyberguerre ou la cybercriminalité et ses impacts économiques et politiques sont analysés par des spécialistes et discutés par un public jeune et intéressé.
Fidéliser des faiseurs d’opinions et des décideurs pour faire un pèlerinage annuel à Tanger, n’était pas une chose qu’on pouvait considérer comme réaliste il y a sept ans. Echanger sur les problèmes du monde et espérer avoir l’écoute de certains milieux qui façonnent la décision, lui font prendre forme et légitimité et donnent lieu à des situations difficiles et rarement sans effets sur l’avenir des peuples et des régions, n’étaient pas une ambition raisonnable pour la jeune équipe dirigée par Brahim Fassi El Fihri. Medays a pu traverser la phase de consolidation et son porteur, l’institut Amadeus est désormais parmi les meilleurs acteurs de la réflexion sur les problèmes économiques et politiques. Les personnalités qui tiennent à faire passer leurs messages, à cette occasion, sont de plus en plus nombreux. Les idées se confrontent dans un climat empreint de respect, de liberté et de diversité. En ouvrant la porte qui donne accès à ce lieu où l’éphémère construction du chapiteau donne aux idées une possibilité de se prolonger au-delà des espaces et du temps, on se retrouve plongés dans les problèmes du monde et dans les idéaux que certains rêveurs osent proposer à la réflexion et la contradiction.
L’ambition est toujours grande chez l’équipe de l’Institut Amadeus. Jeunes acteurs dans une scène ou les «vieux» racontent leurs expériences et livrent à un public très attentif les fruits d’une sagesse retrouvée après un passage par les voies, souvent tumultueuses, de l’exercice de la responsabilité politique. D’anciens chefs de gouvernement européens, africains ou américains, des penseurs, des ambassadeurs et de jeunes penseurs se livrent à un exercice libre et loin de la pesanteur du pouvoir.
L’Europe, un continent qui se cherche
Selon l’ancien Chef du gouvernement espagnol Zapatero. L’euro vit sous le poids d’une erreur de naissance. La monnaie unique s’est faite sans préalables et notamment, en matière de coordination des politiques européennes. La coordination dans les domaines économiques, fiscaux et monétaires n’a pas servi de plateforme de la mise au monde de l’Euro. Les pays qui avaient déployé beaucoup d’efforts pour atteindre les critères de convergence sont ceux qui peinent à sortir de la crise économique en Europe. L’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal. Les signes de reprise qui apparaissent ne peuvent entrainer qu’un espoir léger. La politique monétaire a permis à des pays comme les USA, la Grande Bretagne et le Japon de sortir de la crise, alors que l’Europe se trouve limitée par l’absence d’une politique monétaire expansive. M. Zapatero a considéré que l’union politique et économique est un facteur de force, car sans une politique énergétique et fiscale on ne peut pas conserver une place importante dans l’économie mondiale. L’ancien Chef du gouvernement espagnol a tenu à souligner que l’ancrage de l’Europe ne peut pas se faire par le seul instrument commercial. Les meilleurs moments de l’histoire de ce continent ont été ceux où la méditerranée était un lieu d’unité et de rencontre. Consolider la construction européenne nécessite l’unicité de la voix européenne. La dispersion des choix et des options ne produit que les replis identitaires et induit des dangers de recul des valeurs.
Ukraine, une nouvelle manifestation de la guerre froide ?
C’est une matinée mémorable, celle qui rassemble anciens militaires anciens diplomates, anciens responsables européens et certains actuels chercheurs autour de la question syrienne et ukrainienne. Les participants ont tenu le public par la qualité de leurs analyses et par une maitrise de l’art de la polémique à certains moments de la conférence. Non, il ne s’agit pas d’un réveil de la guerre froide mais d’une confrontation d’intérêts à l’intérieur de l’Europe. La situation en Ukraine a été considérée par le général américain Bruce Lawlor, ancien Chef d’Etat-major du homeland Security aux USA, comme un héritage de la guerre froide. La gestion de cette crise par les européens et par les américains est mauvaise. L’Europe a fermé les yeux sur la démocratie en raison du gaz russe. La compétition en Europe est une réalité et les USA et ses partenaires doivent trouver un terrain d’entente avec la Russie.
Le président de l’Institut russe des études stratégiques et l’ancien Ambassadeur des USA ont livré au public une confrontation qui a suscité certains applaudissements. Pour le russe, il n’y a pas de guerre froide, mais une confrontation entre la démocratie et le marché et qu’une grande partie du monde vit dans la désillusion globale à l’égard de la politique américaine. Les tensions ne sont plus du domaine de la bipolarité, mais ont un caractère multidimensionnel. Le conflit en Ukraine est le produit de la corruption et de l’insolvabilité d’un Etat. La solution se trouve, selon lui, dans une solution qui reflète la multipolarité du monde et non le monopole que les USA veulent imposer au monde. L’ex-ambassadeur américain a, quant à lui, considéré que Poutine n’est pas le meilleur représentant des intérêts russes. Les intérêts de la Russie sont réels en Syrie et en Ukraine et les signes envoyés par Obama ont été considérés comme une expression de faiblesse. La vraie question en Russie est celle liée à la démocratie et à la liberté.
Au-delà de voix emportées par la tristesse du moment et des analyses «trop engagées», des voix sages se sont exprimées pour remettre les choses de la conjoncture politique dans un cadre plus calme et plus profond. L’analyse objective a toujours des voix qui peuvent la porter loin des rigueurs liées à la responsabilité politique immédiate. L’Europe est dubitative à l’égard des Balkans et de la Méditerranée, a affirmé l’ancien Premier ministre belge. D’autres, ont vu que s’asseoir autour d’une table et entamer une réelle discussion pourrait s’avèrer plus utile que d’arriver au degré zéro qui a été atteint en Libye. Le cas syrien doit inciter à plus de coordination car la guerre contre le «Daech coûte plus chère » qu’une guerre conventionnelle.
La « cyber war » génère un chiffre d’affaires de 180 milliards de dollars.
Les débats qui ont eu lieu dans le cadre du panel réservé au «cyber war» ont été très intéressants. Les intérêts économiques et politiques ne sont pas des choses à livrer à la chaleur de l’amitié, fut- elle, stratégique. L’affaire Snowdon a révélé au monde entier que les USA n’ont pas de frontières quand il s’agit de veiller sur leurs intérêts stratégiques et commerciaux. La devise dans ce domaine est claire. «On fait confiance à Dieu, les autres on les contrôle». Même le téléphone portable de la fidèle amie et chancelière allemande «Angela Merkel» est suivi. Sa vie intime et son calendrier politique sont des centres d’intérêt pour les l’Agence Américaine de Sécurité. Les spécialistes qui ont contribué aux débats sur le « cyber war» ont tous affirmé que les systèmes informatiques ne sont nullement hermétiques ou imperméables. Ils ont tous des portes qui permettent la surveillance. Les USA sont, selon ces experts les détenteurs des outils d’affaiblissement des systèmes de sécurité des édifices informatiques. Surveiller les communications est à la fois légal et secret. Les câbles sous-marins sont de précieux outils d’infiltration des systèmes d’information et bien que les fonds marins donnent l’apparence d’une garantie de sécurité, les ondes arrivent à suivre les intérêts commerciaux loin des regards et des systèmes de sauvegarde.
S’il est vrai que l’après septembre 2001 a constitué un virage dans la surveillance de l’information, elle a aussi officialisé une doctrine selon laquelle «pour surveiller les méchants, il faut contrôler tout le monde». Les services de renseignements veulent contrôler le temps et pouvoir ralentir certains processus ou les accélérer. Entre temps, ils ont oublié que le terrorisme utilise les mêmes moyens et le même raisonnement. La NSA, cette institution américaine dédiée à la sécurité n’a réussi à stopper, selon les experts de ce secteur, qu’une seule affaire sur 150. On finit par écouter les amis pour s’assurer qu’ils sont toujours des amis ou pour se rendre compte qu’on n’a pas d’amis. Les grandes entreprises multinationales ont beaucoup perdu en crédibilité et en clients, en raison de leurs engagements dans des circuits de pouvoir. La méfiance s’est établie à cause de la perméabilité des entreprises. Citant le cas de Google, les panélistes ont affirmé qu’une réponse peut être proposée à l’utilisateur avant qu’il ne pose sa question.
La lumière selon Jean Louis Borloo
La lumière est un facteur de stabilité et de développement et peut générer des facteurs d’instabilité dans le monde. L’Afrique apparait, dans la carte prise par satellite, comme un continent plongé dans le noir en comparaison avec l’Europe. Ce continent doit être aidé pour développer ses énergies renouvelables et bâtir un développement durable. Sinon, la méditerranée ne peut contrer à elle seule les effets de cette situation sur la sécurité de l’Europe. Les écarts de richesses entre les deux continents sont une source d’inquiétude et une voie pour la responsabilité. Seul un grand plan d’investissement pouvant dépasser les 300 milliards d’euros peut relever le niveau d’intégration de l’Afrique dans le développement. Pour J-L Borloo, le Maroc a fait de grands pas dans le domaine de l’électrification rurale et dans le développement des énergies renouvelables. Il réussit à faire de grands pas dans la couverture des besoins de sa population dans ce domaine.
Par Driss Al Andaloussi - Source de l'article Challenge Maroc
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire