Où en est l'Union pour la Méditerranée 20 ans après la Déclaration de Barcelone des 27-28/11/1995 et 10 ans après la création de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures (FAL), fondation chargée du volet culturel de la Déclaration ? La table ronde organisée les 13-14/12/2014 à Essaouira (Maroc) fournit un bilan et des perspectives d'action et de continuité.
Il se dégage comme leçons et enseignements de six années de présidence par André Azoulay de la FAL, qui groupe 43 pays euro-méditerranéens et autant de réseaux nationaux qui comptent plus de 4 000 ONG, que la FAL a été créée, comme le souligne André Azoulay, « dans un climat de scepticisme, de fracture et de peur, avec le rêve d'une destinée commune afin que l'Union pour la Méditerranée, proclamée à Paris en juillet 2008 à l'initiative de la France, bouge ».
Sur le thème : « Le futur de la Méditerranée, 20 ans après », les intervenants dressent un état des lieux et des perspectives d'action pour l'avenir. La prochaine étape de la FAL, à partir de 2015, pourrait avoir comme devise cette recommandation de la Déclaration de Barcelone sur la nécessité d'une « valorisation accrue de la dimension sociale, culturelle et humaine ».
La table ronde est clôturée par Serge Telle qui rend hommage à André Azoulay. On y apprend notamment que Leila Chahid, Palestinienne engagée et qui a porté la Palestine dans sa chair et son cœur, a été la première à recommander l'élection d'André Azoulay à la tête de la FAL, « homme de conviction, de la parole vraie et incarnée et dont la pensée et la spiritualité sont contagieuses ».
La FAL, de 2008 à 2014, a été « un vecteur de pédagogie, d'influence, d'action, alors que les plaies sont béantes et là où les politiques se cognent à des problèmes de nature sociale, culturelle et humaine ». Il s'agissait donc, selon André Azoulay, « d'établir des passerelles, sans dialogue cosmétique et à la mode, et en vue d'une meilleure équité des deux côtés de la Méditerranée, mutilée par tout le dossier de la Palestine. Le réseau de la FAL à Gaza de 2008 à 2014 a été fort efficient. L'ensemble du travail, difficile, audacieux, non conventionnel, légitime, fait que la FAL aujourd'hui existe, est visible, lisible et surtout respectée et jouit d'une forte crédibilité. Un chemin est tracé, avec des valeurs, par plus de 4 000 organisations. À l'encontre de la Méditerranée cimetière, il s'agira dans la prochaine étape de résister contre toutes les tentations, d'anticiper au moyen des rapports périodiques de la FAL et de capitaliser, sans craindre les sujets qui fâchent, et en ouvrant des espaces de résistance contre la régression. »
La table ronde, modérée par Andreu Claret, directeur exécutif de la FAL, a groupé huit participants : André Azoulay, président de la FAL ; Antoine Messarra, membre du conseil consultatif de la FAL ; Serge Telle, ambassadeur représentant le gouvernement français au conseil d'administration de la FAL de 2008 à 2015 ; Marjon Goething, de l'Institut européen de recherche sur la coopération méditerranéenne et euro-arabe-Medea ; Mohammad Fahmi, chef du réseau marocain ; Dris Khrouz, directeur de la Bibliothèque nationale du Maroc ; Mohammad Tozy, directeur de l'École de gouvernance et d'économie de Rabat ; et Leila Ghandi, journaliste marocaine et prix journaliste Euromed.
Il a été fort utile de rappeler au cours de la table ronde la position méditerranéenne du Liban, en citant surtout Michel Chiha et ce que rapporte récemment à ce propos Alexandre Najjar dans son Dictionnaire amoureux du Liban (Plon, 2014, pp. 173-174). Michel Chiha « a vu grand » à propos « d'un concept de géohistoire qui n'a rien perdu de son actualité ». Le président Charles Hélou écrivait dans sa préface à Variations sur la Méditerranée : « L'univers méditerranéen qui est le nôtre n'est pas seulement le cœur de l'ancien monde. Il est le lieu de naissance ou de rencontre des valeurs de civilisation qui méritent de se répandre dans l'univers entier. Sur le plan de la géographie et de l'histoire, de la culture, de la politique ou même de la stratégie, il représente une unité. »
Quant à Michel Chiha, il écrit : « Jusqu'au Maghreb et jusqu'à l'Espagne, la Méditerranée appartient à tous ses enfants. Nous la revendiquons comme d'autres la revendiquent, parce qu'elle est le lien harmonieux de toutes les pensées qu'elle baigne. Elle est la mer intérieure des lettres et des arts, de la poésie et de la musique. Plus que toute autre mer, au-dessus des préjugés et des violences, elle est un signe d'équilibre et de fraternité. »
Dans un autre ouvrage, Chiha revient sur cette idée : « Notre vocation à l'universalisme commence par la Méditerranée, du temps que la Méditerranée était l'univers (...). Il n'y a plus de grandeur ni de vie possible pour les pays arabes sans ce lien essentiel. »
Au cours des six années de sa présidence concrète de la FAL, André Azoulay a toujours rappelé et martelé que la réalité de la Méditerranée d'aujourd'hui, c'est la terre meurtrie de la Palestine.
Par Antoine Messarra (Membre du Conseil constitutionnel, membre du Conseil consultatif de la FAL, chaire Unesco des religions comparées, USJ ) - Source de l'article l'Orient le Jour
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