Le 25 septembre prochain se tiendra le premier Forum Smart City Méditerranée, organisé par La Tribune à Marseille. La plus vieille cité de France, aujourd'hui métropole portuaire en pleine expansion mais à la population vieillissante, doit faire face à de nombreux défis pour demeurer une ville vivante, humaine et ouverte.
Par sa population, Marseille constitue la deuxième commune de France, avec 850 836 habitants, et la troisième agglomération, avec 1,56 millions d'habitants en 2011. Ville métropolitaine, ville portuaire, ville chargée d'histoire, Marseille est traversée, en ce début du XXIème siècle, par de nombreuses problématiques qui rendent nécessaire une réflexion globale et transversale sur son devenir urbain.
Quels enjeux pour demain ?
Métropole portuaire, Marseille partage avec toutes les Villes-Ports du monde une identité puissante et particulière. Les ports sont en effet des espaces-mondes, à la fois poumons de la vie économique d'un pays et centres névralgiques de ses relations avec le monde. Bien souvent porteurs d'une vie trépidante, ils incarnent une importante diversité, carrefours cosmopolites d'économies multiples et de mélanges en tous genres. Mais bien souvent, comme je l'ai souligné lors de l'inauguration de la XIVème Conférence Mondiale de l'Association des Villes Portuaires (AIVP), qui s'est tenue à Durban du 3 au 6 novembre 2014, on observe dans ces espaces urbains une forte dichotomie entre, d'un côté, la ville et, de l'autre, le port. Cette spécialisation donne lieu à une séparation qui se traduit par de claires ruptures et discontinuités à la fois dans l'espace et dans les pratiques.
Comme toutes les Villes-Ports, Marseille est en outre directement exposée aux conséquences du réchauffement climatique, notamment la montée du niveau des mers. Ledernier rapport du GIEC a une fois de plus sonné l'alarme sur cette menace qui pèse sur la planète et sur la nécessité de se mobiliser radicalement pour inverser la tendance.
Plus ancienne cité de France, fondée sous le nom de Massalia vers -600 ans avant J-C, Marseille est aussi une ville à la culture plusieurs fois millénaire, porteuse d'une histoire et d'un patrimoine exceptionnellement riches et divers. À ce titre, elle doit faire l'objet d'une attention toute particulière. Elle ne peut être transformée en une simple Smart Citytechnologique dénuée d'âme et de passé !
Marseille subit par ailleurs, comme toutes les villes d'Europe occidentale, un vieillissement de sa population - phénomène qui voit son intensité redoublée par sa situation sur la côte méditerranéenne, très prisée par les retraités. La ville attire donc des populations vieillissantes auxquelles elle devra, dans les décennies à venir, apporter des solutions adaptées en termes de bien-être et de santé.
L'attractivité économique de la ville, et notamment de l'axe Aix-Marseille, constitue également une problématique cruciale pour ses acteurs. Le recours aux nouvelles technologies et le développement de l'écosystème numérique local (avec, par exemple, le projet de campus numérique du futur The Camp) sont autant de leviers du dynamisme économique de la région, condition sine qua non d'une certaine qualité de vie.
Enfin, il ne faut pas négliger la composante socio-culturelle de la ville méditerranéenne. Terre d'immigration, Marseille est une ville qui se distingue par la diversité des cultures qu'elle réunit. Un brassage qui, comme on le voit de plus en plus de par le monde, peut être source de tensions, d'inégalités, voire de fractures sociales. C'est sans doute le point sur lequel il faudra faire porter le plus d'efforts dans les années à venir.
Un port en pleine mutation
Consciente de tous ces enjeux, comme le montre la tenue du prochain Forum Smart City Méditerranée dans ses murs, Marseille a déjà mis en œuvre de nombreuses actions visant à remodeler son visage et pérenniser son développement urbain. Je souhaiterais partager ici les projets qui concernent le port de Marseille, cités dans le Guide des bonnes pratiques 2015 de l'AIVP « Faire la ville avec le Port ».
Afin de désenclaver le site portuaire et de créer un lien entre la ville et le port, le Grand Port Maritime de Marseille et Euroméditerranée ont ainsi opéré, ces dix dernières années, une profonde transformation de la façade maritime de la ville. La démolition d'une passerelle autoroutière qui séparait les immeubles, notamment ceux des Docks de la Joliette, de leur façade maritime et la construction d'un tunnel ont permis la création d'un boulevard urbain paysager de 2,5 km entre le Fort Saint-Jean et la tour CMA-CGM sur la nouvelle interface ville/port : le « Boulevard du littoral », inauguré en mai 2013. Il a été désigné lauréat du MIPIM Awards 2015 en tant que "Best urban regeneration project". Ce nouvel axe de 45 m de large où piétons et cyclistes trouvent toute leur place, dessert notamment les grands équipements implantés sur ce périmètre de l'opération Euroméditerranée: le Mucem, la Villa Méditerranée, le Musée de la Fondation Regards de Provence, les Terrasses du Port et les Quais d'Arenc.
Afin d'optimiser l'espace disponible, la Ville a par ailleurs opté pour des solutions privilégiant la mixité des usages, avec le projet des Terrasses du Port par exemple, qui a vu le jour fin mai 2014. Bel exemple de mixité verticale, le complexe combine accueil et embarquement des passagers, stockage des véhicules, centre commercial et vue sur le port. Le port de Marseille assure ainsi sa fonction d'aménageur de ses espaces en s'ouvrant à la ville et à certaines activités urbaines, sans obérer ses capacités d'activités au sol.
En ce qui concerne sa politique énergétique, la Ville a par ailleurs choisi d'utiliser le potentiel que représente l'eau des bassins portuaires pour réaliser des économies d'énergie à grande échelle. Une centrale d'eau glacée va prochainement être installée dans les bassins Est du port de Marseille. Elle servira notamment à la climatisation de différents bâtiments (logements, hôtel, bureaux) du projet Euromed Center situés derrière le silo d'Arenc. Les objectifs : réduire la consommation énergétique de 40%, a consommation d'eau de 65% et les émissions de GES de 50%. Le chantier a été lancé le 30 septembre 2014 et devrait s'achever en 2016.
Enfin, un vaste projet expérimental est actuellement déployé dans le port de Marseille pour travailler à préserver et restaurer la biodiversité marine en milieu portuaire. Chiffré à 4,5 millions d'euros HT, le programme « Gestion des Infrastructures pour la Réhabilitation Ecologique du Littoral » s'étend sur cinq ans (2011-2015) et réunit des organismes de recherche (CEFREM/Université de Perpignan, l'IFREMER, ECOMERS/Université de Nice) et des partenaires industriels (Suez Environnement, EGIS Eau, SAFEGE). cette amélioration. La première phase porte sur l'implantation d'algues collées à l'aide de résine sur les digues, l'introduction de larves sauvages, l'immersion de récifs artificiels et la création de microcavités servant de protection aux poissons dans certains des ouvrages portuaires existants sur 7 km de côte artificielle du port. Elle sera suivie d'une phase de suivi sur deux ans pour évaluer l'impact de ces expérimentations.
En conclusion, Marseille doit faire face dans les années à venir aux cinq grands défis des espaces urbains du XXIème siècle (défi environnemental, économique, social, culturel et de résilience). Elle devra pour cela continuer à s'appuyer, comme elle a déjà entrepris de le faire, sur les trois leviers que sont l'intelligence urbaine, l'innovation sociale et la révolution numérique. C'est à ce prix qu'elle pourra demeurer une ville-monde ouverte aux autres.
Par Carlos Moreno - Source de l'article La Tribune
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