Méditerranée : Il y a "Interreg" à travailler ensemble

La Villa Méditerranée à Marseille vient d’accueillir les 22 et 23 juin, la réunion de lancement du programme de coopération territoriale européenne Interr MEDiterranée 2014-2020. Ce programme, dont la Région est autorité de gestion, a pour objectifs le développement du bassin méditerranéen et le renforcement de la coopération transnationale entre les régions.

Michel Vauzelle, président de la Région Paca qui est autorité de gestion
du programme Interreg MED (Photo Philippe Maillé)
Le programme Interreg MED (doté d’un budget de 265 millions d’euros alloué par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) et le fonds de l’instrument de Pré-Adhésion (IPA) de la Commission européenne) est un programme de coopération transnational dont le but est de créer une cohésion régionale européenne dans le bassin méditerranéen. Il concerne 57 régions dans 13 pays, (10 pays membres : Espagne, France, Grèce, Chypre, Italie, Malte, Portugal, Royaume-uni, Slovénie et Croatie et 3 pays candidats : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro).
Ses objectifs visent à la mise en place d’une politique de cohésion économique, sociale et territoriale entre les régions européennes. Il s’inscrit dans le prolongement du programme MED, créé en 2007, qui a financé de nombreux projets notamment dans le domaine de la gouvernance méditerranéenne et dont la Région Paca est autorité de gestion.

« Nous sommes tous méditerranéens »

C’est Michel Vauzelle, le président de Région qui ouvre les débats, rappelle que, lors de l’émergence des Printemps arabes, il avait souhaité qu’en réponse, fleurisse un Printemps européen, car « l’Europe ne pourra pas se construire en tournant le dos à la Méditerranée ». « La Méditerranée, avance-t-il,doit être forte tant sur un plan humain qu’économique. Elle représente une richesse pour le monde arabe mais aussi pour l’Europe. Elle doit peser dans les discussions, porter une position commune au plan mondial, notamment en matière d’environnement ». Et de revenir à ce propos sur les travaux de la MEDCOP21 qui viennent de se dérouler à la Villa Méditerranée. Et de lancer, une nouvelle fois : « Nous sommes tous méditerranéens. Nous avons une communauté de destin qui n’est pas toujours reconnue mais qui existe bel et bien notamment en matière de changement climatique. Et Daesh crée une autre communauté de destin face à ce terrorisme qui est une vraie insulte à l’Islam. Et enfin, Nous sommes face à ces milliers de personnes qui préfèrent prendre le risque de mourir en mer plutôt que de mourir de faim, de soif ou de vivre dans la terreur du fait de conflits. L’Europe doit avoir une autre attitude sur cette question des migrants. On doit secourir ceux qui peuvent mourir et démanteler les réseaux de trafiquants. Il faut que l’Europe porte des valeurs humanistes et arrête de donner des leçons ». 
Puis vient la présentation du projet qui, comme l’indique les documents est « mis en place dans le cadre de la stratégie UE2020 visant à faire de l’Union européenne une structure forte dont l’économie est durable et la cohésion sociale forte ».
Interr MED 2014-2020 se caractérise par des évolutions par rapport à la programmation précédente. « Le secteur privé et la société civile pourront désormais être partenaires de projets. Ces derniers se développeront en phases de 18 à 30 mois et suivront une approche "écosystémique", afin de faire travailler tous les acteurs ensemble, de façon transversale ». Pour atteindre ses objectifs, le programme entend appuyer son action sur quatre axes prioritaires : l’innovation, une économie durable, l’environnement et le renforcement de la coordination en Europe.

« Le premier principe qui doit s’imposer et celui du "fraternalisme" d’Aimé Césaire »

Younous Omarjee, 1er vice-président de la Commission du Développement Régional du Parlement européen, souligne : « Venant de la Réunion, je sais que la mer peut être porteuse de malheur, comme cela fut le cas avec la traite négrière. Mais elle est aussi porteuse de potentialités ». Et de rappeler l’importance de la Méditerranée avec ses menaces, ses potentialités. Il aborde alors la question migratoire. « Il ne faut pas croire que nous sommes là, devant une crise passagère. Ces flux vont s’amplifier et il importe de trouver des réponses communes ». Pour lui : « Le premier principe qui doit s’imposer et celui du "fraternalisme" d’Aimé Césaire. Il doit s’imposer à l’Union européenne et aux Pays méditerranéens. Le deuxième défi est celui du changement climatique. Et puis, il faut lancer une politique maritime intégrée, penser une politique océanique, portuaire, consolidée, pour tirer toutes les potentialités des mers et des océans ». Insiste sur la diversité culturelle : « La Méditerranée a un temps d’avance dans sa capacité d’offrir un champ d’expression assez large à la diversité. Mais il y a aussi des moments où l’Europe a tendance à se replier alors que les défis obligent au dialogue et à l’ouverture ».

« Le règne des 3 Ni »

Pour Jean-Claude Gayssot, vice-président du Conseil régional Languedoc-Roussillon, « les défis sont considérables, les mouvements migratoires nous obligent à agir dans l’urgence sur le plan humanitaire et il en va de même avec les mouvements terroristes. Face à cela, la seule façon efficace de réagir est de développer les potentialités existantes sur ce bassin ». Il considère : « L’Europe a été couronnée du Prix Nobel de la Paix, et c’est à juste titre car, sans elle, les risques d’affrontements auraient très grands du fait de la crise. Mais la crise est aux portes de l’Europe, en Méditerranée, en Ukraine. Une politique est menée à l’Est, il faut que l’Europe se tourne résolument vers la Méditerranée, lieu de la diversité, berceau de civilisations ».
Il affirme alors partager l’appel de Michel Vauzelle : « Il faut replacer la Méditerranée au cœur de l’agenda européen et sa politique. En ce domaine, elle ne peut se limiter à la seule logique de libre échangisme ». Et de dénoncer : « Lorsque l’on parle de politique méditerranéenne, on se retrouve sous le règne des 3 Ni : ni financements supplémentaires, ni gouvernance supplémentaire, ni structures supplémentaires... ». Dans ce cadre, il reprend des termes utilisés : co-construire, co-produire, co-création. Non sans humour, il lance, lui le membre du PCF « cela ne me déplaît pas que l’on parle de co-co... ». Face aux menaces, au repli sur soi, il juge que la macro-région peut répondre au besoin de proximité. « Il faut prendre le temps de travailler, tout en mesurant que nous sommes dans l’urgence. Et, dans tous les cas, si l’humain ne prend pas le pas sur tout le reste les lendemains, risquent d’être encore plus dangereux qu’aujourd’hui ».

« Rien ne pourra empêcher les flux lorsqu’ils sont le fruit de la faim, de la soif, de la misère, de la guerre »

Pour Patrick Allemand, vice-président de la région Paca : « La Méditerranée doit renouer avec les fils de son histoire, c’est le berceau des civilisations, c’est un espace de partage et d’échanges. La colonisation a rompu ce fil, des frontières se sont construites à la décolonisation. Et l’appel de Michel Vauzelle prend tout son sens dans cette logique de renouer des liens. Nous avons un devoir de solidarité avec la rive Sud. Et il faut bien être conscients que rien ne pourra empêcher les flux lorsqu’ils sont le fruit de la faim, de la soif, de la misère, de la guerre ». Il ne cache pas alors que la notion de macro région l’inquiète : « Car on ne sait pas qui en dessine les contours. Pour moi, les seuls qui sont habilités à le faire sont les peuples eux-mêmes. De plus, les contours peuvent être géographiques mais aussi thématiques. Il nous faut travailler sur le développement durable, développer des coopérations Nord/Sud mais aussi Sud/Sud ».
Serge Telle, président de l’Agence des Villes et Territoires Méditerranéens Durables (Avitem) et ambassadeur délégué interministériel à la Méditerranée, constate : « On peut parfois se demander ce qu’il est advenu de l’argent de l’Europe. On voit des États éclatés en Méditerranée : la Libye, la Syrie, et je suis inquiet pour le Liban demain. La démographie explose. 67% de la population libyenne a moins de 20 ans. On voit le radicalisme mais on refuse de voir le processus de sécularisation de l’Islam. On voit des économies qui explosent, +5 ou 6% mais sans création d’emplois. Il y a des sociétés en guerre dans lesquelles les minorités sont écrasées et Daesh est devenu le plus gros employeur de la région en Méditerranée. Il y a déjà eu des actions en direction de ce bassin, elles n’ont pas donné les résultats escomptés. Avec le processus de Barcelone on voulait bien que les marchandises circulent mais pas les personnes. On voulait bien que nos produits circulent mais pas les produits agricoles du Sud ». Après ce constat, il considère : « Il est toujours possible de mettre en place un partenariat à partir du moment où on se regarde comme égaux. La population arabe, dans son immense majorité, ne demande qu’à accéder aux libertés fondamentales. Il faut intégrer le monde arabe dans la mondialisation ».

Par Michel CAIRE - Source de l'article Destimed

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