Le Maroc fortement mobilisé pour réussir sa COP22 de Marrakech

Depuis qu'en décembre dernier Marrakech a été choisie pour accueillir la COP 22 en novembre prochain, les Marocains s'activent sans relâche. Pour eux, l'enjeu n'est pas seulement environnemental, il est aussi diplomatique, économique et d'image.

Réussir la COP22 est le grand défi marocain de cette année 2016. Le royaume alaouite, devenu en quelques années un maître dans l'art de la communication d'image, sait très bien que pendant deux semaines, du 7 au 18 novembre, tous les médias qui comptent dans le monde seront focalisés sur cette conférence, sur Marrakech où elle se déroulera, et, plus largement, sur le pays hôte.

Alors, les Marocains se sont mis au travail depuis belle lurette. Dès avant la COP21 de Paris et son accord « historique » du 12 décembre 2015, Hakima El Haite, la ministre déléguée chargée de l'Environnement, participait aux négociations des conférences de Varsovie (COP19, 2013) et de Lima (COP20, 2014).

Multiplication des engagements

De même, dès juin 2015, le royaume fut l'un des premiers pays à annoncer sa contribution à la lutte contre le changement climatique dans la perspective de la COP21, s'engageant à parvenir à une réduction d'au moins 13%, par rapport à 2010, de ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030.

Autres épisodes significatifs: le 20 septembre 2015, Mohammed VI et François Hollande ont signé « l'Appel de Tanger », une déclaration conjointe « pour une action solidaire et forte en faveur du climat ». De même, après le 2 décembre 2015, jour de l'annonce officielle de la tenue de la COP22 à Marrakech, la mobilisation marocaine s'est rapidement organisée : un appel d'offres a été lancé dès le 29 janvier pour l'aménagement du site de Bab Ighli, le quartier de Marrakech où se déroulera la COP22 ; un Comité de pilotage a été créé le 11 février, sous la présidence de Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires étrangères.

Les préparatifs s'accélèrent depuis mars

Côté préparatifs concrets, le projet d'aménagement du village de la COP22, qui s'étendra sur 25 hectares et qui représente un marché de 700 millions de dirhams (64 millions d'euros), a franchi une première étape le 25 mars dernier : la proposition présentée par le consortium conduit par les agences françaises GL Events et Agence Publics, associées au marocain Capital Event, a été retenue par la commission ad hoc du ministère de l'Intérieur marocain - deux autres concurrents ont été écartés, dont une société de l'homme d'affaires marocain Richard Attias, pourtant réputé pour être « le pape de l'événement » en Afrique.

En ce mois d'avril, la mobilisation marocaine s'est accélérée. Vendredi 8, Salaheddine Mezouar et Hakima El Haite se trouvaient à Paris pour y rencontrer les personnalités françaises impliquées : Ségolène Royal, ministre de l'Écologie et présidente de la COP21, et Jean-Marc Ayrault, qui a succédé à Laurent Fabius au Quai d'Orsay. Lors de la déclaration à la presse qui suivit cette réunion de coordination, le ministre marocain s'est félicité de « la bonne symbiose et la bonne synergie » entre les deux équipes, qui s'entendent parfaitement afin de « travailler ensemble » pour que la COP22 transforme l'essai réussi de la COP21, et aboutisse à des résultats concrets.

Contribution de l'Union européenne

Trois jours plus tard, le 11 avril, le Comité de pilotage de la COP22 réunissait à Rabat les partenaires techniques et financiers de la conférence, ainsi que les représentations diplomatiques accréditées au Maroc, rapporte le site huffpostmaghreb.com. À cette occasion, on apprenait que l'Union européenne allait contribuer pour 7 millions d'euros aux frais d'organisation de la conférence, qui « va coûter quelque 100 millions d'euros au Maroc », soit autant que la COP21 de Paris, selon le directeur du budget au sein du Comité de pilotage. De son côté, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) abondera à hauteur de 2 millions de dollars, tandis que la contribution du Fonds international de développement agricole (FIDA) s'élèvera à 450.000 dollars. Le Maroc, pour sa part, aurait déjà rassemblé 32 millions d'euros.

Une autre étape décisive vers la réussite de la conférence de Marrakech est attendue avec la XXIIe Med Cop (Conférence des parties méditerranéennes). Organisée à Tanger l'été prochain (18 et 19 juillet), elle rassemblera plus d'un millier d'experts et des représentants de la société civile de différents pays de la Méditerranée, et représentera un galop d'essai bien utile pour optimiser les processus d'organisation et l'intendance de la conférence de Marrakech.

Les entrepreneurs s'impliquent aussi

« Les préparatifs de la Conférence mondiale sur le climat avancent avec un échéancier et une échelle de priorités dûment respectés », avait affirmé Abdeladim Lhafi, le commissaire général de la COP22, lors de la réunion du 11 avril...

Cependant, certains observateurs se demandent si le résultat des élections législatives marocaines, programmées le 7 octobre prochain, pourrait éventuellement entraver la bonne fin des préparatifs de la COP 22, qui commencera à peine un mois plus tard, jour pour jour.

« Nous sommes désormais un État où l'alternance politique ne pose pas de réel problème. Quelle que sera la nouvelle majorité issue de ces élections, le Maroc assumera ses responsabilités internationales, c'est pour nous une certitude », nous confie un diplomate de haut rang.

Et puis, une sage précaution a été prise : la majorité des onze membres du Comité de pilotage de la COP22 sont des personnalités apolitiques, choisies ès qualités.

Le Maroc peut aussi compter sur ses entrepreneurs. Miriem Bensalah Chaqroun, présidente de la CGEM (le patronat marocain), a décrété la mobilisation de son organisation lors d'une conférence ad hoc, tenue lundi 21 mars. Considérant que l'engagement dans la lutte contre le changement climatique est aussi riche d'opportunités entrepreneuriales, ainsi qu'un levier pour l'innovation, elle a exhorté ses adhérents à l'action et a annoncé un programme d'événements s'égrenant tout au long de l'année : quatre rencontres thématiques régionales sont programmées (à Casablanca, Marrakech, Agadir et Tanger) entre mars et septembre ; la CGEM participera aux grandes rencontres internationales sur le climat.

Un enjeu économique et diplomatique

Cet engagement de la CGEM atteste, lui aussi, de l'importance pour le Maroc de l'enjeu que représente la COP22 en termes de diplomatie économique. Après avoir axé pendant une décennie ses efforts sur la consolidation de ses liens institutionnels et économiques avec l'Europe, le Maroc de Mohammed VI a, plus récemment, élargi sa vision géoéconomique, promouvant tout à la fois la coopération sud-sud en Afrique et la coproduction bilatérale ou triangulaire avec le Vieux Continent (nord-sud-sud). Le Maroc s'est ainsi placé en hub eurafricain, en « porte d'entrée royale » en Afrique, ainsi que nous avions intitulé notre supplément La Tribune Afrique, en septembre 2015.

Déjà admiré en Afrique subsaharienne pour ses avancées économiques accomplies en quelques années en bien des secteurs - ports et aéroports, industrie automobile, aéronautique, banque et assurance, énergie solaire et éolienne, première ligne TGV d'Afrique en voie d'achèvement, villes nouvelles réduisant les bidonvilles... - le Maroc a tout à gagner en réussissant « sa » COP 22 de Marrakech.

Non seulement le Royaume escompte raisonnablement que son prestige en Afrique en soit rehaussé, mais aussi, il espère engranger un surplus de considération auprès des institutions internationales. Particulièrement visée : l'ONU, dans l'attente du futur remplaçant du secrétaire général Ban Ki-moon (partant au 1er janvier 2017), ce dernier étant considéré par le Maroc hostile à la volonté du Royaume de pérenniser sa souveraineté sur ses « provinces du Sud », c'est-à-dire l'ex-Sahara occidental.

L'image féminine d'un pays moderne

Par ailleurs, ce n'est certes pas un hasard si, sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar, la future présidente de cette COP 22 de Marrakech sera Hakima El Haite, ministre déléguée chargée de l'Environnement. Titulaire d'un doctorat en Sciences de l'environnement, ministre depuis 2012, cette sémillante jeune quinquagénaire s'est impliquée depuis plus de dix ans dans la promotion des femmes et des femmes chefs d'entreprise du Maroc, ainsi que pour le développement durable.

Si cette présence féminine au plus haut niveau des responsabilités publiques n'est plus exceptionnelle au Maroc, où l'on compte à ce jour six femmes ministres, c'est bien l'image d'un pays en marche vers la modernité qu'incarnera aux yeux du monde Hakima El Haite. Sa responsabilité opérationnelle, mais aussi sociétale, sera d'autant plus immense que jamais aucune Marocaine avant elle n'a bénéficié d'une scène médiatique aussi exceptionnelle que celle de novembre prochain à Marrakech, où l'on attend des milliers de journalistes et plus de 25 000 participants venus du monde entier.

Par Alfred Mignot - Source de l'article La Tribune

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