Dimanche soir, à la salle Ahmed Bey de Constantine, beaucoup de jeunes Maliens sont venus rencontrer Tonton Salif, Papa Salif ou Salif Keita, grand invité du 14e Festival international du jazz de Constantine (Dimajazz) qui se déroule jusqu’au 25 novembre 2016.
Salif Keita, le doyen des chanteurs maliens, plaide pour la paix en Afrique au Dimajazz de Constantine |
Ils ont dansé, chanté, crié, sauté, fait la fête. Une fête africaine. Belle, complète et sincère. Sur scène, le prince mandingue, vêtu de blanc, diffusait en grandes ondes de l’ambiance et de la joie. Sinon, à quoi sert la musique ? Accompagné de ses choristes habituelles et des ses musiciens, il a interprété plusieurs titres connus comme Tu va me manquer, Kamoukié, Calculer, Folon, Nous pas bouge, Mandjou, Yamore..
Des chansons tirées de ses albums qui, au fil du temps, ont marqué les âges musicaux du chanteur malien, toujours attaché au mariage parfait entre la tradition rythmique africaine et les sonorités modernes. Des albums tels que M’bemba, Talé, Moffou, Papa, Soro et Folon ont connu le succès parce que Salif Keita, l’ambassadeur de l’Afrique, parle à son époque, dénonce les guerres et la pauvreté, célèbre l’amour et l’amitié.
Le chanteur, qui a fait ses débuts dans les années 1970 au Rail Band de Bamako et qui a bravé l’interdit imposé par la tradition familiale, a plaidé au Dimajazz de Constantine pour la paix. «Regardez ce qui se passe dans le monde. Aujourd’hui, nous n’avons pas peur de venir en Algérie, de nous promener en ville, d’aller visiter les sites touristiques. Qu’Allah vous donne sa baraka, vous protège. C’est cette paix là qui manque de plus en plus. Nous en avons besoin», a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse après le concert. «C’est un plaisir pour moi de me retrouver à Constantine. Depuis les années 1980, je viens en Algérie. A chaque fois, je suis bien reçu. Ce soir, nous nous sommes éclatés. Nous ne faisons pas ça partout. Je me sens chez moi», a-t-il confié.
Salif Keita prépare un nouvel album, dont la sortie est prévue en 2017. «Je veux rassembler des artistes africains dans cet album. Cela fait longtemps que je suis sur la scène, mais là je suis fatigué. J’ai envie de prendre un peu de repos. C’est pour cette raison que j’ai décidé de faire cet album. Il y a plein d’artistes, de talents en Afrique. La relève est assurée. Ce n’est peut-être pas la même génération, mais c’est toujours l’âme africaine», a soutenu l’artiste. Il a plaidé pour un retour aux roots et a dénoncé la volonté de «ghettoïsation» de la musique africaine à travers le label World music (musique du monde).
«Les Africains sont où ? Ne sont-ils pas dans ce monde ? Ils ne sont pas des extraterrestres. La musique africaine est tellement riche en sensibilités que ça inspire les artistes d’ailleurs. Mais ils n’ont pas tout écouté. Tout n’a pas été exploré», a souligné l’interprète de C’est bon, c’est bon. Selon lui, le Dimajazz de Constantine est une belle opportunité pour rassembler les musiciens du continent. «Le jazz a pris sa source dans la musique africaine. Quand les musiciens africains participent à des jazz band, ce n’est pas hors sujet», a-t-il dit.
Dans un autre registre musical, le Cairo Jazz Station, un groupe né depuis à peine une année en Egypte, est venu à Constantine présenter un projet où le dialogue méditerranéen se fait à travers les instruments, les notes, les mélodies, les percussions et les improvisations. C’est la rencontre de quatre musiciens : l’Egyptien Abdallah Abozekry au saz (luth), le Turc Ismail Altunbas aux percussions, le Portugais Joao Barradas à l’accordéon et l’Italien Loris Lari à la contrebasse. «Il n’est pas difficile de se rencontrer entre musiciens.
C’est d’abord une relation humaine. La musique est une langue partagée. Chacun l’exprime avec son propre langage à partir de ses référents musicaux. Deux de nos musiciens viennent du jazz et moi et le percussionniste turc représentons la tradition musicale orientale. Le jazz en tant que style ouvert est le mieux adopté pour se mêler à la musique orientale. Donc notre groupe n’est pas le résultat d’un rassemblement entre quatre musiciens, mais la rencontre entre deux côtés de la Méditerranée», a souligné Abdallah Abozekry.
Sur scène, cette rencontre artistique a été bien exprimée à travers des compositions parfumées aux fleurs de l’Orient et aux épices marines de la grande bleue. Le jazz est mélangé aux musiques traditionnelles orientales, grecques et italiennes tels que les morceaux Letter to mothers, Amal gamat, When they go, Mykérinos et Mayhimech. «Ce que nous faisons ressemble à une station à partir de laquelle nous démarrons tous ensemble mais vers des destinations différentes. Finalement, chacun vit dans son pays mais nous nous retrouvons pour travailler et pour animer des concerts. C’est pour cette raison que la composition collective est quelque peu difficile.
Nous avons donc privilégié la composition individuelle», a expliqué Abdallah Abozekry. Il n’a pas écarté la possibilité d’inviter de temps à autre un musicien, notamment du Maghreb, pour accompagner le groupe. Cairo Jazz Station travaille sur un premier album et une tournée.
Par Fayçal Métaoui - Source de l'article Elwatan
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