Leur partenaire européen en panne de croissance, les pays du Maghreb regardent désormais vers le sud, mais pas avec la même intensité.
L'Afrique, sa démographie, son possible potentiel de croissance, son décollage plus ou moins imminent, autant de graphiques qui font rêver la planète investissement depuis plus d'une décennie. « Tout pays a la politique de sa géographie », disait Napoléon. Pas si sûr. Les pays d'Afrique du Nord appliquent-ils cette maxime ? Une rapide recherche sur Google avec les mots clés « échanges commerciaux, Maghreb, Afrique » donne non pas une réponse mais la réponse : le Maroc. Au jeu de la diplomatie économique, le Maroc a pris une forte avance par rapport à ses voisins algériens et tunisiens.
Un roi conquistador
Sous la houlette de Mohamed VI, Rabat a pris l'affaire africaine très au sérieux. M6 arpente les capitales subsahariennes – plus d'une douzaine en trois ans – à pas conquérant quand son royaume n'a de cesse de mettre en place un environnement économique favorable aux échanges commerciaux, financiers, marchands. Le déroulement de l'offensive marocaine relève d'une stratégie à long terme. Premier étage de la fusée : développement des infrastructures (routes, ports, liaisons aériennes…). Second étage : développement des infrastructures techniques, banques, douanes, administration… Troisième étage : un monarque qui y consacre du temps. Ce que la jeune démocratie tunisienne, confrontée au dumping de Rabat, peine à mettre en musique. Quant à l'Algérie, l'attentisme fait figure de politique. Panorama.
L'Algérie en stand-by
Lapalissade : une économie entièrement basée sur les matières premières ne crée pas d'emplois durables. C'est ce qu'Alger apprend douloureusement avec la chute du prix du baril de pétrole. L'impossibilité quasi métaphysique de l'Opep à se mettre d'accord pour réduire la production engendre un chaos des finances publiques dépendantes à 90 % de ses hydrocarbures. Faute d'une économie tournée vers le Sud, le régime de Bouteflika laisse le champ libre à son adversaire.
La Tunisie s'éveille à l'Afrique
Depuis 2011, avènement de la démocratie, les gouvernements se succèdent à un rythme effréné. En moyenne, un tous les dix mois. Compliqué pour mettre en pratique une vision. Si vision il y a. Depuis deux ans, le pays est dirigé par la Nidaa Tounes de Béji Caïd Essebsi. Un premier chef du gouvernement, Habib Essid, a été épuisé. Le second, le quadra Youssef Chahed, prend ses marques après onze semaines de pouvoir à la Kasbah. Ses premières visites ont été pour Alger, puis Paris. Le voici au Maroc à l'occasion de la COP22. Un chef d'entreprise maugréait que « l'Afrique est sous-estimée par le pouvoir politique ». Et de lister le manque d'infrastructures, de liaisons aériennes (« pour aller à Dakar, je dois passer par Casablanca »), de private equity et tutti quanti. « Le roi fait une visite officielle au moins tous les trois mois, alors que nos dirigeants le font une fois par an, et encore à l'occasion d'un sommet de l'Union africaine. » Concentrée sur ses problèmes intérieurs, la Tunisie s'éveille peu à peu. Ouverture d'ambassades, de nouvelles escales via Tunisair, prise de conscience que la Côte d'Ivoire avec son taux de croissance à plus de 6 % (chiffre FMI) est plus attrayante que l'Europe. Le privé a besoin de l'État dans un premier temps pour vendre sa valeur ajoutée dans les services notamment.
D'un pays à un autre, la prise de conscience est de plus en plus forte que la croissance vont devoir désormais se conjuguer avec l'Afrique subsaharienne. Autrement dit, l'avenir est au développement des relations sud-sud si chères au souverain chérifien, le roi Mohammed VI du Maroc.
Par Benoît Delmas - Source de l’article Le Point Afrique
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