Pour le vice-président de l'Office de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient, qui organise la Semaine économique de Méditerranée, Marseille a tous les atouts pour continuer à rayonner à condition de sortir de sa zone de confort.
La Tribune - La semaine économique de la méditerranée fête ses 10 ans cette année. Quel est le constat qui a fait, une décennie plus tôt, que l'on a instauré cet événement à Marseille ?
Il s'agit d'un constat en trois points. Tout d'abord, il n'y avait aucune raison particulière pour que le grand port qu'est Marseille ne figure pas sur la carte géopolitique méditerranéenne. D'autant que l'on y sentait une volonté d'exister, comme à Barcelone. Une émulation naturelle. Ensuite, il y a dans la cité phocéenne des spécialistes en économie méditerranéenne. Universitaires, comme le Forum Euroméditerranéen des Instituts de Sciences économiques (Femise) ou dans les réseaux, tel Anima, la plateforme de coopération pour le développement en Méditerranée. On y trouve également des consulats, des agences de développement... La masse critique était là pour prendre une telle initiative. Enfin, si chacun de ces acteurs organisait son événement chacun de son côté, ils ne bénéficiaient pas forcément d'une audience suffisante. Il fallait prendre l'initiative du jeu collectif et concentrer toutes ces volontés. Il y a 5 ans, il a été donc fait appel à l'Ocemo pour coordonner tout ça. Notre apport a été de plusieurs ordres : nous avons notamment impulsé l'idée d'un thème directeur, ramené la manifestation à trois jours et suggéré de ne plus organiser cela sur un week-end.
En 5 ans de coordination de l'événement, comment avez-vous vu évoluer Marseille en tant que plaque tournante méditerranéenne et hub numérique ?
En termes de numérique, la transformation de Marseille est indéniable. 13 câbles sous-marins passent aujourd'hui par la ville, qui innervent 5 milliards d'individus en Europe, en Afrique et en Asie. C'est exceptionnel. Elle a véritablement une carte à jouer... Autre constat, le développement sur Marseille de tout un écosystème d'entreprises du numérique, qui totalisent à elles seules 44 000 salariés. Aujourd'hui, les data center, les essais sur les objets connectés se font à Marseille, qui cultive l'ambition d'implanter des accélérateurs de croissance. Et tout cela entraîne les acteurs économiques de la rive Sud de la Méditerranée : Tunisiens, Marocains, Libanais viennent ici. D'où l'idée d'arrimer à Marseille une véritable base régionale... Il faut dire enfin que la cité phocéenne possède une autre caractéristique pour cela. Elle peut sembler tautologique, mais n'en représente pas moins un avantage indéniable : Marseille est située en France. Pays qui dispose d'un système juridique, judiciaire totalement fiable, des tribunaux d'arbitrage, un droit reconnu. Ce n'est pas le cas partout, et c'est essentiel : les risques sont en grande partie éliminés.
En termes de prospective, comme voyez-vous évoluer Marseille dans les prochaines années ? A quels enjeux doit-elle faire face ?
L'écueil, ici, c'est que l'on ne met pas assez en avant les acteurs économiques. Or, il y a une transformation de l'économie mondiale que Marseille doit connaître. Pour ce faire, un impératif : ne pas se considérer comme des rentiers, profitant des seuls avantages que procure l'environnement naturel, la mer, le soleil, et devenir des acteurs reconnus, que l'on va pouvoir juger sur leurs mérites et leurs succès. Et peut-être qu'après cela, d'autres entreprises viendront implanter leur siège ici, à l'instar de CMA CGM. Cette attractivité retrouvée sera le verdict du succès. Encore aujourd'hui, une entreprise américaine qui veut aborder le marché africain implante son siège à Londres. Une entreprise francophone le base à Paris. Mais une initiative comme thecamp peut être considérée comme une opportunité pour ces entreprises étrangères, et cela pourrait changer la donne. Ainsi, l'enjeu est le suivant : est-ce que d'un bassin d'emplois porté majoritairement par le public (collectivités locales, SNCF, RTM, APHM... NDLR) on peut passer à un bassin d'emplois privés ? Tant que cela ne sera pas le cas, on se cantonnera à cette logique de rentier. Or, il faut remettre de l'esprit entrepreneurial à Marseille. Condition sine qua non pour une amélioration du niveau de vie. Nous avions par le passé une vivacité grâce au négoce, hérité de l'époque coloniale. On en a été coupé, contrairement à Paris et à Lyon, qui l'ont conservé. Or, le numérique, les jeunes, la coopération méditerranéenne sont des moyens de trouver ce nouvel essor.
Par Carole payrau - Source de l'article La Tribune
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