Située entre l’Afrique sèche et chaude et l’Europe tempérée, la Méditerranée est la région du monde où les effets du changement climatique sont les plus faciles à constater. L’IRD et le consortium scientifique Allenvi publie un état des lieux de la recherche sur un bassin déjà affecté par les hausses de températures.
« Le bassin méditerranéen, qui a expérimenté une grande richesse de conditions climatiques, politiques et socio-économiques depuis des millénaires, est un modèle de coévolution homme-milieu riche d’informations sur les vulnérabilités de ses anthroposystèmes, mais aussi sur ses capacités de résilience, et enfin sur ses capacités de tirer parti des contraintes environnementales ».
Ainsi, les auteurs de la somme scientifique "la Méditerranée face au changement climatique" réunis par l’IRD résument-ils "l’effet laboratoire" d’une région où les enjeux climatiques sont exacerbés. De par son passé géologique et son climat semi-aride, le bassin méditerranéen constitue une "zone-test" qui ne représente que 1,5% de la surface terrestre mais concentre l’essentiel des risques auquel fait face l’humanité. Sur l’ensemble du pourtour, se télescopent risques naturels, modification du cycle de l’eau, changements des fonctions des sols et des couvertures végétales, atteintes à la biodiversité, avec des défis politiques immenses : répartition inégale des ressources à l’intérieur des pays, fossé économique croissant entre le nord et le sud de la mer, flux migratoires massifs, croissance rapide des villes sur tous les littoraux.
La Méditerranée est devenue un cimetière pour bon nombre de migrants et de nombreux scientifiques font remarquer que le guerre civile syrienne a débuté en 2011 après plusieurs années de sécheresse.
La hausse des températures exacerbe les tensions sociales et politiques
Asséchement. L’ouvrage fait le point sur un réchauffement climatique à l’œuvre. La situation particulière de la Méditerranée fait qu’ici, la hausse des températures excède déjà les 1,5°C quand la température mondiale moyenne a cru de 0,9°C depuis le début de l’ère industrielle. Cette exacerbation régionale est due à la latitude à laquelle se trouve la mer, mais aussi au fait qu’elle est fermée et entourée de montagnes avec des zones littorales très occupées par les humains. De ce fait, les climatologues constatent déjà une augmentation de la température des eaux de surface, une diminution des précipitations, un moindre apport d’eau des fleuves à la mer, et une augmentation de l’évaporation. Tous ces phénomènes combinés amènent à un assèchement de la région avec une augmentation de la fréquence et de la durée des vagues de chaleur. D’ici la fin du siècle, les modèles climatiques prévoient donc une augmentation de la température de la mer jusque dans les couches profondes avec des changements incertains sur la salinité qui pourrait provoquer une modification des échanges d’eau avec l’Océan. La Méditerranée pourrait donc voir se modifier son rôle d’apport de chaleur et de sel dans l’Atlantique.
Ces phénomènes auront-ils un impact sur l’augmentation des phénomènes météorologiques exceptionnels type orages violents et inondations soudaines, et sécheresses prolongées? Le rapport ne statue pas sur cette question car les données manquent. Autre incertitude : l’effet de la pollution de l’air sur les régimes météorologiques. Du fait de son climat chaud et sec avec des saisons bien marquées et de la proximité du Sahara, la Méditerranée est une des régions du monde ou l’atmosphère est la plus chargée en particules fines. Quels effets ont ces poussières sur les pluies? Ces aérosols réduisent en effet le flux solaire et entravent la formation des gouttelettes de pluies. Là encore, les scientifiques tentent de définir précisément les effets physico-chimiques de ces particules sur les milieux terrestres et marins et sur la biodiversité très particulière de cette région.
L’ouvrage (en anglais et en français) fait ainsi l’état des connaissances sur tous les "compartiments" environnementaux : sols, eaux douces, végétation, érosion du littoral, biodiversité. Et il n’oublie surtout pas d’explorer les conséquences des phénomènes en cours sur les sociétés humaines. L’agriculture méditerranéenne devra changer ses pratiques. Les travaux de modélisation montrent en effet que la désertification va conquérir de nouveaux espaces y compris dans le nord du bassin. Les économies devront également s’adapter à des risques nouveaux. Les sociétés enfin, devront trouver la voie du développement pour donner un avenir aux millions de jeunes méditerranéens. En 2025, 100 millions de personnes supplémentaires vivront sur les rives de la Méditerranée (pour une population totale qui atteindra alors 530 millions d'habitants). Sur ces sujets-là aussi, les chercheurs ouvrent des pistes pour répondre aux objectifs de développement durable que viennent de se donner les Etats membres de l’ONU.
Par Loic Chauveau - Source de l'article Sciences & Avenir
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