Des experts algériens et français,
présents au Colloque international sur les énergies renouvelables et la
coopération énergétique Maghreb- Europe, organisé la semaine dernière, à
Alger, par le cabinet Emergie, ont mis en avant la «nécessité» de mettre en
place un nouveau modèle de partenariat
entre l’Europe et le Maghreb, basé sur la transition énergétique vers le
renouvelable. Ce colloque a donné lieu à des discussions fort intéressantes.
Dans
son intervention devant les participants à cette rencontre, Mourad Preure,
président d’Emergie, souligne que la transition énergétique peut être le cadre
d’un nouveau partenariat entre pays producteurs et consommateurs, que ce
partenariat garantit autant la sécurité d’approvisionnement pour les
consommateurs que la sécurité des débouchés énergétiques pour les producteurs.
Preure ajoute que le Maghreb peut, ainsi, devenir la «pile électrique» de
l’Europe tout en créant un «cercle vertueux» qui entrainerait entreprises et
universités des deux rives de la Méditerranée. «Ce nouveau type de
partenariat
permettra de remettre les entreprises européennes en position «offensive» d’une
part et de réaliser le vaste programme algérien des énergies renouvelables,
d’autre part», estime-t-il.
«Les
entreprises, algériennes et françaises dans un premier temps puis européennes,
pourraient développer et établir un leadership technologique, idéal pour la
réduction du coût du kilowatt», explique l’expert pour qui, «ce nouveau
partenariat est multidimensionnel puisqu’il ouvre des perspectives pour un
partenariat économique et que l’énergie pourrait être le «levier
d’intégration régionale».
«C’est»,
poursuit-il, «dans cet esprit et avec la densification des liens industriels et
technologiques que doit se construire la communauté euroméditerranéenne de
l’énergie». Preure a souhaité que la
visite de François Hollande à Alger donne lieu à un accord entre les deux pays
pour engager des travaux plus approfondis sur ce thème.
Dans
de récentes analyses qu’il a faites sur les perspectives des énergies
renouvelables en Algérie, Mourad Preure recommande de mettre en réseau des installations
(solaires pour notre cas) de production d’électricité et de connecter ce réseau
électrique aux réseaux européens en vue d’exporter de l’électricité. De fait, dit-il, notre système électrique va être englobé dans
un système plus global impliquant des pays voisins et sud-européens. Il peut
cependant se poser un problème de
souveraineté et de sécurité nationale, ajoute-il.
Et
d’expliquer : «Au-delà, nous ne quittons
pas le paradigme rentier puisque ici nous exportons du soleil après avoir
exporté des hydrocarbures. Je pense
qu’une telle approche est dangereuse. Néanmoins, un concept comme Desertec, par
exemple, qui ne verra pas le jour avant 2040 est intéressant à court terme, car
il ouvre la réflexion et permet de poser la question de notre place dans la
transition énergétique.
Devons-nous
être comme les vaches qui regardent passer le train ? Fournir au monde
occidental l’énergie fossile qui lui est nécessaire, en attendant qu’il passe
d’un modèle de consommation énergétique fondé à 80% sur les énergies fossiles
vers un modèle non carboné, non fossile. Vers 2050, vraisemblablement. Cela
serait dangereux pour notre économie et notre sécurité énergétique à long terme».
Pour
Preure : «Nous devons exiger (et des concepts comme Desertec ouvrent le débat)
d’être associés à la transition énergétique en obtenant que soient transférés
vers notre pays des compétences et une expertise réelles dans les
renouvelables, nos universités, nos champions nationaux et nos PME doivent
pouvoir accéder à ces technologies pour faire de notre pays un leader, demain,
dans les renouvelables. Notre expertise
dans le domaine de l’énergie ainsi que le potentiel de notre économie,
l’ensoleillement naturel de notre pays, exceptionnel, nous qualifient pour
cette ambition».
Au
niveau régional, un ensemble d’éléments justifient la nécessité de passer d’une
relation d’import-export, entre les pays de la région, à un nouveau paradigme
énergétique régional, notamment la dépendance énergétique de l’Europe qui tend
à s’accroître de 53% actuellement à 80% en 2030.
«Le
potentiel solaire du sud méditerranéen pourra jouer un rôle «majeur» dans
l’équilibre des besoins de l’Europe à long terme, face à «l’agressivité»
commerciale des Russes et Qataris», ainsi que l’explique l’expert.
Pendant
ce temps, la demande d’électricité dans les pays de la rive Sud est en train
d’augmenter «considérablement». La consommation électrique locale en Algérie, à
titre d’exemple, va doubler à l’horizon 2019, par rapport à son niveau en 2008,
selon les données de la Creg
(Commission de l’électricité et du gaz). Abdelmadjid Attar, président du bureau
d’études «Petrochem 2000» et ancien P.-DG de Sonatrach, présent également à ce
colloque, relève, lui, que la demande d’énergie progresse en Algérie de 4%,
annuellement, pour les hydrocarbures, de 8% pour les carburants et de 7% pour
le gaz.
Attar
recommande un meilleur usage des modes
de production et de consommation. Il dira : «Aucun pays au monde n’a opté pour une transition énergétique
totale vers le renouvelable, les stratégies devant être basées sur des
solutions mixtes en s’adaptant aux nouveaux besoins et changements du marché».
Une
question centrale se pose cependant, les pays européens sont-ils prêts à jouer
le jeu, à accepter de nouveaux acteurs venus du Sud, leur fournir de l’énergie
électrique ? Christian Stoffaës, directeur exécutif du Plan solaire
méditerranéen (PSM), estime que les pays européens doivent accepter les exportations
de l’électricité issue de projets intégrateurs dans le Sud.
Entre
la volonté de certains pays de l’UE et le désintéressement d’autres,
l’intégration énergétique a peu de chances d’évoluer dans la bonne direction ;
il y a toujours des projets en rade, pendant que d’autres se développent
timidement.
Par Youcef
Salami –
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