De nombreux pays arabes connaissent
depuis deux ans une vague de bouleversements profonds initiés par le "
printemps Arabe " dont les effets perdurent et dont il est prématuré de
dresser un bilan politique.
Néanmoins,
l'élan démocratique que connaît le Sud de la Méditerranée combiné aux urgences
dictées par la conjoncture fait qu'il est pertinent de s'interroger sur la
réponse à apporter aux défis économiques que doit relever la région dans son
ensemble.
Au
premier chef, la stabilité s'impose à tous comme l'élément central, un
préalable indispensable pour l'ensemble des acteurs économiques d'Afrique du
Nord et leurs partenaires internationaux. Ainsi, il est aujourd'hui clair que
les pays de la région doivent se mettre en situation d'assurer une stabilité pérenne
afin de mobiliser les investissements étrangers et les financements
internationaux nécessaires à la relance de leurs machines économiques et au
rétablissement de leurs équilibres fondamentaux. Ceci est d'autant plus crucial
que les pays ne sont pas tant appréciés de manière statique - selon une
photographie du moment - mais bien selon la dynamique qu'ils présentent, tant
au niveau politique que financier. L'enjeu pour la région est en réalité de
générer de la croissance, de lutter contre le chômage, notamment celui des
jeunes, et de répondre aux fortes attentes sociales afin de produire une
dynamique de confiance permettant aux différents pays de s'engager à nouveau
sur les chemins de l'émergence, qu'ils ambitionnaient d'emprunter avant même le
déclenchement de la crise financière internationale de 2007.
Cette
crise a contribué à dégrader
sensiblement les comptes publics de plusieurs pays de la Région et à mettre
sous tension les instruments de pilotage de l'économie qui sont à la
disposition des pouvoirs publics. L'installation de la crise dans la durée,
notamment en Europe, pèse aujourd'hui de manière " mécanique " sur la
dynamique de relance économique dans les pays du Maghreb, faisant apparaître
l'impérieuse nécessité d'imaginer des moyens complémentaires de renouer avec
une croissance soutenue.
Croissance endogène
Parmi
ceux ci, le premier d'entre eux est sans conteste le potentiel de croissance
endogène d'une Région mieux intégrée, dans lequel il conviendrait de puiser au
plus vite tant il paraît substantiel. Le choix de l'intégration économique –
qui nécessite une décision politique - pourrait ainsi se matérialiser autour
d'un " pacte de croissance transmaghrébin " qui transcenderait aussi
bien les agendas particuliers que les rivalités de voisinage, au nom d'une
ambition commune et d'un projet fédérateur : une prospérité partagée par tous
et l'instauration d'une société de confiance au Sud de la Méditerranée.
Selon
les estimations les plus pessimistes, la complémentarité des économies du
Maroc, de l'Algérie, de la Mauritanie, de la Tunisie, de la Libye mais
également de l'Egypte pourrait en effet générer près de deux points de PIB
supplémentaires par an et par pays, permettant ainsi à chacun de mieux répondre
aux aspirations des populations. Les bénéfices de cette " union sacrée
économique ", dictée par les exigences du contexte actuel, seraient en
effet déterminants pour conforter les différents processus de transition des
pays du Maghreb et garantir davantage de sérénité à leur ancrage démocratique.
Le modèle économique alternatif ainsi mis en œuvre - plus intégré et par
conséquent plus performant - qui résulterait de cette exigence forte de
solidarité régionale, consoliderait ainsi cette nécessaire stabilité. Par
extension et selon un effet ricochet immédiat, ce modèle permettrait de poser
les jalons d'une zone de prospérité partagée pour l'ensemble de la Région
euro-méditerranéenne. Les atouts compétitifs des pays du Maghreb, leur
intégration économique ainsi que la dynamique nouvelle de co-localisation
d'ailleurs soutenue par Paris, seraient autant de leviers permettant
d'atteindre une meilleure compétitivité globale en zone Euromed.
Une
initiative commune euro-méditerranéenne, porteuse d'espoir pour les deux rives
de la Méditerranée, et allant dans le sens de cet intérêt partagé, n'en devient
ainsi que plus pressante. Plus intégrée, la Région pourrait également faire
face aux défis sécuritaires et géostratégiques de son environnement et
notamment à la crise malienne qui entre aujourd'hui dans une phase cruciale. En
effet, un Maghreb plus prospère et mieux intégré impacterait conséquemment la
création de richesses dans les pays subsahariens et en favoriserait donc la
stabilité.
A
cet égard, et partant de sa proximité civilisationnelle et de ses liens
historiques avec le Sahel, le Maroc est à même d'apporter sa contribution à
l'établissement d'un climat de stabilité dans la région. Fort de ses
institutions et de ses acquis démocratiques, déclinés dans sa nouvelle Loi
Fondamentale, jouissant de sa stabilité, bénéficiant de la confiance de ses
partenaires économiques internationaux et engagé dans un processus de réformes
économiques et sociales profondes, le Maroc est à même de participer de façon
active à une intégration économique réelle du Maghreb et à faciliter une
articulation harmonieuse entre le Moyen-Orient et l'Afrique sub-saharienne,
réconciliant ainsi la capacité d'investissement des pays du Golfe avec le
potentiel de croissance du sud, selon un schéma triangulaire. Mieux intégré,
impliqué dans la résolution de la crise sahélienne, à même de servir de pont
entre l'Afrique, l'Europe et le Moyen-Orient, le Maghreb reviendrait ainsi à sa
vocation première : devenir un carrefour régional, catalyseur de richesses et
pôle de stabilité. Une partie de l'avenir du monde se jouera sur cette capacité
de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à endosser ce rôle.
Nizar
Baraka, ministre de l'économie et des finances du Royaume du Maroc
Source
de l’article Le Monde
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