Les énergies vertes prennent pied au Maghreb


Aux portes du Sahara, au sud du Maroc, la ville d'Ouarzazate s'apprête à devenir un des phares de la carte solaire mondiale : courant février doit y commencer la construction de la plus grande centrale solaire thermique à concentration, afin de mettre en opération, en 2014, une puissance de 125 mégawatts (MW). Une deuxième phase devrait rapidement être lancée, pour porter la puissance à 500 MW.
A Ain Beni Mathar, au Maroc, une centrale solaire à miroirs à concentration. Une technologie que Desertec souhaite développer dans les déserts d'Afrique du Nord.
A Ain Beni Mathar, au Maroc, une centrale solaire à miroirs à concentration.
Une technologie que Desertec souhaite développer dans les déserts d'Afrique du Nord.
Le Maroc se place ainsi en tête des pays du pourtour méditerranéen pour ce qui est du développement des énergies renouvelables. Le royaume chérifien n'entend pas s'arrêter là : son plan lancé en 2009 vise à mettre en place 2 000 MW d'énergie solaire et 2 000 MW d'énergie éolienne d'ici à 2020 : "A cette date, 42 % de la capacité de production du pays proviendra des énergies renouvelables, dont 12 % par le solaire et 12 % par l'éolien", indique-t-on à la Morrocan Agency for Solar Energy (Masen).

La démarche marocaine n'est pas isolée. L'idée de profiter de l'immense capacité solaire du désert saharien a beaucoup progressé depuis qu'elle a été lancée, en 2009, par des ingénieurs allemands réunis dans la fondation Desertec. Il s'agissait alors d'imaginer de grandes centrales solaires dans le Sahara qui expédieraient leur courant à travers des câbles sous-marins vers l'Union européenne.

Trois ans d'étude ont concrétisé le projet dans un rapport, "2050 Desert Power", publié en août 2012 par l'association des industriels réunis dans la Desertec Industrial Initiative, dont fait partie la firme française Saint-Gobain.

"Un potentiel éolien exceptionnel"
Dans cette perspective, "l'Europe importerait jusqu'à 20 % de ses besoins en électricité à partir de la région MENA [Moyen-Orient et Afrique du Nord]", indique le document. Plusieurs éléments sont venus moduler le schéma initial. D'une part, les ingénieurs se sont rendu compte de l'importance des ressources du vent, qui sera une composante essentielle de l'avenir : "La côte atlantique du Maroc et la mer Rouge, par exemple, présentent un potentiel éolien exceptionnel." Deuxième élément : le développement des énergies nouvelles devra satisfaire une demande énergétique croissante des pays concernés. Et ce développement pourra se faire en utilisant largement des compétences et des industries locales.

"Desertec est un atout de développement, estime Oliver Steinmetz, l'un des fondateurs de Desertec. A la différence de l'énergie nucléaire, presque tout dans l'énergie solaire peut être fabriqué localement."

Reste que les investissements concrets demeurent encore faibles au regard des 400 milliards d'euros jugés nécessaires sur plusieurs décennies à la réalisation du projet. "Aujourd'hui, on a prouvé que c'est faisable techniquement, dit M. Steinmetz. Le défi est de prouver que c'est faisable économiquement."

Si les pays européens restent financièrement sur la réserve, de nouveaux acteurs commencent à bousculer le jeu : les pays du golfe Persique, notamment l'Arabie saoudite, prennent le virage de l'énergie solaire. A Ryad, la King Abdullah City for Atomic and Renewable Energy (KA-CARE) espère voir approuver, début 2013, un plan de développement des énergies nouvelles de 43 000 MW en vingt ans.

Il s'agit, notamment, de réserver la production pétrolière pour l'exportation. Une première centrale solaire de 100 MW doit voir le jour à La Mecque. Et c'est un investisseur saoudien, Acwa International, qui va construire et exploiter la centrale d'Ouarzazate, au Maroc.

Instabilité politique de la Région
Le développement des énergies nouvelles devrait ainsi s'élargir à l'ensemble du bassin méditerranéen. Une clé en est aussi l'unification du réseau électrique, par l'établissement d'un anneau autour de la Méditerranée et, par ailleurs, de liaisons entre l'Afrique et l'Europe.

L'organisation MedGrid, créée en 2011 par des compagnies d'électricité des deux côtés de la mer en est un agent essentiel. Elle a pour but d'élaborer un schéma directeur du réseau électrique entre l'Europe et le sud de la Méditerranée, à l'horizon 2020-2030.

Les premières études montrent que "la rentabilité du transport d'énergie est pour l'instant liée aux exportations du Nord vers le Sud" selon André Merlin, son président : "Si les connexions existent, on pourra aussi les utiliser pour exporter dans l'autre sens." Reste, là aussi, à trouver les financements : une liaison de 400 km d'une capacité de transport de 1 000 MW revient à un milliard d'euros.

L'instabilité politique de la région est un frein aux investissements, les énergies renouvelables demeurant pour l'instant encore plus coûteuses que les moyens traditionnels. Ce n'est pas tant la situation au Mali qui est gênante, que ce qui se passe en Syrie ou en Egypte et qui empêche une action méditerranéenne commune.

Mais le caractère de plus en plus réaliste du développement solaire dans le Sahara donne des idées nouvelles : "On peut imaginer de grandes centrales solaires au Mali pour alimenter Lagos, au Nigeria, dit Cedric Philibert, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. L'Azawad pourrait être l'Arabie saoudite de l'Afrique tropicale, qui manque d'électricité."
Par Hervé Kempf – Source de l’article Le Monde

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