Le transport aérien, nouvelle frontière du développement de la Turquie


La Turquie a fait du transport aérien une priorité en annonçant la construction du plus grand aéroport du monde à Istanbul et en soutenant à bout de bras la croissance de Turkish Airlines, avec l’ambition de faire du ciel un instrument de ses ambitions sur la scène internationale.

Officiellement lancé la semaine dernière, le projet du troisième aéroport stambouliote est à la mesure des prétentions turques. Six pistes, 7 milliards d’euros de travaux et 150 millions de passagers par an. De quoi détrôner largement le numéro un actuel Atlanta (États-Unis) et ses 90 millions de passagers annuels. « La construction de ce géant (...) est un message clair adressé aux compagnies aériennes qui leur demande de continuer à se développer », estime un analyste du secteur, Emre Akcakmak, de la firme East Capital.

Turkish Airlines (THY) a déjà prévu d’en faire à partir de 2016 le nouveau moteur de l’insolente santé qu’elle affiche depuis plusieurs années, sur un marché pourtant ralenti par la crise et livré à une concurrence acharnée. Élue à deux reprises meilleure compagnie européenne de l’année, THY a enregistré en 2012 une nouvelle hausse de 20 % de sa fréquentation, à près de 39 millions de passagers transportés, et espère cette année atteindre la barre des 46 millions pour une prévision de chiffre d’affaires de 9,7 milliards de dollars. Dans le même temps, ses grandes rivales européennes ont dû se contenter en 2012 de progressions plus mesurées : +2,4 % pour Lufthansa (130 millions de passagers) et +1,2 % pour Air France-KLM (77 millions). Et Turkish Airlines n’entend pas ralentir sa croissance au cours des prochaines années. La compagnie turque doit annoncer prochainement une commande géante de 150 appareils qui ferait passer sa flotte composée d’Airbus et de Boeing à 350 appareils, l’une des dix plus importantes au monde.

Avantage géographique
Cette armada doit lui permettre de desservir 300 destinations en 2020 à partir de son nouveau « hub » Istanbul, situé au carrefour de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient, et à portée d’aile de l’Afrique. « Nous utilisons superbement une géographie idéale, qui nous permet de relier la plupart de nos destinations avec des avions monocouloirs très rentables », plastronne le PDG de THY, Temel Kotil. « Turkish Airlines peut desservir près de 40 pays en à peine trois à quatre heures, elle conservera toujours cet avantage sur ses rivales occidentales », confirme le journaliste spécialisé Guntay Simsek, du quotidien Haberturk, « mais elle sera confrontée à une concurrence plus âpre sur le marché oriental, notamment celle d’Emirates et d’Etihad ». Ces dernières années, Emirates Airlines a profité de la position idéale de Dubaï pour se tailler un morceau de choix dans le trafic entre l’Europe et l’Asie. Qatar Airways et Etihad, basé à Abou Dhabi, lui ont emboîté le pas avec le même appétit.
Dans la lutte qui s’annonce, Turkish Airlines dispose d’une autre arme que son avantage géographique. Le soutien sans faille d’un pouvoir politique déterminé à entrer dans le club des dix économies les plus riches du monde.
En plus du projet d’aéroport géant à Istanbul, le gouvernement, qui détient 49 % du capital de THY, a récemment réduit les taxes sur les billets d’avion et le carburant. Il a également tenté, sans succès, de limiter le droit de grève dans le secteur aérien. « Comme il considère Turkish Airlines comme une entreprise stratégique, le gouvernement l’aide d’une façon telle qu’elle serait impossible si la Turquie était membre de l’Union européenne, accuse un diplomate occidental. Nos entreprises ne combattent pas à armes égales. »
Même largement soutenue par les pouvoirs publics, la course effrénée à la croissance menée par THY peut être dangereuse, nuancent les spécialistes, qui agitent le risque d’une baisse de rentabilité. « Se fixer des objectifs trop ambitieux est une chance mais aussi un danger, estime l’expert Kurt Hofmann. Mais THY peut y arriver. »
Source de l’article AFP & l’Orient le Jour

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