"Les pays du sud attendent beaucoup plus de l'Europe, leur premier partenaire"


Après trois ans de recherches et d'analyses, le projet Medpro vient de s'achever par une conférence finale à Bruxelles le 26 février 2013 présentant quatre scénarios pour les relations euroméditerranéennes en 2030. Rym Ayadi, sa présidente, se confie en exclusivité à Econostrum.info.

Econostrum.info : Medpro arrive à la fin de son programme. En quoi consistaient vos travaux ? Et pour quels résultats ?

Rym Ayadi, présidente de Medpro (photo F.Dubessy)Rym Ayadi : Nous avons commencé avec une analyse des scénarios possibles dans le partenariat euroméditerranéen d'ici les vingt prochaines années donc à l'horizon 2030.
Notre approche se voulait qualitative et quantitative pour pouvoir intégrer tous les paramètres de la richesse des nations. Les résultats montrent clairement qu'avec une meilleure coopération des pays du sud de la Méditerranée avec l'Europe, nous observons une augmentation de la valeur par rapport au scénario de référence (ndlr : l'actuel) qui va vraiment au-delà des 4 ou 5% de croissance observée pendant les dix dernières années. Il existe vraiment un potentiel de croissance de la valeur de plus de 18% par rapport au scénario de référence.

Vous prévoyez quatre scénarios pour la Méditerranée en 2030, dont deux mèneraient à l'échec. Vers quel scénario penchez-vous ? Rationnellement bien sûr !
R.A. : Je dirais qu'aujourd'hui avec les transitions démocratiques au sud de la Méditerranée, nous nous situons plutôt vers le scénario pessimiste que j'appelle le scénario de menace et de conflit. Ceci s'explique, simplement, par les transitions politiques actuelles qui ne font que débuter, mais aussi par les conflits qui se consolident. Comme il n'existe pas de solutions faciles, petit à petit la région perd le potentiel de création de la valeur qui pourrait être mis en évidence dans d'autres scénarios.
Maintenant, il faut observer aussi les autres scénarios que j'appellerais la transition verte et la transition bleue. Ils reposent sur une croissance soutenable : l'un dans l'hypothèse d'une intégration totale avec l'Europe, donc au-delà du partenariat existant aujourd'hui et par définition plus durable, l'autre, le bleu, avec une transition conduisant les pays du sud de la Méditerranée à devenir une entité à part qui négocierait des accords multilatéraux avec l'Europe.
Il s'agit bien entendu de scénarios s'appuyant sur une perspective 2030. Mais, je crois qu'aujourd'hui nous ne disposons pas des recettes pour aller vers des transitions durables.

Traiter l'immigration comme une opportunité plutôt qu'une menace

Que manque-t-il aux relations entre les pays du nord de la Méditerranée et ceux du sud pour évoluer d'une coopération à un partenariat voire à une intégration ?
R.A. : D'abord, il manque beaucoup de choses au niveau des pays du sud de la Méditerranée eux-mêmes. Des réformes économiques, sociaux économiques, sur le plan énergétique, sur le plan environnemental etc... Cet effort a vraiment débuté, mais il reste confiné à la politique fiscale, le macro-économique. Ces pays ne sont pas allés au-delà pour comprendre vraiment quels sont les moteurs de la croissance, quels sont les moteurs du développement;
Les gouvernements n'étaient pas démocrates et ne cherchaient qu'à renforcer leurs intérêts personnels. Ces pays espéraient beaucoup de l'Europe avec le processus de Barcelone. L’Europe a agi, mais pas assez.
Aujourd'hui, avec les révolutions, ces pays attendent beaucoup plus de leur premier partenaire. L’Europe reste pointée dans ses faiblesses institutionnelles qui ne rendent pas la tâche facile. Prenons par exemple l'immigration. Elle se traite toujours comme une politique sécuritaire avec le renforcement des frontières. Il faudrait réfléchir sur l'immigration en terme d'opportunité au lieu d'en parler uniquement sous l'angle de la menace.

Medpro continue

Que va-t-il advenir des préconisations de Medpro ?
R.A. : Nous allons essayer de pousser vers les transitions soutenables en faisant des matrices avec des réformes par pays. Nous disposons désormais de résultats qui peuvent être utilisés par tous les pays de la Méditerranée, nos groupes de travail vont continuer à travailler en collaboration étroite avec les gouvernements du sud de la Méditerranée et l'Union européenne.

Nous envisageons même d'approfondir nos analyses. Il existe sur des thèmes comme la recherche et développement, la coopération dans les sciences, une volonté européenne, ou plus précisément une volonté de quelques pays européens, d'aller plus loin.

La coopération dans ces domaines demeure très importante. Nous voulons aussi continuer à travailler sur les sujets déjà traités. Le faire par pays, par région et par sous-région pour essayer vraiment d'aller vers cette transition verte ou bleue.

Donc le projet Medpro est terminé, mais Medpro continue...
R.A. : Tout à fait !
Ce travail ne se conçoit que dans la durée. Après une analyse sur trois ans, nous n'allons tout de même pas dire que tout est terminé !
Nous avons mis en place l'association euroméditerranéenne des économistes pour jouer vraiment ce lien entre la recherche déjà effectuée et les décideurs politiques. Nous voulons que cette base serve à des actions pragmatiques. Et aider ces pays à atteindre une transition soutenable.

Pensez-vous qu'un jour un espace UE/Med s'imposera entre le bloc américain et le blog asiatique ?
R.A. : Nous espérons ce que nous appelons une Union euroméditerranéenne. Grâce à cela, je pense que l'Europe ne perdra pas son poids mondial. Elle gardera sa deuxième position d'ici 2030.
Propos recueillis par Frédéric Dubessy, à BRUXELLES
Source de l’article Econostruminfo

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