Le colloque euro-méditerranéen des récifs artificiels s’est déroulé à Marseille du 5 au 8 février 2013 (accédez au site web du colloque). L’évènement a réuni quelques 230 participants de 17 nationalités différentes .
Si les récifs artificiels (RA) ne concernent pas toutes les Aires Marines Protégées (AMP), les questions qu’ils suscitent recoupent largement les domaines de préoccupation des gestionnaires d’AMP. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que MedPAN a pris part à cette réunion. En attendant les conclusions et les actes du colloque, nous en présentons ici un compte rendu très partiel, centré sur quelques points faisant lien de façon explicite avec les AMP.
Les thématiques abordées étaient les suivantes :
- Les récifs artificiels dans la gestion intégrée du littoral ;
- Récifs de loisir et épaves ;
- Animation autour des sites de récifs artificiels ;
- La gestion des sites de récifs artificiels.
Vue d'ensemble des récifs artificiels dans les AMP de Méditerranée.
Ce colloque fût l’occasion pour MedPAN de faire un premier point de la situation des récifs artificiels dans les AMP de Méditerranée. Cette vue d'ensemble présentée par Marianne Lang repose sur des données recueillies au moyen d’un questionnaire, dont le principal objectif était de recenser les récifs artificiels immergés au sein ou aux abords des AMP.
Les résultats de cette étude sont établis sur les réponses de 36 gestionnaires d’espaces protégés marins et côtiers en Méditerranée. Les tendances qu’ils reflètent mériteront donc d’être confirmées sur une base plus large. Nous engageons d’ailleurs les gestionnaires d’AMP qui ne l’ont pas encore fait, à prendre quelques minutes pour répondre à ce questionnaire.
Une moitié des sites interrogés sont concernés par les RA, l’autre moitié pas (les principales raisons invoquées étant alors l’insuffisance de moyens financiers pour leur mise en place, le manque de connaissance et de moyens techniques, et la présence de récifs naturels).
Si l’on s’en tient aux AMP concernées par les récifs artificiels (situées pour l’essentiel dans l’UE), il ressort de cette première étude, que l’immersion de RA dans les AMP s’inscrit en général dans le cadre de projet multi-acteurs, associant le plus souvent pêcheurs et collectivités territoriales.
L’étude montre qu’une majorité (56%) des gestionnaires d’AMP concernés, ont pu constater des changements consécutifs à l’immersion des récifs, à la fois sur l’environnement et sur les comportements des usagers : ils soulignent notamment un « effet récif » similaire à « l’effet réserve », l’efficacité des récifs anti-chalutage, et la contribution des RA à la gestion des ressources marines au profit des pêcheurs en zone périphérique.
Ces dernières observations et les résultats de l’enquête conduite par MedPAN sur les RA dans les AMP en Méditerranée sont étayés par les retours d’expériences qui ont circulé lors du colloque. Il y fût en effet souvent question d’Aires Marines Protégées, sous l’angle de problématiques de gestion, ou encore pour souligner la complémentarité des AMP et des RA dans une politique de gestion intégrée des zones côtières.
RA et AMP : des outils complémentaires pour une gestion intégrée des zones côtières.
Un projet de récifs artificiels peut répondre à plusieurs objectifs d’ordre environnementaux et socio-économiques . Historiquement pourtant, les RA ont souvent été immergés dans un but spécifique. En Méditerranée, les récifs artificiels sont fréquemment immergés à des fins halieutiques, à l’initiative des pêcheurs professionnels.
C’est ce dont témoigne Naoufel Haddad, le Président fondateur de l'Association Tunisienne pour le développement de la Pêche Artisanale (ATDEPA), dans son article Les Récifs artificiels : refuge des pêcheurs artisans en Tunisie.
Autre rive, autre histoire, les programmes d’aménagement de récifs de production et de protection engagés à partir de 1985 sur la Côte Bleue à côté de Marseille, ont aussi comme vocation première de renforcer la dynamique d’un territoire marqué par une pêche artisanale active. Sur la Côte Bleue comme dans le Golfe de Gabès en Tunisie, les récifs artificiels ont permis de réorganiser le territoire de pêche, en éloignant les chalutiers vers le large pour une meilleure utilisation de la bande côtière par les « petits métiers » (arts dormants, plus sélectifs et moins agressifs vis-à-vis des ressources que les arts trainants).
Reconnus pour leurs résultats halieutiques et écologiques, les RA sont acceptés et maîtrisés par les pêcheurs et suscitent l’intérêt d’autres acteurs (pêche récréative, plongée, éducation à l’environnement, recherche…). Ils agissent selon Eric Charbonnel, responsable scientifique du Parc Marin de la Côte Bleue, comme de véritables « catalyseurs d’énergies » permettant une dynamique bottom-up pour développer des règles communes.
Les RA peuvent être ainsi considérés à la fois comme de bons outils de préservation de l’environnement, de développement durable, et de dialogue, complémentaires des AMP pour une gestion intégrée des zones côtières.
Problématiques de gestion des sites de récifs artificiels.
Les participants des ateliers consacrés à l’animation et à la gestion des sites de récifs artificiels ont tous insisté sur la nécessité d’une gestion co-construite et co-responsable associant tous les acteurs dans la durée, et guidée par des objectifs précis (plan de gestion).
Ils ont également fait le constat de l’absence ou des insuffisances de gestion, notamment en ce qui concerne les RA situés en dehors des Aires Marines Protégées. Ceux-ci ne bénéficient en effet pas la plupart du temps d’un organisme de gestion dédié ni de moyens pérennes. Comme solutions possibles pour pallier cette carence de gestion et de moyens, les participants ont évoqué la création de conventions de partenariat avec les pêcheurs professionnels et les plongeurs pour ce qui concerne la surveillance, ou encore la mise en place de taxes directes ou indirectes comme sources de financement. Enfin, à l’instar de la démarche engagée sur la baie du Prado à Marseille, il a été recommandé que les aspects communication, sensibilisation et éducation soient pris en compte sur l’ensemble du cycle de vie de chaque projet de RA.
Au-delà de ces pistes, les participants ont particulièrement insisté sur la nécessité d’une gestion large et intégrée, à une échelle plus large que celle des seuls RA : localement, la création de sites Natura 2000 en mer ou la mise en œuvre de contrats de baies offrent des contextes favorables au passage à une gestion globale, intégrée à l’échelle du territoire. Cette vision peut être relayée à l’échelon national par des documents cadres, à l’instar en France du récent Document stratégique pour l'implantation des récifs artificiels.
Les RA peuvent aussi légitimement trouver leur place dans le dispositif de gestion d’une Aire Marine Protégée, à la condition expresse que le projet RA s’inscrive bien dans les objectifs de l’AMP : « Les AMP sont un moyen de travailler sur l’érosion de la biodiversité, les récifs artificiels en sont un autre. Lorsque les récifs artificiels se situent dans une AMP, l'enjeu est alors la gestion de ces récifs dans le cadre d’une politique intégrée à celle de l’AMP. Il importe en effet d’éviter la déconnexion : les récifs artificiels peuvent jouer un rôle dans les AMP mais doivent être pour cela gérés en cohérence avec la politique de l’AMP »(Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur de la gestion du milieu marin de la ville d’Agde, gestionnaire de l'Aire Marine Protégée des Posidonies du Cap d'Agde, France).
Source de l'article MedPan
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