L'avis de l'avocat général de la CJUE en faveur du rétablissement de l'accord agricole avec l'UE présage une victoire économique au goût politique amer pour le Maroc.
Tout est parti de la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le tribunal de première instance de la Cour de justice de l'Union européenne avait décidé d'annuler les mesures de libéralisation réciproque prévues par les accords agricoles entre le Maroc et l'Union européenne. Pour rappel, c'était sur injonction du Front Polisario, qui revendique l'indépendance de l'ex-Sahara occidental. Pour le tribunal, ces accords ne pouvaient pas s'appliquer aux produits agricoles et halieutiques en provenance du Sahara, considéré par Rabat comme partie intégrante du royaume chérifien sous le vocable des « Provinces du Sud ».
Réagissant à cette décision qui avait provoqué l'indignation du Maroc, lequel avait menacé de rompre ses relations diplomatiques avec l'UE, le Conseil de l'Union européenne avait introduit en février un pourvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour réclamer l'annulation de la décision. Cet appel a été examiné le jeudi 19 juillet par la grande chambre de la Cour de justice de l'Union européenne, et ce 13 septembre, l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, dont l'avis est préalablement requis, a rendu publique sa vision.
L'avocat général veut un rétablissement de l'accord...
Dans ses conclusions, l'avocat général a recommandé l'annulation de l'arrêt contesté du tribunal de l'Union européenne du 10 décembre 2015. Par conséquent, c'est le rétablissement de l'accord agricole dans son intégralité qu'il demande. Il s'agit-là d'une décision dont le Maroc ne peut que se féliciter, et ce, d'autant qu'au surplus, l'avocat général a estimé que le recours en annulation du Polisario était irrecevable aux motifs que le Polisario n'avait aucune qualité ou légitimité pour représenter les intérêts économiques de la population. Très exactement, l'Avocat général a dit : « Le Front Polisario n'est reconnu par la communauté internationale que comme le représentant du peuple du Sahara occidental dans le processus politique destiné à résoudre la question de l'autodétermination du peuple de ce territoire et non comme ayant vocation à défendre les intérêts commerciaux de ce peuple ». Cela dit, il a poussé son argumentation plus loin et là, ce n'est plus du Polisario dont il est question mais du Sahara.
… mais ses arguments portent atteinte à l'intégrité territoriale marocaine
Dans ses conclusions, l'avocat général considère que « le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le tribunal, ni l'accord d'association UE-Maroc ni l'accord de libéralisation ne lui sont applicables ». Selon le communiqué de la Cour de justice de l'Union européenne, l'avocat général a ajouté : « Le Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l'ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent de sa résolution portant sur l'exercice du droit à l'autodétermination par les peuples coloniaux. » Avant de souligner que « l'Union (européenne) et ses États membres n'ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté ».
Sentiments mitigés pour le Maroc
Au regard du fait que l'avis de l'avocat général est souvent suivi par les magistrats, il y a lieu de penser que sa recommandation que l'accord agricole Maroc-Union européenne soit rétabli dans son intégralité sera suivie alors que les magistrats de la CJUE ont deux mois pour se prononcer. Sur le plan économique, c'est une victoire du Maroc dont tous les produits peuvent bénéficier des accords. Sur le plan politique, c'est plus compliqué pour le royaume chérifien malgré le soutien de cinq États européens à savoir la France, l'Espagne, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne. Derrière la position de ni-ni de l'avocat général convoquant, pour rétablir l'accord agricole, l'historique européen et onusien par rapport à cet espace saharien jadis occupé par l'Espagne, il y a toute l'acuité d'une crise qui dure depuis trois décennies.
Par Malick Diawara - Source de l'article Le Point Afrique
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