Bilan critique des usages des TIC à partir de l'expérience
tunisienne
Lille, Faculté de Droit, les 20 et 21 décembre 2012 - Amphithéâtre
René Cassin
Les révolutions, tunisienne et égyptienne, de janvier
2011 ont été l’occasion d’une mise sous les feux de l’actualité des réseaux
sociaux et de leurs usagers. Instruments de communication privilégiés d’une
génération familiarisée à l’informatique, ils ont été des moyens
particulièrement efficaces de contournement des censures de l’information et des
rassemblements sur l’avenue Bourguiba ou de la place Al Tahrir.
Le 13 janvier
2011, en Tunisie, il y avait 1,5 million de personnes connectées simultanément à
Facebook dans un pays de 11 millions d’habitants. En Egypte, l’appel à
manifester le 25 janvier 2011 lancé sur Facebook par le site « a été vu par
plus de 500 000 personnes. On a, également, en mémoire les blogs de Lina Ben
Mhenni, Sarah Ben Hamadi, Selim Kharrat en Tunisie, l’image particulièrement
médiatisée en Egypte d’Aliaa Madga El Mahdi sur son blog, de Wael Ghonim et son
ouvrage intitulé « Révolution Web 2.0 ».
Pour autant la révolution Web 2.0 a-t-elle véritablement
eu lieu ? Sans doute peut-on évoquer ici les noms de nombreux blogueurs,
cyberdissidents, twitteurs, utilisateurs de smartphones et autres adeptes de
Facebook, représentants d’une génération qui a joué un rôle déterminant dans la
mise en œuvre du processus révolutionnaire ; mais ont-ils été autre chose que
des catalyseurs d’un événement dont les causes sont plus profondes et
anciennes ?
Les mobilisations matérialisées à travers l’utilisation
des réseaux numériques produisent-elles de nouvelles pratiques de
politisations ? Représentent-elles des mécanismes d’adaptation de pratiques de
participation politiques plus traditionnelles déployées via de nouveaux outils ?
Au-delà de l’expression d’une classe générationnelle, s’agit-il d’une réelle
transformation des objectifs institutionnels, d’une refondation des pouvoirs et
d’une mutation des normes fondamentales ?
Le résultat des élections constituantes, législatives,
présidentielles, qui a traduit un retour des des rapports de forces classiques
entre conservateurs, modernistes, traditionalistes, religieux, et, dans chaque
obédience, entre extrémistes et modérés, a brutalement révélé l’absence de cette
« e-génération » ou « génération-Y », ces « digital natives »,
« cyberdissidents » voire « geek révolutionnaires », dont les médias occidentaux
avaient tant souligné la présence.
La confrontation entre ces mouvements de révoltes et les
résultats électoraux laisse entrevoir une situation plus complexe : il n’est pas
si évident que les mobilisations numériques (droit à l’expression, volonté d’une
reconnaissance formelle de l’état radical des inégalités sociales et
impossibilités des promotions individuelles) aient produit des changements
significatifs dans la promotion de projets politiques alternatifs. Les victoires
électorales des partis « religieux » mettent en évidence le souci de promouvoir
une certaine conception de l’ordre politique (division sexuelle des tâches
politiques et domestiques, hiérarchisation des projets politiques autour des
questions économiques et morales, etc.).
Par conséquent, les animateurs web de ces révolutions,
n’ont-ils été que les « idiots utiles » d’une révolution manipulée par d’autres
plus au contact d’une réalité qui leur échappait ? Y a-t-il eu substitution des
enjeux ? A-t-elle été confisquée ? Que reste-t-il de cette « e-révolution » et
que sont devenus ceux qui ont eu le courage de s’y lancer ?
C’est pour questionner ces situations historiques, qui
pourront être plus tard considérées comme des prodromes ou de simples
épiphénomènes, que ce colloque a été organisé. Son objet ne peut être encore de
prétendre à l’explication. Il importe pour autant de tenter d’en dissiper
certaines zones d’ombre, d’en définir le véritable contour et d’essayer, en
croisant les points de vue, les angles et les genres, de saisir un évènement
dont la projection dans le futur peut être polymorphe. Plusieurs questionnements
devront ainsi être formulés sous l’angle du droit, de la science politique, de
la sociologie, des sciences de la communication, de l’éthique, mais aussi des
technologies de l’information et de la communication
Plus d'information sur le programme du Colloque et Source
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