Maroc, l’assainissement
des comptes publics urgent
L’acceptation du modèle
marocain sur le continent passe par là
Le mouvement de liberté à l’origine des
révolutions arabes n’a pas jusqu’ici donné les résultats escomptés. Au
contraire, il a apporté pas mal de problèmes en Tunisie, en Libye ou encore en
Egypte. «Il s’agit aujourd’hui d’aider ces pays à ne pas sombrer dans le
chaos», relève Dominique Strauss-Kahn, ancien directeur général du FMI, lors de
son intervention au Forum de Paris.
Il
reste que la situation dans les pays de la région érige le modèle marocain en
exemple. «Il faut arriver à sortir de l’esprit des Occidentaux que les partis
religieux retirent obligatoirement un pays de l’ensemble démocratique», fait
savoir l’ex-patron du FMI. Beaucoup de pays musulmans pourrait s’inspirer du
Maroc. Mais, pour qu’il soit décisif, illustratif, un véritable modèle, il faut
que le Royaume réussisse économiquement. En attendant que l’union maghrébine se
concrétise un jour, le pays aurait tout intérêt à renforcer davantage sa
coopération avec les autres pays du continent. «Il y a un rôle considérable que
le Maroc peut jouer et qui peut se dérouler plus facilement et plus
efficacement. Seulement, il doit être exemplaire», avance Dominique
Strauss-Kahn. «Si le Maroc veut qu’une partie du continent accepte une
collaboration positive avec lui, il doit faire envie», explique Strauss-Kahn.
Or, ce n’est pas à proprement dit le cas aujourd’hui. Les efforts de
compétitivité sont immenses. Dans le secteur financier, «la transformation de
Casablanca en hub financier régional suppose la modernisation du marché, une
amélioration de la compétitivité et que la liquidité de l’économie marocaine se
retrouve». Cela revient à effectuer d’importants efforts au niveau budgétaire.
Et la dégradation du déficit budgétaire attendu pour 2012 (lire également Page
14), après les 6,2% enregistrés l’année précédente montre bien l’étendu du
travail à faire. «L’on peut difficilement faire du Maroc un pôle attractif pour
les pays subsahariens sans que lui-même ne fasse suffisamment le ménage en
matière budgétaire».
Et,
il y a urgence estime l’ancien DG du FMI. Certes, la crise offre au Maroc
l’opportunité de jouer un nouveau rôle sur le continent, encore faut-il la
saisir. «Nous avons des moments dans l’histoire où les choses se nouent et il
faut être capable de prendre des décisions difficiles qui permettent de se
positionner et saisir ce qui est positif». La crise, c’est des opportunités
positives, elles peuvent être aussi négatives.
Le
chaos est derrière, nous mais pas la crise. Ceci résume bien la leçon finale
donnée par Dominique Strauss-Kahn. Entre l’accord sur le mur budgétaire aux
Etats-Unis, les déclarations de Mario Draghi sur une possible reprise de la
zone euro au second semestre, la croissance en Chine qui devrait être
supérieure à 8%, le calme est un peu revenu sur les marchés au point où
certains experts clament la fin de la crise. Il n’en est rien pense
Strauss-Kahn. «Nous avons quelques hirondelles qui sont venues annoncer le
printemps. Mais, elles ont le cerveau d’une hirondelle. Et tous ceux qui
racontent que la crise est derrière nous sont en train de nous préparer des
lendemains qui déchantent». Le risque de chaos était plus important en 2009 et
2010. Aujourd’hui nous n’en sommes pas là. Pour autant, «nous ne sommes pas
encore revenus à une période où la croissance sera élevée un peu partout »,
relève Strauss-Kahn. «Le système continue à mal fonctionner et nous sommes
toujours dans la crise », soutient-il.
L’Afrique plus réactive
La croissance mondiale devrait
ressortir en moyenne à 3,5% cette année après 3,2% en 2012. Ce niveau reflète
des écarts importants entre les grands pôles du monde.
Les pays développés devraient
enregistrer une croissance moyenne de 1,4% contre 5,5% pour les émergents et
les pays à faibles revenus. L’Afrique devrait donc enregistrer des performances
assez importantes les prochaines années. Globalement, les pays africains sont
plus réactifs après les grandes crises. «La croissance redémarre en même temps
que dans les autres pays voire avant », relève Dominique Strauss-Kahn.
Les
Etats-Unis pour lesquels les spécialistes anticipent une croissance de l’ordre
de 2% n’offrent pas aujourd’hui toutes les garanties pour atteindre ces
niveaux. Les décisions sur la dette américaine auront une influence certaine
sur la croissance économique. «L’accumulation de la dette américaine n’est pas
un drame en soi, mais celle-ci suppose pour revenir en arrière une réduction
massive du déficit», explique l’ex-patron du FMI. Les Etats-Unis auront donc le
choix de raboter dans les dépenses où d’augmenter les recettes. Ce qui est sûr,
l’une ou l’autre option portera fortement atteinte à la croissance. La zone
euro, elle, est dans une situation plus compliquée. La croissance a été
négative en 2012 et elle sera probablement identique ou nulle cette année. «Le
problème de la zone euro est que nous
avons une union monétaire mais il nous n’avons pas d’union bancaire et l’union
budgétaire est quasiment inexistante», relève Strauss-Kahn. L’homogénéité de la
zone et donc la multiplicité des points de désaccords ne facilitent pas les
prises de décisions. Du coup, «la zone euro s’oriente vers une période assez
longue de croissance très faible parce que les décisions qui doivent être
prises ne le sont pas», estime Strauss-Kahn. De plus, la faiblesse de la
croissance donne lieu aujourd’hui à la hausse du chômage, des fermetures
d’usines. C’est également une source de détérioration des comptes publics.
«Nous avons des systèmes de sécurité sociale qui supposent pour leur équilibre
une croissance économique entre 1,5 et 2%», relève Strauss-Kahn.
Au-delà
des Etats, la dette du secteur privé est immense. Pour les experts, la
nécessité du désendettement va ralentir la croissance. En outre, le coût de
financement des entreprises est jugé trop élevé malgré la détente des taux des
dettes souveraines des pays les plus fragiles de la zone. Du coup, les
entreprises investissent moins. En plus des dettes abyssales, les Etats doivent
aujourd’hui faire face à un recul des capacités de production et de la
compétitivité des entreprises. Cette situation est aggravée par la
surévaluation de l’euro.
Verbatim
■ «Si le Maroc veut qu’une partie du
continent accepte une collaboration positive avec lui, il doit faire envie»
■ «L’on peut difficilement faire du
Maroc un pôle attractif pour les pays subsahariens sans que lui-même ne fasse
suffisamment le ménage en matière budgétaire».
■ «Pour que le modèle marocain soit
décisif, illustratif, s’érige en véritable modèle, il faut que le Maroc
réussisse économiquement».
■ «Nous avons quelques hirondelles qui
sont venues annoncer le printemps. Mais, elles ont le cerveau d’une hirondelle.
Et tous ceux qui racontent que la crise est derrière nous sont en train de nous
préparer des lendemains qui déchantent».
■ «Le problème de la zone euro est que
nous avons une union monétaire mais nous n’avons pas d’union bancaire et
l’union budgétaire est quasiment inexistante»
Par
- Source de l’article l’Economiste
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