COP21 - Maghreb : trois éco-combattantes en Rhône-Alpes

Militantes de l'environnement, Afaf, Amira et Radhia ont été invitées pour parler de leurs actions et rencontrer des initiatives écologiques.

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De droite à gauche : Amira Taïba de Constantine,
Afaf Mikou de Casablanca et Radhia Louhichi de Tunis.
 © Soraya Mehdi
Afaf, Amira et Radhia ont le teint mat des femmes de la Méditerranée et le soleil dans la voix. Alors, forcément, à leur arrivée à Lyon sous un petit 10 °C, en cette mi-octobre, elles ont un peu froid. Réunies par l'association Coup de soleil en Rhône-Alpes qui œuvre au rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée, les trois militantes viennent rencontrer des initiatives écologiques. « Depuis trois ans, dans le cadre de la Quinzaine de l'égalité femmes-hommes organisée par la région Rhône-Alpes au mois d'octobre, nous invitons des femmes des trois pays du Maghreb à échanger avec des associations et des habitants de notre région », explique Michel Wilson, coprésident de Coup soleil en Rhône-Alpes et principal organisateur de l'événement. Cette année, la semaine d'échanges tourne autour de l'environnement et de la jeunesse avec Lyon, Chambéry, Grenoble, la Drôme et l'Ardèche pour étapes de la « tournée verte ». « L'idée est de montrer que dans des contextes que l'on pourrait juger moins favorables aux initiatives des femmes, elles réalisent en fait des actions dont nous pouvons nous inspirer chez nous », précise le coprésident de Coup de soleil Rhône-Alpes. Afaf Mikou, professeur de chimie à l'université Aïn Chock de Casablanca, arpente depuis quinze ans les campagnes marocaines dans une démarche de science citoyenne. Amira Taiba, ingénieur et doctorante en écologie à l'Université de Constantine, est vice-présidente de l'association le Flambeau vert de l'environnement qui organise des campagnes de reboisement et nettoyage et des classes de sensibilisation à l'environnement. Radhia Louhichi, directrice du collège Abou Kacem Chebbi dans le quartier de Franceville à Tunis et fondatrice du Réseau Enfants de la Terre, se démène depuis 25 ans pour travailler avec ses élèves autour de l'écologie. Dès qu'elles commencent à raconter leurs activités, Afaf, Amira et Radhia en oublient l'hiver.

La terre et l'esprit

Le jardin partagé et pédagogique Présanty du 8e arrondissement de Lyon, visité le premier jour, a tout de suite plu à Radhia Louhichi. Il lui rappelle celui de son collège de Tunis créé dans le cadre du projet « L'école durable ». « Le jardin nous sert de support pédagogique pour parler de l'agriculture biologique, du compost, des énergies renouvelables, etc. », raconte la nouvelle directrice de 50 ans, qui, avant de prendre la tête de l'établissement il y a deux ans, a enseigné pendant 20 ans l'éducation civique. C'est là que cette diplômée en journalisme qui n'a jamais pu exercer a développé et perfectionné sa pédagogie autour de l'environnement. Car, pour Radhia Louhichi, l'environnement n'est pas un secteur isolé. C'est une approche globale qui enveloppe à la fois l'éducation, la citoyenneté, le politique et les droits de l'homme. « Chaque être humain a le droit de vivre dans un environnement sain », répète-t-elle souvent. « Or, pour les plus démunis, c'est rarement le cas», poursuit Radhia Louhichi en prenant pour exemple les « zones humides situées près des quartiers pauvres devenues de véritables dépotoirs ». En responsabilisant les enfants à leur environnement, c'est tout l'écosystème et le cadre de vie qui se retrouvent protégés. « Grâce aux sorties écologiques et au travail sur le terrain, nous avons réussi à former des guides qui s'occupent aujourd'hui des zones humides. » Toujours à l'affût de nouvelles activités pour toucher le plus d'enfants possibles, la militante tunisienne a immédiatement relié sa visite en Ardèche du projet d'agroécologie de Terre et Humanisme à son école. Dès son retour à Tunis, elle va contacter Terre & Humanisme Tunisie.

La science au service de la nature

Si Radhia Louhichi travaille avec les enfants des villes, Afaf Mikou, elle, a jeté son dévolu sur les enfants des campagnes. « Ce qui m'intéressait, c'était de faire de la science utile, de la science citoyenne, en milieu rural avec les citoyens de demain », explique cette professeur de chimie revenue au Maroc après avoir démissionné de son poste de chercheur au CNRS qu'elle avait réussi à intégrer à la suite de ses études en France. Pour cela, il lui fallait trouver un moyen non seulement d'accéder à ces zones reculées mais aussi de gagner la confiance des habitants. « Je ne pouvais pas arriver en disant : je suis Afaf Mikou, je vous promets, je suis scientifique », poursuit la pétillante enseignante de 50 ans. « J'ai donc intégré une équipe de médecins qui réalise des campagnes de consultations gratuites en milieu rural dans le cadre de l'association Les rangs d'honneur. » Munie de ses tubes et éprouvettes, Afaf Mikou démontre aux enfants « par la preuve scientifique » les risques liés à l'environnement sur leur santé. « Je leur montre par exemple, à l'aide d'une petite expérience très simple, pourquoi il est nécessaire de traiter l'eau du puits et de bien le faire en respectant les quantités de pilules. » Campagnes faisant, près de 15 000 enfants ont été sensibilisés depuis 2005 lors des 130 sorties sur le terrain effectuées par les Rangs d'honneur qui terminent toujours leur week-end de consultations par une grande randonnée dans la région. La démarche a fait des émules et plusieurs clubs de science citoyenneactivent désormais au Maroc. À son retour à Casablanca, Afaf Mikou aimerait accélérer la transformation de son université en éco-université sur le modèle de celle de Grenoble.

L'étincelle verte

À 34 ans, Amira Taïba compte déjà une décennie d'engagement dans l'environnement. Ses premiers pas dans l'associatif commencent à l'université de Constantine où, avec quelques camarades de sa promotion, passionnés comme elle de nature, elle fonde le club Flambeau vert. « Au départ, le but de ce groupe était de donner envie aux étudiants de choisir la spécialité environnement, une filière assez mal considérée du fait des débouchés incertains », raconte la benjamine du groupe. Opérations de plantation, campagnes de nettoyage, ateliers d'éducation à l'environnement pour les enfants, etc., les activités de l'association née en 2004 croissent rapidement. À défaut d'accès aux écoles, le Flambeau vert se tourne vers l'organisation des scouts. Devenue leur premier partenaire, elle leur permet aujourd'hui de rayonner sur les six circonscriptions de la wilaya (département) de Constantine et de toucher chaque semaine une vingtaine d'enfants dans des ateliers de sensibilisation. « Chanson, théâtre, vidéos, et même un puzzle fait maison, tous les moyens sont utilisés pour parler de recyclage et du cycle de l'arbre », témoigne Amira Taïba. Outre la jeunesse, le Flambeau vert de l'environnement s'intéresse aux travailleurs de demain en accompagnant les étudiants dans la création d'entreprises vertes. « Une vingtaine de projets sont à l'étude et trois ont déjà vu le jour, notamment dans le recyclage », détaille la vice-présidente du Flambeau vert, qui compte bien proposer l'idée d'une Ressourcerie verte à son retour. L'initiative visitée à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, a enthousiasmé la jeune femme. Une graine de plus de partenariats transméditerranéens semée au cours de cette semaine d'échanges entre les deux rives…

Par Soraya Mehdi - Source de l'article le Point

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