Le défi de l’eau en Jordanie

Alors que le monde entier s’est donné rendez-vous à Paris pour tenter de parvenir à un accord planétaire sur la lutte contre le changement climatique, Khetam Malkawi, journaliste au Jordan Times, livre son point de vue sur le défi crucial que constitue la raréfaction de l’eau dans son pays.

Les vols d’eau sont à l’origine de 70 %
des pertes d’eau dans le Royaume.
La Jordanie est parmi les 10 pays les plus déficitaires au monde sur le plan des ressources hydriques renouvelables. Et, malgré cela, la consommation d’eau par les ménages dans leur espace domestique ne fait pas l’objet de mesures d’économies systématiques.

Avec près de 6 millions d’habitants, la population jordanienne est relativement modeste, mais les ressources en eau disponibles par personne s’établissent à 88 % en dessous du seuil international servant à caractériser une situation de pénurie (1 000 mètres cubes par habitant et par an). De grands projets d’infrastructure sont mis en œuvre pour satisfaire la demande, qui progresse annuellement de 6 %, mais d’autres actions sont nécessaires pour favoriser l’émergence de solutions novatrices permettant d'économiser l'eau dans les foyers.

Ces efforts devraient principalement se concentrer sur l’éducation des consommateurs. En 2007, un projet pionnier financé par l’aide au développement a permis d’équiper des foyers, des mosquées et des écoles avec des installations performantes dans divers gouvernorats, mais aucun autre projet équivalent n’a vu le jour depuis lors.

Malgré sa réussite, ce projet n’est guère suffisant. Le déficit hydrique représente un problème majeur dans un pays où la demande en eau douce provenant de sources renouvelables dépasse 1,5 milliard de mètres cubes par an, alors que l’offre atteint péniblement 1 milliard.

Des études menées par les autorités jordaniennes compétentes ont montré que l’installation de systèmes économiseurs d’eau réduirait la consommation de 30 % en Jordanie. Des enquêtes locales indiquent également que 50 % du volume passent par les robinets domestiques, dont la moitié en cuisine, soit une consommation nationale supérieure de 25 % à la moyenne internationale.

Pour étancher la soif de leurs concitoyens, tout en limitant la consommation des ménages, les autorités jordaniennes en charge de la gestion de l’eau doivent travailler, avec le concours des organismes donateurs, à la mise en place de nouveaux projets d’envergure nationale qui misent sur des solutions novatrices. Certains travaux révélant par ailleurs que les toilettes représentent 30 % de la consommation domestique d’eau, des efforts devraient donc également être entrepris afin de sensibiliser la population aux toilettes à faible consommation (comme celles homologuées WaterSense) ainsi qu’aux toilettes sèches, qui permettent de réaliser des économies d’eau mais aussi d’énergie.

L’utilisation de telles technologies devrait figurer parmi les priorités de la régie des eaux jordanienne, car malgré l’apport indéniable des grands projets d’infrastructure, les nouvelles technologies proposent des solutions à court comme à long terme pour réduire le gaspillage.

Deux millions de mètres cubes d'eau des 10 plus 
grands barrages en Jordanie se sont évaporés
lors de la vague de chaleur en août 2015.

La Jordanie a signé un accord pour la construction de la première usine de dessalement du pays dans le port d’Aqaba, sur la mer Rouge, qui offrira une capacité annuelle de 5 millions de mètres cubes d’eau. Abdullah Ensour, le Premier ministre jordanien, a récemment annoncé lors de la Semaine mondiale de l’eau qui s’est tenue en Suède qu’un deuxième site de dessalement d’une capacité totale de 80 millions de mètres cubes par an sera également construit d’ici fin 2019.

La lutte contre le déficit hydrique est d’autant plus urgente que la Jordanie a vu arriver sur son territoire un énorme afflux de réfugiés depuis 2011, dont 1,5 million de Syriens. Du fait de cette situation, la demande en eau des gouvernorats du Nord a augmenté de 40 %, poussant les autorités locales à envisager d’utiliser les ressources de l’aquifère de Disi, normalement destinées à alimenter la seule ville d’Amman, capitale du pays, pour répondre également aux besoins de ces gouvernorats.

Le Royaume est aussi confrontée à des vols d’eau de très grande ampleur : les autorités estiment que les détournements d'eau sont à l’origine de 70 % des pertes d’eau en Jordanie 

Certes, le lancement de mégaprojets, la lutte contre les prélèvements d’eau illégaux, la mise en œuvre de programmes de gestion de l’eau et la réduction des pertes liées aux fuites sont indispensables, mais l’introduction de nouvelles solutions d’économie d’eau revêt un caractère tout aussi important.

La Jordanie doit impérativement agir au sein même des foyers et y promouvoir de nouvelles solutions, comme l’installation de vannes de régulation de débit, de sacs WC positionnés dans les réservoirs, de pommeaux de douche économiseurs d’eau… Il faudra aussi davantage encourager le recyclage des eaux grises.

Des projets et des campagnes de taille modeste ont vu le jour ces dernières années, mais pour qu’ils aient un véritable impact, une collaboration demeure indispensable entre l’ensemble des parties prenantes : donateurs, autorités, ONG, société civile et consommateurs finaux eux-mêmes.

Par Khetam Malkawi - Source de l'article Blog Banque Mondiale

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