La colocalisation favorise l’intégration économique par la production et le partage de la chaîne de valeur. Elle doit se traduire par des avantages pour chacune des parties prenantes. Elle peut se faire du Nord vers le Sud, du Sud vers le Nord ou du Sud vers le Sud. Quels sont ses déterminants? Éclairage…
La colocalisation s’inspire de l’expérience allemande avec les pays d’Europe centrale et orientale (Peco) |
À une situation de crise profonde, il faut répondre par des solutions nouvelles, voire radicales. D’une part, l’Europe, et en particulier la France, ont besoin de nouveaux relais de croissance puisque la consommation est atone, l’investissement est étranglé par le crédit bancaire et les exportations sont en berne. D’autre part, les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Psem) ne disposent pas individuellement des moyens et des outils nécessaires pour réussir à la fois leur transition démocratique et leur décollage économique.
Un nouveau modèle de partenariat doit être mis en place entre les deux rives de la Méditerranée. Il devrait être basé sur le concept de la colocalisation qui favorise l’intégration économique par la production et le partage de la chaîne de valeur.
Le temps de la colocalisation est arrivé en Méditerranée. Les pays du Sud veulent être considérés comme des partenaires et non plus comme des exécutants ; la crise appelle à tirer parti des complémentarités Nord-Sud et à insérer les pays du Sud dans la chaîne de valeur car l’Europe seule n’a plus les moyens de faire face à la concurrence américaine et surtout asiatique ; la rive sud a fait les progrès nécessaires pour devenir un partenaire économiquement crédible pour les entreprises européennes et le Sud-Sud devient envisageable pour des raisons à la fois économiques et politiques.
La colocalisation pourrait instaurer un nouveau modèle de coopération basé sur la production avec des rapports équilibrés. Elle peut se faire du Nord vers le Sud ou du Sud vers le Nord ou encore du Sud vers le Sud, l’essentiel étant qu’elle se traduise par des avantages pour chacune des parties prenantes.
La colocalisation s’inspire de l’expérience allemande(1) avec les pays d’Europe centrale et orientale (Peco) qui consiste à externaliser des fragments de la chaîne de valeur dans les pays voisins dont les coûts sont moindres et les complémentarités évidentes. En effet, l’Allemagne a profité de la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée dans les Peco et a aussi convaincu les décideurs des pme patrimoniales d’aller rechercher des nouvelles opportunités et stratégies dans les pays voisins.
Cette externalisation de fragments de production intégrés dans une même chaîne de valeur s’est réalisée de façon profitable pour les deux parties. Elle a été rendue possible entre l’Allemagne et les Peco parce que des conditions historiques étaient remplies. L’UE a investi massivement dans les infrastructures des Peco afin de préparer la chaîne logistique – ce qui a facilité le «rapatriement» en Allemagne. Les entreprises allemandes ont pris en charge la restructuration du tissu industriel des Peco pour l’adapter aux modes de production en vigueur en Allemagne. On a assisté à une convergence normative des Peco avec l’Europe et à des transferts d’avantages acquis de l’UE dans la perspective de l’intégration européenne. Enfin, les Peco ont accepté momentanément des activités de sous-traitance, à condition qu’à moyen terme leurs compétences et leurs conditions de production s’améliorent.
Les déterminants de la colocalisation ne se limitent pas au seul coût du travail, mais incluent aussi la taille et le dynamisme du marché, les infrastructures et surtout les conditions d’investissement offertes aux investisseurs. À cet égard, les Psem doivent adopter des réformes structurelles pour favoriser des colocalisations leur permettant d’intégrer des chaînes de valeurs : la sécurité juridique des investissements à long terme, des services publics locaux performants, un système éducatif adapté aux besoins des entreprises et du marché du travail, etc. De leur côté, les entreprises du Nord doivent s’engager à s’implanter dans un esprit de responsabilité économique, sociale et environnementale pour éviter toutes les formes de dumping, partager la valeur ajoutée, favoriser la mobilité des cadres et accepter que les capitaux du Sud soient introduits dans leurs établissements au Sud mais aussi dans les sociétés au Nord.
Par Amal Chevreau, Responsable pôle études, Ipemed
Soure IPEMED
(1) consulter à ce sujet : IPEMED Palimpsestes N° 2 : L’industrie allemande dans les Peco
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